Un homme et une femme assis sur un sofa à côté d'un conseiller financier qui leur montre un papier.
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Or, dans les firmes de ce secteur, la vente d’assurance de personnes est un service stratégique parmi plusieurs qui s’articulent autour d’une offre centrale de planification financière.

Ainsi, en 2022, les produits d’assurance de personnes représentaient en moyenne 1,5 % des revenus bruts générés par les conseillers liés à un courtier de plein exercice, par rapport à 25,1% pour les conseillers liés à un courtier multidisciplinaire, selon le Pointage des courtiers québécois et le Pointage des courtiers multidisciplinaires de 2022.

D’après le Pointage des courtiers de plein exercice de l’an dernier, c’est le tiers des répondants qui détenaient le permis pour offrir de l’assurance, comparativement à 87% des conseillers liés à un courtier multidisciplinaire.

Parmi les huit courtiers de plein exercice évalués dans le cadre du pointage de 2022, les représentants de CIBC Wood Gundy (CIBC WG), Gestion de patrimoine TD et RBC Dominion valeurs mobilières (RBC DVM) étaient les plus susceptibles d’avoir le permis pour distribuer ce genre de produits.

Lors de notre sondage, nous avons demandé aux conseillers de noter sur une échelle de 0 à 10 leur degré de satisfaction quant au soutien de leur firme à l’analyse de besoins et à l’exécution de stratégies d’assurance. Ils devaient également noter l’importance de ce critère sur 10.

En moyenne, les répondants au Pointage des courtiers québécois ont accordé une note de 8,2 sur 10 et une importance de 8,6 à ce critère d’évaluation. Les représentants sondés de RBC DVM lui ont donné une note élevée de 9,3, suivie de CIBC WG (8,8) et de la Financière Banque Nationale (8,7).

L’importance moyenne que prêtent les conseillers en placement à ce critère est la même que celle des conseillers liés à un courtier multidisciplinaire et la note moyenne qu’accordent ces derniers représentants est semblable, à 8 sur 10.

Les commentaires recueillis auprès des conseillers liés à un courtier de plein exercice témoignent toutefois d’insatisfactions. Certaines firmes n’accordent du soutien aux conseillers que pour les clients de ceux-ci qui veulent mettre en place de grosses polices d’assurance, offertes dans des stratégies complexes, comme pour la détention par l’entreprise.

La critique la plus fréquente, qui revient dans presque toutes les firmes, déplore le fait qu’on tend à négliger les besoins relatifs aux plus petites polices. « La firme veut juste des gros dossiers », dit un répondant. Un autre abonde dans le même sens : « Les petits clients, ils ne veulent pas les faire; on ne sait pas comment les servir. »

Selon bon nombre de répondants, et ce, dans plusieurs firmes, les experts en assurance au sein des firmes sont également débordés ou trop peu nombreux. Et comme ce n’est pas la majorité des conseillers qui peuvent vendre de l’assurance, les conseillers en placement déplorent les délais que cela occasionne.

Le degré de satisfaction varie grandement entre les conseillers, même au sein d’une même firme. Certains font l’éloge de leurs spécialistes en assurance, alors que d’autres se plaignent du manque de service.

« Nous sommes devenus le meilleur one stop shop pour tous les conseils financiers, y compris l’assurance vie et tous les produits et stratégies connexes », résume un conseiller de BMO Nesbitt Burns.

D’autres commentaires sont tout aussi élogieux : « Bon soutien de la division assurance, » dit un conseiller de CIBC WG; « Notre gars d’assurance est un génie », lance un autre de Raymond James.

Or, les commentaires ne sont pas toujours aussi positifs. « Notre bureau est très mal desservi par notre division d’assurance. Dans notre région, c’est ma réalité », laisse tomber un répondant de BMO Nesbitt Burns. Un autre de chez Valeurs mobilières Desjardins entonne : « Toujours difficile de faire affaire avec VMD ou la division assurance. »

De telles critiques n’étonnent pas Jean Morissette, consultant et spécialiste de l’industrie du plein exercice, pour qui elles mettent le doigt sur une donnée fondamentale qui distingue le courtage de plein exercice du courtage multidisciplinaire. « La clientèle est très différente et compte des gens plus fortunés, des entrepreneurs souvent, qui ont des portefeuilles plus complexes et une recherche de performance plus élevée », dit-il.

Pour servir ces clients, l’offre doit être très solide, car, signale Jean Morissette, « ils sont souvent entourés d’avocats, de fiscalistes, de comptables. Le représentant doit offrir des produits très pertinents, car le client est en mesure de bien juger l’offre. »

Il faut également tenir compte du fait que ce n’est pas la majorité des conseillers en placement qui sont spécialistes des produits d’assurance. « L’assurance est un métier en soi, souligne Jean Morissette, et les produits sont moins comparables, plus différenciés et plus spécialisés que les produits de placement. »

Parce que la majorité des conseillers en placement n’ont pas le permis nécessaire pour distribuer des polices d’assurance et aussi parce que les besoins des clients sont souvent plus complexes, l’industrie du courtage de plein exercice « a évolué sur le mode du référencement, du partage des clients avec des spécialistes, notamment en assurance », explique Jean Morissette.

Un tel référencement ne va pas toujours de soi, selon le spécialiste. « L’accès à un spécialiste est coûteux, ne serait-ce que pour faire une proposition. Le représentant qui en fait de temps en temps n’aura pas l’attention des professionnels. » Cela explique probablement les doléances de certains répondants au sondage sur la difficulté à servir les clients ayant besoin de plus petites polices.

Ce contexte permet de comprendre pourquoi, tant chez RBC DVM que chez CIBC WG, on n’en fait pas un secret : « Notre niche, ce sont les comptes de 1 M$ et plus », affirme Jérôme Brassard, vice-président et directeur régional pour le Québec de RBC DVM. Toutefois, la firme ne ferme pas la porte sous ce seuil, y compris pour l’assurance : « On offre de l’assurance aux personnes appropriées, peu importe leur besoin, mais on n’est pas dans l’industrie de la vente pour la vente, on est dans celle du conseil. Si ce n’est pas approprié pour un client, ça ne l’est pas. »

« On cible les clients qui ont un patrimoine de 1 M$ et plus, ajoute Charles Martel, directeur général et chef régional, région du Québec, de Gestion privée CIBC et Wood Gundy. Je dispose d’une dizaine de planificateurs dans la région ; ils ont une limite au nombre de plans qu’ils peuvent faire dans une année. On trace une ligne à 1 M$, par contre, si un conseiller juge qu’un client a besoin de faire revoir ses plans par un planificateur financier, il va y avoir accès. »

La quête de clients à plus haute valeur nette se manifeste dans l’activité de bureau de gestion familiale, qui « est en grande croissance, » note Charles Martel. « On a créé notre bureau il y a deux ans. »

De tels bureaux existaient auparavant, propriété exclusive de grandes fortunes familiales, mais le phénomène s’est « démocratisé » au fil des ans, signale le banquier. Désormais, ils servent plusieurs clients fortunés à partir d’une équipe centralisée qui compte toutes les disciplines requises : conseil en placement, assurance, fiscalité, succession, etc. C’est une copie du modèle de distribution de services, dont l’assurance, qu’appliquent les firmes de courtage de plein exercice.

Jérôme Brassard appelle cela « l’angle de la planification financière, où le représentant entretient une conversation très en profondeur avec le client sur ses besoins financiers. Cette histoire remonte à plus de 20 ans et nous donne aujourd’hui une position dominante. » En effet, RBC DVM compte aujourd’hui « plus de 250 professionnels qui sont en soutien aux conseillers:avocats, notaires, actuaires, planificateurs financiers. »

L’offre d’assurance chez WG s’organise sur un même modèle. « À 90 %, indique Charles Martel, nos solutions d’assurance ont été déterminées dans le cadre d’une planification financière au moment de la découverte des besoins du client. »

L’assurance est un besoin parmi plusieurs dans cette offre multiple, mais un besoin auquel l’industrie tâche de répondre avec plus d’aplomb. « Il y a environ 15 ans, on a décidé d’être sérieux de ce côté-là, dit Charles Martel. On a fait une offensive pour que nos conseillers obtiennent leur permis d’assurance et, aujourd’hui, dès l’embauche, l’obtention du permis en assurance fait partie des exigences. »

La rémunération est structurée de façon à encourager l’obtention du permis de représentant en assurance de personnes. « Dans la première année, explique Charles Martel, les revenus sont partagés entre le conseiller et le spécialiste en assurance. Pour les années suivantes, le partage se fait seulement si le conseiller est licencié en assurance. »

Selon Charles Martel, l’assurance est maintenant « un service mûr » dans sa firme. Les développements à venir se feront dans les sillons déjà ouverts. Même son de cloche de la part de Jérôme Brassard : « Je ne vois pas très bien comment les choses pourraient changer à l’avenir », dit-il.

À une chose près : augmenter les effectifs. « Avec la hausse du nombre de conseillers, soutient Charles Martel, j’augmente mon nombre de planificateurs financiers et de planificateurs successoraux. Si la tendance se poursuit, on ajoutera bientôt une quatrième équipe de spécialistes aux trois équipes de trois spécialistes qu’on a déjà. »