Un tas de cryptomonnaies.
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La convivialité et l’amusement figurent en tête des raisons qui motivent les investisseurs autonomes québécois à investir dans des comptes de courtage à escompte depuis le début de la pandémie, révèle un sondage mené l’été dernier par SOM, à la demande de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Ces motivations seraient même supérieures aux critères liés aux coûts de ces comptes et de l’opportunité de mettre à profit ses compétences, d’après cette enquête.

« C’est à se demander si nous ne sommes pas en train d’assister à la disparition de la frontière entre le jeu vidéo et l’investissement », déclarait Louis Morisset, président-directeur général de l’AMF lors du Rendez-vous de l’AMF 2021, le 22 novembre dernier.

Dans son allocution, le dirigeant a alors illustré différentes initiatives de son plan stratégique. Le régulateur était préoccupé par la « croissance phénoménale » du courtage à escompte durant la pandémie. Louis Morisset notait alors qu’« au Canada, le nombre de comptes est ainsi passé de 7,7 millions (M) au premier trimestre de 2020 à 10,6 M au premier trimestre de 2021 et le nombre de transactions est passé de 30 M à 81 M au cours de cette même période ».

Le sondage révélait aussi que « 53 % des investisseurs autonomes contactés ont commencé ou recommencé à investir pendant la pandémie ou encore ont augmenté leur nombre de transactions au cours de cette période. Ce changement de comportement est encore plus important chez les 18 à 34 ans », a rapporté Louis Morisset.

L’AMF s’inquiète également de l’émergence, sur certaines plateformes de courtage en ligne, de mécanismes de marketing reprenant des concepts propres au jeu, comme l’attribution de points ou de récompenses en fonction de l’atteinte de certains paliers.

« Ces mécanismes permettent ainsi aux opérateurs de la plateforme d’influencer les choix et les comportements de leurs utilisateurs. Dans cette situation, l’investissement n’est peut-être plus aussi autonome qu’il le paraît », a affirmé Louis Morisset.

En raison de cette tendance récente, que l’on appelle la ludification de l’investissement, ou gamification of trading, l’AMF déploie des efforts pour sensibiliser les investisseurs aux risques du boursicotage et de la spéculation excessive sur les marchés.

Louis Morisset a rappelé que ces mécanismes de ludifications sont présents également sur certaines plateformes de négociation de cryptoactifs.

Sur ce plan, le dirigeant a relevé diverses initiatives réglementaires. Avec les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, l’AMF veille à l’inscription des plateformes de négociation de cryptoactifs dont les activités déclenchent l’application de la législation en valeurs mobilières ou celle relative aux instruments dérivés.

« Si la plateforme ne fait pas la livraison immédiate des jetons à l’acheteur, on considère qu’un contrat est créé entre l’acheteur et la plateforme, et ce contrat est une valeur mobilière », soulignait Lise Estelle Brault, directrice principale, fintech, innovation et encadrement des dérivés, de l’AMF lors d’une récente conférence lors du congrès de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), en octobre.

C’est, entre autres, la raison pour laquelle la plupart des plateformes d’échange de jetons de marchandise doivent s’inscrire auprès de l’AMF.

Lors du Rendez-vous de l’AMF 2021, Louis Morisset a souligné que le régulateur poursuit ses réflexions sur l’encadrement adéquat à mettre en œuvre pour mitiger les risques émanant de certains types de jetons comme les jetons dits stables (stable coins) et ce, en collaboration notamment avec Banque du Canada.

Comme le personnel du centre d’information de l’AMF continue de recevoir un nombre considérable de questions et de dénonciations au sujet des cryptoactifs, l’AMF a collaboré avec le CIRANO afin de sonder la population sur son adoption des cryptoactifs au Québec.

« Plus de 72 % des personnes interrogées disent avoir une connaissance des cryptoactifs et ce pourcentage est encore plus important chez les répondants de 18 à 34 ans. Toutefois, seulement 7 % des personnes interrogées et c’est sans doute une bonne nouvelle, ont déclaré en posséder. Parmi ces personnes, il y a deux fois plus d’hommes que de femme, et sans surprise, la majorité a entre 18 et 34 ans », a relaté Louis Morisset.

De plus, le sondage a révélé que les investisseurs, et en particulier les jeunes investisseurs, se tournent de manière grandissante vers des sources d’informations non traditionnelles, comme les réseaux sociaux, pour guider leurs décisions d’investissement. « Et ce, malgré leur faible fiabilité et le caractère faux ou trompeur des informations qui y circulent », a noté le dirigeant.

C’est pourquoi l’AMF a lancé en octobre des campagnes de sensibilisation vidéo sur

Tik Tok et YouTube à propos de la volatilité des marchés des cryptoactifs et des risques de fraude qui y sont associés. Il s’agissait d’une première pour l’AMF qui se dit très encouragée des résultats obtenus.

« C’est fondamental pour moi, comme père de quatre garçons entre 16 et 4 ans, que les jeunes comprennent tôt dans la vie qu’investir n’est pas un jeu et qu’ils soient le mieux outillés possible pour éviter les pièges frauduleux. La façon d’aborder l’éducation financière doit donc elle aussi s’adapter et évoluer avec la transformation numérique », a noté Louis Morisset.

Il a ajouté que n’importe qui peut se présenter comme un expert sur les réseaux sociaux et que de nombreuses vedettes, surtout américaines, s’associent à des plateformes de cryptoactifs, et en font activement la promotion. « Dans un tel contexte, il est plus que jamais important pour les investisseurs de tous âges d’acquérir des connaissances de base, de développer de bons réflexes de prudence et d’accéder à de l’information fiable pour faire des choix financiers éclairés », a-t-il dit.