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C’est ce qu’estiment quelques conseillers membres de la Chambre de la sécurité financière (CSF) qui les ont dénoncées en marge d’un sondage en ligne sur la CSF réalisé par Finance et Investissement auprès de représentants de décembre 2020 à février 2021. Voici ce qui cloche selon eux et selon l’avis de l’Autorité des marchés financiers (AMF) sur ces pratiques.

Les fausses représentations et le manque de transparence répugnent à certains répondants, surtout quand ils en sont victimes. Deux pratiques du genre sont montrées du doigt.

Premièrement, certains déplorent que leurs concurrents fassent de la « fausse représentation sur les frais [de leurs produits et services] en raison de coûts cachés », et ce, tant en distribution d’assurance de personnes qu’en distribution de fonds d’investissement et de valeurs mobilières. Résultat : « les commissions non dévoilées provoquent un conseil tendancieux ».

Deuxièmement, pour un représentant qui souhaite ne pas perdre un client courtisé par d’autres firmes, il peut être frustrant que, à son avis, ses concurrents ne fassent pas preuve d’assez de rigueur dans leur manière de comparer leurs offres de produits et services financiers avec les siennes. De mauvaises comparaisons ou des comparaisons biaisées font que le client prend de mauvaises décisions.

Selon un répondant, l’AMF devrait imposer l’utilisation d’un barème de comparaison standard de portefeuille (rendements, frais, etc.) lorsqu’un représentant transfère le portefeuille (de valeurs mobilières et/ou de fonds distincts) d’un client vers une firme de courtage concurrente, « car souvent des conseillers compareraient des pommes avec des oranges pour démontrer que leur conseil ou leur firme est meilleur », selon un répondant. La suggestion rappelle les obligations relatives au préavis de remplacement d’un contrat d’assurance. On devine ici qu’elle serait adaptée en fonction des données pertinentes du secteur de la distribution de valeurs mobilières et de fonds distincts.

Une troisième pratique dénoncée se rapporte aussi aux situations où un client change de cabinet ou de courtier. Dans le cadre de leurs activités en distribution d’assurance de personnes et de valeurs mobilières, certains conseillers et firmes de courtage utiliseraient des «moyens de rétention de client par des frais de transfert exorbitants», selon un conseiller sondé. On comprend que des frais de différentes natures peuvent s’additionner, comme pour la fermeture d’un compte, pour le rachat de parts (qui est parfois forcé par le courtier auteur du transfert), pour le transfert de parts d’un fonds en nature, etc.

La quatrième pratique porte sur les concours de vente qui viseraient à faire mousser celle de certaines assurances ou de contrats auprès de certains assureurs au sein d’une firme de courtage ou d’un cabinet de services financiers, de type «club du président» d’un agent général. Un répondant juge que cela peut mener à des conseils biaisés.

Finance et Investissement n’a pu communiquer avec les dénonciateurs de ces pratiques, car ceux-ci ont répondu au sondage de manière confidentielle.

Un survol des décisions du comité de discipline de la CSF et de la récente consultation de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels sur les enjeux liés au transfert de comptes clients permet toutefois de juger ces pratiques comme plausibles. Il reste difficile d’en connaître l’ampleur.

Cadre des concours

Les concours de vente en assurance sont encadrés par la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) et la réglementation qui s’y rattache, précise l’AMF quant à la quatrième pratique. « Le représentant ne peut participer directement ou indirectement à des concours ou des promotions comportant des avantages qui pourraient l’inciter à conseiller ou à effectuer une vente qui ne répondrait pas aux besoins particuliers de ses clients », écrit le régulateur dans un courriel en réponse à nos questions.

Quant au cabinet et à la société autonome, ils ne peuvent adopter une mesure incitative susceptible d’influencer un représentant à agir au préjudice de son client, précise l’AMF : « Est présumé avoir une telle influence le concours ou la promotion orienté vers la vente de produits spécifiques. Le cabinet ou la société autonome peut toutefois fournir des avantages non pécuniaires de nature promotionnelle et de valeur modique si ces avantages ne sont pas suffisamment significatifs, par leur valeur ou leur fréquence, pour avoir une influence sur l’exécution des obligations d’un représentant au préjudice de son client. »

De plus, les conseillers en sécurité financière ont des obligations déontologiques, dont celles de subordonner leur intérêt personnel à celui de leur client et d’agir avec honnêteté et loyauté, compétence et professionnalisme.

L’AMF ne précise pas son avis à l’égard des voyages de formation offerts par les cabinets, les courtiers et les agents généraux à leurs plus importants producteurs. Le régulateur tient toutefois deux initiatives qui pourraient éventuellement influer sur ces mesures incitatives et ses attentes quant à celles-ci. L’AMF copréside des travaux nationaux visant l’élaboration d’une « Ligne directrice sur la gestion des incitatifs », qui sera émise par le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA). « La consultation publique est prévue en 2022. Parallèlement, l’AMF travaille à l’élaboration d’une ligne directrice provinciale sur la gestion des incitatifs, laquelle sera applicable aux assureurs et aux institutions de dépôt. La consultation publique est prévue pour la fin 2021 ou le début 2022. »

Vers plus de transparence

Concernant les trois premières pratiques décriées, l’AMF y répond de manière générale. Les règles à l’égard de la divulgation des frais imposées aux représentants visés par la LDPSF (assurances, planification financière et courtage hypothécaire) et la réglementation en valeurs mobilières, selon le cas, « sont claires et imposent aux représentants et sociétés de divulguer les renseignements nécessaires pour que le client sache ce qu’il a à payer ».

En matière d’assurance, écrit l’AMF, lorsqu’un représentant exige des émoluments, il doit les divulguer au client par écrit avant de rendre sa prestation de service et indiquer les émoluments demandés ainsi que le fait qu’il reçoit toute autre forme de rémunération, notamment une commission, un partage de commission ou tout autre avantage auquel il a droit pour les produits qu’il lui vend ou pour les services qu’il lui rend. Des exigences spécifiques à chacune des disciplines sont également prévues. «Les émoluments demandés par un représentant doivent être proportionnels au service offert», souligne le régulateur.

Pour la distribution de valeurs mobilières, le Règlement 31-103 détaille les informations qui doivent être fournies aux clients. En matière de frais, à moins d’exception, les sociétés inscrites en valeurs mobilières doivent fournir à un client de l’information sur les frais de fonctionnement et les frais liés aux opérations qu’il pourrait avoir à payer. Le client peut aussi trouver de l’information concernant les frais applicables aux fonds d’investissement dans l’aperçu du fonds, l’aperçu du fonds négocié en Bourse et le prospectus du fonds.

Lors de ses inspections, l’AMF vérifie les frais facturés aux clients, notamment «la présence de conflits d’intérêts qui émanent de la facturation, la justesse des méthodes de calcul employées pour établir les frais à facturer, la suffisance des divulgations relatives aux frais au moment des transactions, la transmission d’un rapport au besoin ainsi que le maintien par la société des dossiers et registres qui témoignent des frais perçus auprès des clients», écrit le régulateur québécois.

On comprend donc que les fausses représentations et les frais trop élevés n’ont pas leur place et peuvent attirer aux fautifs des ennuis si l’AMF les évalue ainsi. L’AMF ne se prononce pas sur la suggestion du barème de comparaison standard dans les cas de transferts de comptes entre courtiers et cabinets.

Après le 31 décembre 2021, les réformes axées sur le client ajouteront certaines précisions en matière de divulgation des frais au Règlement 31-103, souligne l’AMF. Ces réformes reposent sur le concept voulant que, dans la relation entre les sociétés inscrites et le client, la préséance soit donnée aux intérêts de ce dernier.

« Les sociétés seront tenues à une plus grande transparence envers leurs clients en s’employant à clarifier ce à quoi les clients devraient s’attendre de leur part, par exemple, la personne inscrite devra fournir une explication générale de l’incidence possible des frais continus qui peuvent incomber au client ainsi que des frais qui peuvent lui être facturés, notamment leur effet cumulatif dans le temps, sur le rendement des placements du client », note l’AMF.

L’AMF prend actuellement part à une initiative nationale visant à simplifier et harmoniser la divulgation des frais entre les produits d’investissement en assurance et en valeurs mobilières, afin, notamment, d’en faciliter la compréhension par les clients.