Plusieurs mains avec le doigt levé devant un tableau avec des graphiques financiers
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Le recours à ce type d’actions devrait cependant être encadré par des « normes réglementaires rigoureuses » afin de ne pas pénaliser les autres actionnaires dont les titres ne comportent qu’un seul vote, a précisé l’IGOPP dans son rapport.

Les actions à droit de vote multiple, par opposition aux actions ordinaires qui n’offrent qu’un seul droit de vote, permettent aux entrepreneurs de mieux conserver le contrôle d’une société, puisque leur poids dans les décisions soumises à des votes d’actionnaires reste important même après l’émission de nouveaux titres pour financier leur croissance. Dans une société où toutes les actions n’offrent qu’un seul droit de vote, les émissions d’actions diluent la voix des dirigeants, qui correspond au pourcentage d’actions qu’ils détiennent.

Le fait de détenir plus de droits de vote peut permettre à une entreprise québécoise de se protéger contre les offres d’achat non sollicitées et de maintenir son siège social dans la province. En l’absence d’actions à droit de vote supérieur, certains fleurons de l’économie québécoise seraient probablement devenus des filiales canadiennes de sociétés multinationales étrangères, estime l’IGOPP, évoquant au passage les cas d’Alimentation Couche-Tard, du Groupe CGI, de Bombardier et de Québecor.

L’Institut sur la gouvernance a constaté dans son rapport « l’absence de données probantes, incontestables démontrant une sous-performance financière et boursière » des entreprises dotées d’un régime d’actions multivotantes, par rapport aux sociétés à une seule classe d’actions. « En fait, selon des études récentes ce serait plutôt le contraire », et ces sociétés offriraient de « meilleures performances, une survie plus longue et montrent une meilleure intégration dans le tissu social de leur milieu ».

Dans un monde idéal, le nombre de droits de vote par action ne devrait pas dépasser quatre, croit cependant l’institut. Ce niveau obligerait les entrepreneurs qui profitent de ce privilège à détenir 20 % de la valeur des capitaux propres de la société pour avoir un contrôle absolu, soit 50 % des votes. La Bourse de Toronto devrait en outre plafonner à 10 le nombre de droits de vote assortis à une action, a estimé l’IGOPP, avant d’ajouter que les actions sans droit de vote devraient être interdites.

« Pour se protéger contre une prise de contrôle hostile, il suffit, dans la plupart des cas, que l’actionnaire de contrôle détienne 33,3 % des droits de vote », rappelle l’IGOPP dans son rapport.

« En présence d’un ratio (de quatre droits de vote pour une action), cet objectif est atteint si l’entrepreneur ou ses successeurs contrôlent 11,1 % des capitaux propres! Toutefois, ce fait ne semble pas être bien compris ni suffisamment publicisé », déplore l’organisme.

Le nombre de sociétés canadiennes munies d’un tel régime d’actionnariat était de 100 en 2015, mais est passé à 69 en 2018, a précisé l’IGOPP. Aux États-Unis, les actions multivotantes demeurent très populaires chez les nouvelles entreprises de haute technologie cotées en Bourse, notamment Netflix, Linkedin, Wayfair, Alphabet et Groupon, a ajouté l’institut.

Le cas Bombardier décrié par le MEDAC

Le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MEDAC) a réclamé en décembre l’abandon d’une structure s’appuyant sur les actions à droit de vote multiples chez Bombardier. Selon le groupe, les décisions de l’entreprise ces dernières années ont été trop orientées vers des « considérations à court terme» et les critères justifiant une telle structure « ne sont pas là ». Le MEDAC a notamment évoqué l’absence de seuil minimal de détention des actions pour la famille.

D’après les informations disponibles à la fin de l’an dernier, la famille Beaudoin-Bombardier contrôlait 53,23 % des droits de vote alors qu’elle ne détenait que 13,26 % du total des titres en circulation. La famille a parfois été la cible de critiques en raison du contrôle qu’elle exerce grâce à ses actions de catégorie A, porteuses de 10 droits de vote chacune.

La proposition du MEDAC a été transmise au constructeur d’avions et de trains en vue de son assemblée annuelle, qui devrait avoir lieu ce printemps.

L’exploitant de dépanneurs et de stations-service Alimentation Couche-Tard dispose lui aussi d’une telle structure d’actionnariat, mais ce régime est appelé à prendre fin en 2021 en vertu d’une clause crépusculaire signée en 1995.

Dans son rapport, l’IGOPP s’est prononcé contre l’adoption de clauses crépusculaires, faisant valoir que « la transmission du contrôle de la société aux héritiers du fondateur doit être permise tant que ceux-ci détiennent suffisamment de votes pour bloquer toute prise de contrôle non souhaitée ».