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Divers organismes du Canada ont entrepris de mieux encadrer les fonds d’investissement axés sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), notamment en publiant une première liste des fonds d’investissement qu’on peut désigner ainsi.

Le Comité de normalisation des fonds d’investissement du Canada (CIFSC) a annoncé à la fin de janvier 2023 la mise en place d’un cadre de désignation des fonds ESG s’appuyant sur des normes internationales et nationales. « En Europe, les régulateurs ont créé en quelque sorte des règles plus rigides basées sur ce qu’ils ont appelé leur Sustainable Finance Disclosure Regulation. Au Canada, nous avons adopté une approche différente plus volontaire avec comme guide, par exemple, le CFA Institute, qui a jeté les bases d’un certain encadrement avec les Global ESG Disclosure Standards », indique Danielle LeClair, directrice de la recherche sur les gestionnaires à Morningstar Canada et actuellement présidente du CIFSC.

Le cadre de désignation des fonds ESG a aussi été conçu en collaboration avec des acteurs de l’industrie, des firmes de recherche et des gestionnaires d’actifs. L’approche telle que définie par le CIFSC est aussi complémentaire aux «indications»mises de l’avant par les Autorités canadiennes des valeurs mobilières (ACVM) au début de 2022.

Devant l’intérêt croissant pour l’investissement responsable (IR) et afin de prévenir le risque grandissant d’écoblanchiment, les gendarmes financiers avaient communiqué un ensemble d’indications destinées aux fonds d’investissement et à la publication d’information sur les critères ESG. « Nous avons pris connaissance et tenu compte de l’ensemble des lignes directrices énoncées, y compris celles des organismes de régulation (ACVM), et à partir de cela avons créé un cadre de désignation des fonds ESG », explique Danielle LeClair.

En plus du cadre d’identification des fonds d’IR, le CIFSC a dressé une liste de fonds identifiés comme produits d’IR. « Nous avons recherché des entreprises de fonds qui étaient très précis dans leur façon d’aborder les thèmes ESG, leur traitement et leur intégration dans leurs produits financiers de manière que nous puissions en faire l’évaluation. À la base, nous avons regardé plus de 400 fonds. »

« L’idée est de fournir de l’aide non seulement aux investisseurs intéressés par l’investissement responsable, mais aussi aux conseillers qui doivent pouvoir aider ces mêmes personnes avec des outils qui utilisent la même terminologie et répondent aux mêmes attentes. Ça aide aussi les manufacturiers de fonds à mieux répondre aux besoins. Au bout du compte, ça facilite la conversation. »

La liste permet d’en apprendre davantage sur la méthodologie du fonds. On y apprend entre autres si un fonds utilise ou pas un filtre d’exclusion de certains secteurs controversés, comme les produits du tabac ou d’armement, ou s’il investit ou non dans les leaders sectoriels en matière d’IR. On peut aussi savoir si un fonds peut être considéré comme un investissement d’impact, par exemple s’il vise à avoir des retombées positives sur l’environnement via une technologie de captation et stockage du carbone dans l’air. La liste comprend plus de 380 fonds.

Cet outil est un pas dans la bonne direction, d’après Thomas Estinès, codirecteur général du Groupe investissement responsable (GIR). Selon lui, le Canada traînait un peu de la patte à ce chapitre. « En Amérique du Nord, il y a peut-être eu ce réflexe plus pragmatique de laisser le marché agir seul, mais la multiplication des fonds ces dernières années a changé la donne et forcé une réflexion. La question de l’écoblanchiment a sûrement joué un rôle aussi. »

Selon lui, ce cadre – et les diverses catégories identifiées – va aider à établir des définitions et un vocabulaire communs. « Pour l’instant, il s’agit plutôt de recommandations. C’est assez soft. Il faudrait à terme songer à imposer quelque chose de plus contraignant. » Il pense, par exemple, à des interdictions d’investir dans certains projets ou secteurs (charbon thermique, exploration de gisements) et, en même temps, à des incitatifs pour financer et stimuler des solutions sobres en carbone.

Danielle LeClair convient qu’il s’agit d’une initiative appelée à évoluer dans le temps. « Nous allons réviser la liste sur une base mensuelle. En définitive, les gens qui vont en bénéficier le plus sont les investisseurs. Jusqu’à maintenant notre initiative a été très bien reçue par les gens de l’industrie – et même ceux de l’extérieur. »

Elle ne sait pas si les autorités réglementaires chercheront à renforcer le cadre actuel, mais assure qu’ils resteront prêts à adopter des changements le cas échéant. « C’est quelque chose qu’on a vu dans d’autres marchés, je m’attends à ce qu’il y ait [davantage de réglementation], mais sous quelle forme, nous ne le savons pas encore. »

Cette clarification du CIFSC arrive à point nommé alors que la demande de fonds d’investissement ESG ne semble pas près de s’essouffler. Selon le dernier rapport 2022 sur les fonds d’investissement de l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC), les ventes nettes des fonds communs et des fonds négociés en Bourse axés sur les facteurs ESG ont « considérablement augmenté ces trois dernières années ».

« À la fin de 2022, l’actif des fonds communs de placement axés sur l’investissement responsable totalisait 34,5 milliards de dollars et celui des FNB axés sur l’investissement responsable, 10,2 milliards de dollar », peut-on lire dans le plus récent rapport.

Au cours de la dernière année, les fonds communs axés sur l’investissement responsable ont été « l’un des rares segments du secteur des fonds communs de placement à afficher une croissance ». L’IFIC précise que pour identifier les fonds ESG, elle utilisera à l’avenir le cadre des fonds d’investissement responsable élaboré par le CIFSC.