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Les plus récents ajouts réglementaires relativement à la divulgation des conflits d’intérêts et à la transparence faits par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont attaqué le sujet épineux des titres professionnels, mais ils n’ont pas clos le débat. Ces changements ont remis en question les nombreuses variétés de titres de « vice-président » strictement honorifiques et ne portant aucune responsabilité en vertu du droit des sociétés.

Cependant, demeure en suspens une question qui perdure depuis longtemps, celle des titres de représentants, spécifiquement dans les banques, qui ne vendent que des produits exclusifs à l’institution, mais qui portent le même titre de « représentant en épargne collective » qu’un autre conseiller dont l’offre de produits n’est pas exclusive. « C’est le sempiternel débat », commente dans un soupir Yvan Morin, vice-président, affaires juridiques, de MICA Cabinets de services financiers.

Les commentaires de deux répondants à un récent sondage de Finance et Investissement tapent exactement sur ce clou : « La CSF [Chambre de la sécurité financière], propose le premier, devrait faire une désignation de type « courtier/agent concernant la différence entre un conseiller en caisse/en banque (6 produits) et un conseiller indépendant (22 000 produits). »

Un autre élabore davantage : « Il faut différencier, dit-il, les réseaux (assurances, fonds communs, etc.) aux yeux des consommateurs par la distinction de courtier (qui a un accès libre aux fournisseurs de produits et services) ou d’agent (qui a un accès restreint aux fournisseurs dans le marché de produits et services). Il faut aussi, dans le but de cesser d’induire les consommateurs en erreur, corriger l’appellation de représentant de courtier en épargne collective par celle de représentant d’agent en épargne collective pour les réseaux de distribution restreinte (distribution de produits maison). »

Porte entrouverte

Notons que le premier intervenant fait erreur en requérant que la CSF s’occupe de cette question, car elle relève plutôt de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Or, l’AMF avait déjà ouvert la porte sur ce débat il y a plus de cinq ans, sans toutefois y donner suite. Nos échanges avec un porte-parole de l’Autorité laissent encore cette porte entrouverte, l’organisme proposant de reporter à plus tard l’élaboration d’une solution précise.

« Dans le cadre de l’avis de publication des ACVM relatif aux réformes axées sur le client, rapporte Sylvain Théberge, directeur des relations médias à l’AMF, les ACVM ont annoncé qu’elles comptaient élaborer et proposer pour commentaires d’autres réformes touchant quelques-unes des propositions ayant fait l’objet des consultations dont sont issus les projets de modification. Il s’agit de projets distincts menés à plus long terme qui pourraient englober notamment l’examen des titres et désignations. »

Pour l’instant, l’AMF aborde le problème par la voie de la transparence et des divulgations appliquées aux produits selon les nouvelles dispositions du Règlement 31-103. Ainsi, un représentant et sa société, poursuit Sylvain Théberge, sont tenus de transmettre à un client « une description générale des limites relatives aux produits et services qui seront offerts au client par la société inscrite, en indiquant notamment les éléments suivants : 1) si la société offrira principalement ou seulement des produits exclusifs au client; 2) s’il existera d’autres limites relatives à la disponibilité des produits ou services. »

C’est dans ces termes que l’AMF évoque pour l’instant la problématique des titres « ambigus », sans toutefois préciser que c’est par ce moyen qu’elle entend la résoudre.

Deux camps, un parti

Nous avons soumis la question à deux chefs de la conformité qui résident, chacun, d’un côté ou de l’autre de la démarcation séparant ce débat : du côté des courtiers à offre multiple, Yvan Morin; de celui des courtiers à offre exclusive, Radek Loudin, chef de la conformité, distribution, au Mouvement Desjardins. De façon tout à fait inattendue, les deux experts partagent des observations communes et arrivent aux mêmes conclusions.

« On est d’accord avec le constat qu’il y a une diversité de titres professionnels qui peuvent engendrer une certaine confusion », reconnaît d’emblée Radek Loudin. Même constat de la part d’Yvan Morin, qui déplore « que les clients [soient] déjà malmenés par la panoplie de titres existants ». « Qu’on pense simplement au titre omniprésent de “représentant en épargne collective”, soumet-il : la plupart des gens vont penser que cet individu distribue des régimes collectifs, ce qui n’est certainement pas le cas. En ajoutant de nouveaux titres, par exemple celui “d’agent de courtier en épargne collective”, est-ce qu’on ne risque pas de complexifier les choses encore plus ? »

Radek Loudin apporte un argument additionnel à la défense des représentants des réseaux qu’il supervise. « Je pense qu’établir des titres en lien avec les produits n’est pas approprié. Ça ne permet pas de refléter la valeur du conseil ni les exigences de connaissance du client et de convenance des produits qui s’appliquent à l’ensemble des représentants. Qu’il s’agisse de produits exclusifs ou mixtes, les exigences réglementaires sont les mêmes. » Il ajoute enfin une note qu’il vaut la peine de retenir : « Même les cabinets indépendants n’ont pas accès à l’ensemble des produits. C’est seulement du côté de l’OCRCVM [Organisme de réglementation du commerce des valeurs mobilières] qu’on a accès à la totalité des produits. »

Tous deux arrivent à la même conclusion, qui emprunte la voie déjà tracée par l’AMF : miser sur la transparence, qui a été renforcée par les récentes modifications au Règlement 31-103, et informer les clients. « Ça tient à la déclaration sur les conflits d’intérêts, soutient Yvan Morin : les firmes qui n’offrent que des produits maison doivent en faire mention et gérer le tout de façon à éviter les conf lits d’intérêts. Ça va contribuer à une compréhension améliorée; encore faut-il que le client lise la documentation pertinente. » Tout est déjà contenu dans la réglementation actuelle, complète Radek Loudin. Celle-ci interdit aux firmes et à leurs représentants « de se présenter de façon à induire le client en erreur sur son statut, sa compétence, sa catégorie d’inscription, sur la nature de la relation et la nature des produits fournis ».