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Si la baisse des marchés a déclenché une vague d’inquiétude qu’il était facile à anticiper, notamment chez les retraités, elle a eu un autre effet nettement moins attendu, témoigne Barry Schwartz, directeur des investissements de Baskin Wealth, dans un récent article du Financial Post. Ainsi de nombreux milléniaux ont décidé de profiter de la baisse des marchés en investissant de grosses sommes d’argent.

Cette tendance a mis à mal la réputation de mauvais investisseurs attribuée à cette tranche d’âge. « J’ai certainement appris une leçon : ils (les milléniaux) ont fait preuve de prévoyance et de patience et ont adopté une vision à plus long terme que celle que nous leur avions attribuée », reconnait Barry Schwartz.

 Une réputation sur le point de changer

Les milléniaux ont effectivement une réputation dont ils ont dû mal à se départir. Selon les avis, ils sont soit des investisseurs imprudents qui se sont appauvris en poursuivant des actifs à enrichissement rapides comme les cryptomonnaies et le cannabis, soit trop conservateurs pour seulement entrer en Bourse.

Une étude menée par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario de 2017 révèle qu’effectivement, 53 % des milléniaux n’ont aucun investissement et que la plupart (57 %) veulent se tenir loin des marchés de crainte de perdre de l’argent. Pourtant, la grande majorité (73 %) épargne de l’argent à chaque paie.

S’ils étaient trop frileux pour entrer en Bourse avant, ce temps semble désormais révolu. Plusieurs gestionnaires de Bay Street rapportent ainsi que leurs clients de cette tranche d’âge avaient ajouté une grande quantité d’argent sur leur compte au cours des dernières semaines pour investir, ce que beaucoup applaudissent.

« Chaque fois que les gens ont acheté la baisse, c’était la bonne décision, note ainsi Barry Schwartz. La même leçon va être apprise aujourd’hui. »

Une confiance due à l’inexpérience?

Chris Kerlow, gestionnaire de portefeuille de Richardson GMP, raconte que ses clients voient dans les marchés boursiers une bonne façon d’augmenter leur mise de fonds pour une future maison, c’est pour cela que nombre d’entre eux se lancent maintenant dans l’investissement. Il estime toutefois que l’assurance des milléniaux est en partie attribuable à leur manque d’expérience. Ces derniers étaient ainsi trop jeunes pour avoir vu leurs investissements fondre en 2008, contrairement aux baby-boomers.

La plupart s’intéressent d’ailleurs à l’hyper-croissance, faisant fi de prudence. Ils investissent ainsi dans des compagnies chouchous comme Tesla et dans certaines actions qui ont connu un fort revers comme celles des compagnies aériennes. Les compagnies qui ont gagné en popularité comme Zoom Video Communications ou Clorox attirent aussi leur attention.

Chris Kerlow s’inquiète d’ailleurs de leur manque de prudence. Selon lui, la plupart sont tellement axés sur la croissance qu’ils ne font pas tous preuve de diligence raisonnable en étudiant le bilan ou la notation de crédit d’une entreprise.

Toutefois, nombre de professionnels de la finance sont impressionnés par les milléniaux.

« Ils font un excellent travail, affirme Ben Reeves. Je pense que pour les milléniaux avec lesquels nous interagissons, cette réputation (de mauvais investisseurs) ne serait pas du tout juste. Nous voyons de très bons investisseurs à long terme et nous voyons ceux qui veulent spéculer le faire de manière largement prudente. »

Andrew Kirkland, le président de Justwealth, qui assure que cette génération représente environ un tiers de sa clientèle abonde dans ce sens. Il se dit impressionné par la façon dont ces clients sont disposés à écouter leur gestionnaire de portefeuille et à ne pas laisser la récession les détourner de leur plan financier.

« Nous avons constaté que les milléniaux étaient les plus disposés à respecter leur plan en cette période de crise, ce qui n’est pas le cas des autres catégories de notre clientèle », commente-t-il.

 Une tendance forte chez les courtiers en ligne

Cet afflux d’investissement et la tendance à se diriger vers des actions populaires semblent se confirmer chez les courtiers en ligne à escompte comme Wealthsimple. Ces derniers plaisent beaucoup aux milléniaux, car ils ne requièrent pas de montant minimum à placer avant de commencer à négocier. La majorité des utilisateurs de ces plateformes auraient ainsi moins de 34 ans, selon Ben Reeves, le directeur des investissements de Wealthsimple et ces derniers investissents dans des actions telles que Tesla, Air Canada, Apple, Aurora Cannabis et la Banque Toronto-Dominion.

Les comptes Wealthsimple Trade, où les utilisateurs peuvent investir dans des actions individuelles, ont connu un pic d’activité massif alors que les ordres de transaction ont augmenté de 43 % ces dernières semaines.

Le nombre total de clients de Wealthsimple a augmenté de 54 % en mars. En avril, il a vu 7 000 nouveaux utilisateurs par semaine. D’après Reeves, 55 % de ces nouveaux clients ont moins de 34 ans.

À l’inverse les comptes Wealthsimple Invest, qui investissent à long terme dans une série de fonds négociés en Bourse (FNB) basés sur des indices et sur l’exposition au risque des utilisateurs, ont connu peu de changements en termes de rachats. Cela prouve que les milléniaux se focalisent sur les rendements futurs, affirme Ben Reeves.