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Conseiller adéquatement un fonds d’investissement axé sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) n’est pas simple. L’offre de fonds de ce genre est vaste et peut engendrer de la confusion chez les clients et les conseillers, d’où l’importance de faire une vérification diligente. Voici certains éléments à évaluer, selon des experts qui se sont exprimés lors de la conférence Inside ETFs Canada, à Toronto, en octobre 2022.

Avec l’ESG, un conseiller vise à aider son client à atteindre ses objectifs financiers tout en l’alignant sur ses valeurs éthiques. Ce mariage signifie faire des compromis, notamment par rapport aux frais de gestion des fonds, à la diversification du portefeuille et aux écarts de performance par rapport à un fonds de marché large à faibles frais. Non seulement un fonds ESG facture généralement des frais plus élevés par rapport à ce dernier, mais il peut subir des périodes de sous-performance, notamment en raison du risque de concentration.

Sur le plan des fonds d’actions, on doit séparer en deux camps les fonds ESG, soit les fonds sectoriels ou thématiques, qui investissent par exemple dans les énergies renouvelables, et les fonds qui suivent des indices de marché large avec une composante ESG, selon Tim Nash, président de Good Investing. Les premiers sont généralement plus concentrés, plus chers et sont conçus pour être dans la partie satellite du portefeuille d’un client. Les seconds sont davantage conçus pour prendre une place centrale du portefeuille, mais sont plus chers que ceux à faibles frais qui reproduisent le même indice de référence.

Tim Nash désigne ces derniers comme « faisant moins de mal ». « Ils permettent de se débarrasser des pires entreprises, mais les produits sont créés pour suivre un indice de marché large. Ils sont sans parti pris par rapport au produit vendu et tentent d’avoir les mêmes allocations sectorielles et géographiques (que celles de l’indice de référence). »

Les fonds thématiques visent souvent l’atteinte des objectifs de développement durable de l’Organisation des Nations unies et sont du type « faire davantage de bien ». Avant d’y investir, Tim Nash montre graphiquement à ses clients l’écart de suivi par rapport à un indice traditionnel et leur parle entre autres des frais et des risques de concentration.

Regarder sous le capot

Il est important de comprendre la méthodologie d’un fonds avant d’y investir afin de s’assurer qu’il correspond aux valeurs du client. Certains fonds excluent des secteurs particuliers, comme le tabac et l’armement, ce qui vient hausser le coût de capital de ces entreprises. Certains fonds vont surpondérer les leaders d’un secteur sur le plan de l’ESG et sous-pondérer les cancres, mais sans pour autant se désinvestir des combustibles fossiles.

« Il ne faut pas oublier que les systèmes de notations ESG sont composés d’une note pour le E, pour le S et pour le G. Une entreprise peut scorer différemment selon les diverses catégories. C’est l’agrégation des notes des trois catégories qui donne le score final », soulignait Sucheta Rajagopal, conseillère en placement et gestionnaire de portefeuille à Corporation Recherche Capital.

Considérant qu’un client peut être plus sensible à l’un ou l’autre des facteurs, il est important de comprendre la pondération des facteurs et les indicateurs qui peuvent influencer le score final. C’est le cas entre autres pour le filtre visant à exclure les entreprises faisant l’objet de controverses.

Par exemple, l’indice MSCI Canada ESG Leaders rejette les titres des banques RBC et CIBC car elles en ont suscité selon MSCI, bien que les scores ESG de ces institutions ne soient pas pires que celui de leurs pairs, d’après une analyse de Banque Nationale Marchés financiers (BNMF). Par contre, le filtre de S&P découlant d’une analyse des médias et des intérêts des parties prenantes n’entraîne pas l’exclusion de RBC, mais plutôt le rejet de CIBC et de la Banque Nationale de l’indice S&P/TSX Composite ESG. Sustainalytics n’exclut aucune banque, si bien que seules trois des six plus grandes banques canadiennes figurent dans les trois principaux fonds ESG, indique BNMF.

« Il y a tant d’influence qui provient du système de notation », résume Tim Nash. Selon lui, le conseiller peut ajouter beaucoup de valeur en enseignant à son client les différentes méthodologies afin de lui permettre de trouver le bon produit.

Avant de choisir un produit pour un client, un conseiller a l’obligation de bien le connaître. Pour y parvenir, on devrait notamment cibler différents éléments, selon Linda Ma, analyste, FNB et produits financiers à BNMF.

D’abord, il devrait déterminer sa tolérance au risque et la répartition d’actif cible, disons 60 % actions, 40 % titre à revenu fixe. Durant cette étape, le représentant devrait évaluer le degré de tolérance à afficher un écart de performance par rapport à un indice de marché large traditionnel. Si cette tolérance est faible, il devrait trouver un produit qui a plus tendance à le suivre.

Un conseiller devrait également comprendre quel type d’entreprises il souhaite exclure de son portefeuille, sachant que la plupart des fonds ESG appliquent un filtre d’exclusion. « Prenons l’exemple des fonds qui disent qu’ils excluent les énergies fossiles. Ils peuvent par exemple exclure les entreprises des sables bitumineux, mais inclure les pipelines, explique Linda Ma. Il y a beaucoup de nuances que les gens devraient comprendre par rapport à l’exclusion. »

On doit également considérer le style d’investissement du client. Par exemple, sont arrivés sur le marché des FNB ESG d’options d’achat couvertes et d’autres fonds d’investissement socialement responsable qui ont une composante factorielle comme le type « valeur », selon Linda Ma.

« Après avoir répondu aux questions de l’investisseur sur ces éléments, on peut passer au choix de produit et alors en évaluer les frais, la performance, la liquidité, sa part active (active share) et ses biais sectoriels », ajoute-t-elle.

La part active mesure la différence entre un portefeuille et son indice de référence. Lorsque celle-ci est de 0 %, le portefeuille est identique à son indice. Dans l’univers canadien des FNB ESG, celle-ci varie de 18% à 100 %, selon une analyse de BNMF.

L’écoblanchiment (greenwashing) et le faux marketing vert demeurent un enjeu auquel les conseillers et l’industrie financière continueront d’être confrontés dans les années à venir. Pour s’en prémunir et éviter les accusations en provenance des clients, la transparence, tant des données que dans la manière de bâtir un portefeuille reste primordiale, selon Margaret Dorn, directrice principale, chef des indices ESG pour l’Amérique du Nord à S&P Dow Jones Indices.

« L’écoblanchiment est un problème, mais il y a beaucoup de plaintes par rapport à cela qui ne sont que le résultat d’une divergence entre le produit et la façon entre le produit et la façon dont une personne définit l’ESG », ajoute-t-elle. Selon elle, cette subjectivité est variable et propre à chacun, si bien qu’une moitié de clients pourraient juger un indice comme trop vert alors que l’autre, pas assez.

David P. O’Leary, fondateur et directeur de Kind Wealth, abonde dans le même sens, considérant que bon nombre d’accusations d’écoblanchiment découlent d’une méconnaissance de la conception des indices ESG. Selon lui, les conseillers doivent également évaluer leurs processus d’affaires en utilisant le filtre ESG, car les clients peuvent y être sensibles.