Deux hommes d'affaires rapprochant deux pièces de puzzle pour les emboîter.
sesame / iStock

Bon nombre d’acteurs de l’industrie financière sont favorables à une certaine forme de regroupement des activités de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) et de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM). Parmi ceux-ci, il n’y a cependant pas de consensus sur la meilleure méthode pour y parvenir.

Deux grandes approches sont proposées aux Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM). Celle prônée par l’OCRCVM consiste à fusionner ses activités avec celles de l’ACFM. Les deux organismes formeraient ainsi les divisions d’un OAR unique. Celle mise de l’avant par l’ACFM consiste à créer un nouvel organisme chargé de superviser l’ensemble des sociétés inscrites (courtiers et gestionnaires de fonds).

Bien qu’il y ait certaines nuances propres à chaque organisation dans la manière de regrouper les deux OAR, grosso modo, l’approche de l’OCRCVM est préférée par les organisations suivantes: l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM) et le Groupe Banque TD.

L’approche de l’ACFM convient aux organisations suivantes: le Groupe de recherche en droit des services financiers (GRDSF), des fonds d’investissement du Canada (IFIC) et Manuvie.

Tout en proposant la création d’un OAR découlant de la fusion OCRCVM-ACFM, le Mouvement Desjardins, iA Groupe financier, le Groupe financier PEAK et l’Association canadienne des fonds négociés en Bourse (ACFNB) semblent laisser aux ACVM le soin de juger de la meilleure manière de le faire.

Peu de groupes ont fait des commentaires sur le cadre réglementaire singulier du Québec, hormis ceux qui sont présentés dans le texte «Craintes et occasion ratée»en page 1 et dont certains s’opposent à la fusion, comme l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF). Certains groupes de défense des intérêts des investisseurs jugent quant à eux que les économies de coûts faites par l’industrie ne doivent pas se faire au détriment de coûts supplémentaires pour le consommateur.

Examinons certaines positions et faits nouveaux.

D’abord, l’OCRCVM chiffre son obligation de mise à niveau des compétences qui interdit à un courtier en placement membre de l’OCRCVM d’employer une personne inscrite dont l’inscription est limitée à l’épargne collective. Ceci force les courtiers à double plateforme à créer des entités réglementées distinctes et à assumer des coûts opérationnels en double. «Par exemple, selon l’évaluation de Deloitte, la valeur actualisée nette des économies de coûts opérationnels qui pourraient être réalisées par les courtiers à double plateforme au cours des 10 prochaines années est de l’ordre de 380 à 490 M$. Ces économies potentielles comprennent les coûts associés aux systèmes et aux technologies ainsi qu’à la dotation en personnel, de même que les frais généraux et d’autres coûts», lit-on dans le mémoire de l’OCRCVM.

L’IFIC prône la création d’un nouvel OAR ayant une certaine indépendance à l’égard des régulateurs provinciaux, issu de la fusion de l’OCRCVM et de l’ACFM, et dont l’approche est axée sur la gestion des risques.

Cette solution aurait plusieurs avantages, entre autres d’éviter la confusion auprès des investisseurs, de leur offrir un accès plus étendu aux fonds négociés en Bourse (FNB), et de permettre à des courtiers de grande et de moyenne taille, qui sont membres de l’ACFM, d’économiser les coûts d’adhésion, selon l’IFIC:«Il pourrait aussi y avoir une hausse importante des coûts d’adhésion pour les courtiers de petite taille, ce qui requerrait une action spécifique pour y remédier.»

«Il faudra effectuer une analyse rigoureuse pour éviter des conséquences inattendues qui pourraient toucher les courtiers régionaux et spécialisés de petite taille, en favorisant notamment un cadre réglementaire qui soutient l’innovation et les nouveaux venus», écrit d’ailleurs l’OCRCVM dans son mémoire.

L’ACCVM propose la fusion OCRCVM-ACFM, mais souligne l’importance d’améliorer au passage la gouvernance de la nouvelle entité et les règles durant l’harmonisation. Bien qu’en accord avec l’ACCVM, le Groupe Banque TD souligne toutefois que des firmes souhaiteraient maintenir séparés leur courtier en fonds communs et leur filiale de courtage de plein exercice. Le cadre réglementaire devrait permettre cette option.

Quelques mémoires, dont ceux de la TD et d’iA Groupe financier, tiennent à ce qu’on préserve l’accès à du conseil abordable pour les détenteurs de petits comptes et qu’on ne nuise pas aux petites firmes ni aux modèles innovants.

«Éroder l’offre de base pour les investisseurs de détail, avec une réglementation excessive qui prévoit une meilleure convenance avec des produits plus complexes, aurait des effets négatifs sur ces investisseurs sans pour autant améliorer sensiblement leur protection», écrit la TD.

Mises en garde 

Pour un courtier inscrit à la fois à l’OCRCVM et à l’ACFM, la migration vers un seul lot de règles harmonisées, sous la direction du nouvel OAR, sera un projet sur plusieurs années représentant «d’immenses efforts et des coûts opérationnels importants», prévient iA Groupe financier. Comme bon nombre de firmes ont investi d’importants capitaux dans des systèmes informatiques pour améliorer l’expérience client, on devra prévoir un échéancier flexible qui tient compte des coûts d’arrimage des systèmes actuels avec le système du nouvel OAR, ajoutent-ils.

La création du nouvel OAR ne devrait pas avantager les firmes déjà membres des deux OAR au détriment des firmes qui sont seulement membres de l’ACFM, d’après la Sun Life:«Il est important que les ACVM continuent à recueillir des informations supplémentaires sur les implications opérationnelles et sur le modèle d’affaires des firmes uniquement membres de l’ACFM afin de s’assurer que le futur cadre réglementaire ne crée pas un fardeau réglementaire supplémentaire ou n’exige pas de modifications importantes des infrastructures.»

PEAK, pour sa part, souligne que la nouvelle entité devrait préserver le droit actuel pour les courtiers en épargne collective membres de l’ACFM de réacheminer les commissions touchées par un représentant à une société par actions non inscrite appartenant à ce conseiller. Cette possibilité accorde un avantage fiscal important aux représentants encadrés par l’ACFM alors que l’OCRCVM ne le permet pas actuellement.

Au Québec, le partage de commission entre un représentant en épargne collective et une société par actions non inscrite est permis à certaines conditions. Notamment, des services doivent être réellement rendus par cette société au conseiller et les honoraires versés doivent être raisonnables.

La gouvernance et la transparence des activités actuelles des OAR canadiens ainsi que l’application de la loi les concernant sont préoccupantes et les ACVM doivent améliorer ces aspects en ayant à cœur l’intérêt des investisseurs, selon la Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs (FAIR Canada) et l’Investor Advisory Panel de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.

Les OAR doivent avoir un mandat clair de servir l’intérêt public, d’après ces organisations. «La perception générale est que les membres des OAR et l’industrie ont une influence démesurée sur les politiques, les priorités et les programmes réglementaires des OAR», lit-on dans le mémoire de FAIR Canada.

D’après cette fondation, les dirigeants des firmes de courtage doivent être tenus pour responsables des échecs dans la supervision des représentants et de leur processus de conformité.