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À moins que les parlementaires n’en décident autrement et changent les lois qui encadrent la distribution de produits et services financiers, le nouvel organisme d’autoréglementation (OAR) du secteur de la distribution de valeurs mobilières ne permettrait pas l’incorporation des représentants.

C’est ce que l’on peut comprendre des éléments qui sont ressortis d’une table ronde organisée à l’occasion du 15e Colloque des fonds d’investissement, organisé par le Conseil de fonds d’investissement du Québec (CFIQ), le 10 mai dernier. À cette occasion, Éric Jacob, Surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution et Hugo Lacroix, surintendant des marchés de valeurs, tous deux à l’Autorité des marchés financiers (AMF), ont livré quelques éléments du projet de création du nouvel OAR. Celui-ci va regrouper les fonctions de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) et de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM).

« La détermination du cadre fiscal applicable aux courtiers en épargne collective ne relève pas de l’AMF. Je n’ai pas le pouvoir de permettre l’incorporation des représentants de façon préliminaire. On pense qu’une modification législative serait nécessaire pour le permettre. On est un peu à la merci de cela, où, de notre côté, on est rendu au bout de ce qu’on pouvait faire de ce côté-là », a déclaré Éric Jacob.

Le surintendant a toutefois précisé qu’un groupe de travail composé des parties prenantes concernées, auquel participe l’AMF, a été créé dernièrement et se penche sur la question. « Les accords de versement des commissions à des tiers (comme des sociétés non inscrites) est un sujet complexe », a-t-il noté.

Rappelons qu’un différend fiscal oppose Revenu Québec (RQ) à l’industrie financière, causant chez cette dernière son lot d’incertitudes. En 2020 et 2021, RQ a émis des avis de cotisation à plusieurs représentants ayant effectué un partage, car il ne reconnaît pas la validité dudit partage, selon le Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ).

D’après le CFIQ, cette position de RQ est contraire aux dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières (LVM) du Québec. Celle-ci a été modifiée en 2018 afin de prévoir la possibilité pour un inscrit dans la discipline de l’épargne collective de partager ses commissions avec un cabinet inscrit sous la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF).

« Un conflit existe entre l’interprétation que RQ fait de la Loi sur les impôts, d’une part, et la volonté du législateur lorsqu’il a adopté le projet de loi 141 qui amendait la LVM. Par conséquent, le bénéfice que le législateur voulait accorder aux représentants en épargne collective en permettant le partage des commissions en modifiant la LVM n’est plus une option valable », écrivait le CFIQ dans un mémoire remis entre autres à l’AMF, en 2021. Ce groupe réclame qu’on accorde aux représentants en épargne collective la possibilité d’incorporer leurs activités. Le cadre du nouvel OAR ne semble pas en mesure de les satisfaire pour le moment.

Frais réduits pour les courtiers durant la période transitoire

Lors du colloque, les représentants de l’AMF ont évoqué certaines dispositions concernant le nouvel OAR qui seront rendue publique par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières le 12 mai prochain. En voici un résumé.

D’abord, la transition vers l’entrée en fonction du nouvel OAR – qui n’a pas encore de nom pour le moment – va se faire en deux phases, soit une phase transitoire et une phase permanente. La phase transitoire s’amorcera le 1er janvier 2023 et se terminera à une date encore indéterminée. À compter du 1er janvier prochain, les courtiers en épargne collective vont adhérer de manière automatique au nouvel OAR. À partir de cette date, les sociétés qui ont à la fois des activités de courtier en épargne collective et de courtier en placement pourront les combiner au sein d’une même entité juridique.

Durant la phase transitoire, les règles du nouvel OAR ne s’appliqueront pas aux courtiers en épargne collective du Québec pour leurs activités au Québec, à l’exception de quelques règles de fonctionnement. L’encadrement réglementaire en vigueur, incluant le règlement 31-103, va continuer de s’appliquer. L’AMF continuera d’être responsable de surveiller l’application de l’encadrement pour les courtiers en épargne collective au Québec.

« En gros, pendant la période transitoire, ce sera un peu le statu quo », dit Éric Jacob.

Pour les courtiers au Québec qui ont des activités dans d’autres endroits au Canada, un nouvel OAR ne modifiera pas le mandat pour les fonctions et pouvoirs de la CSF. Le nouvel OAR et la CSF signeront une entente de coopération.

Les courtiers en épargne collective n’auront pas à contribuer au fonds de garantie du nouvel OAR pendant la période transitoire. Ils continueront à contribuer au Fonds d’indemnisation des services financiers seulement. Pendant la phase transitoire, les courtiers en épargne collective devront payer des frais d’adhésion réduits au nouvel OAR, soit les frais qui seront proportionnels au service offert par le nouvel OAR.

La date de fin de période transitoire fera l’objet d’une consultation. « Il est clair qu’on souhaite si possible que cette période prenne fin une année après l’entrée en vigueur des règles révisées du nouvel OAR, afin de conférer une période de transition adéquate pour les courtiers en épargne collective. La consultation va être importante. On va considérer à la suite des commentaires reçus, s’il opportun de le faire se terminer plus tard », a élaboré Éric Jacob.

Pour ce qui est de la phase permanente, les courtiers en épargne collective du Québec seront assujettis au même encadrement que les courtiers en épargne collective opérant dans les autres juridictions, tout en tenant compte des particularités de l’encadrement de l’épargne collective au Québec, ce qui inclut le rôle de la CSF. Le nouvel OAR prendra en charge plusieurs aspect du cadre réglementaire, y compris les inspections et la mise en application, comme c’est le cas de l’AMF actuellement.

Bénéfices, même pour les indépendants

Par ailleurs, le nouvel OAR créera des occasions d’affaires ainsi que différents bénéfices pour l’ensemble des parties prenantes, y compris les consommateurs, les courtiers intégrés et les courtiers indépendants, a souligné Hugo Lacroix. Ces derniers, tout comme les autres types de courtiers, pourront plus facilement prendre de l’expansion à l’extérieur du Québec.

« La désharmonisation crée des écueils surtout sur le plan opérationnel qui freinent les efforts de nos courtiers indépendants et représentants du Québec qui souhaitent moderniser leur offre de service et services pour mieux répondre aux besoins de leurs clients, a indiqué Hugo Lacroix. Ça va demander des efforts et des investissements. Ça ne sera pas facile. En ce moment, il y a des freins et il n’y en aura plus dans l’environnement anticipé. »

Pour les courtiers indépendants, la création du nouvel OAR est susceptible d’offrir un éventail de services d’arrière-guichet et de solutions technologiques en appui à la conformité. Ces services permettraient aux courtiers indépendants d’optimiser leurs opérations et de faire évoluer son arrière-guichet pour offrir des fonds négociés en Bourse (FNB), a expliqué Hugo Lacroix.

« Ce ne sont pas les catégories d’inscription qui freinent ça, mais des écueils opérationnels qui viennent de la désharmonisation des règles et le fait qu’au Québec, on est un peu isolé, à fonctionner différemment de l’ensemble (du Canada). Ces solutions sont moins accessibles parce qu’on représente un bassin moins critique pour les développeurs de solutions technologiques ou d’offre d’arrière-guichet. On voit là un bénéfice potentiel », a noté Hugo Lacroix.

Il a ajouté que, pour les sociétés qui ont à la fois un courtier en placement et un courtier en épargne collective, la fusion des OAR va leur permettre à terme de réaliser des économies d’échelles importantes. Elles pourront ainsi regrouper au sein d’une même entité juridique les deux forces de ventes et administrer un seul programme de conformité en fonction de règles harmonisées.