Suzanne Tremblay, crédit photo : Louis-Charles Dumais

Suzanne Tremblay, ­vice-présidente et cheffe régionale ­Québec et ­Atlantique, ­Services privés à Gestion de patrimoine ­TD (GPTD), n’est pas arrivée en poste dans un contexte facile en février dernier.

Certains conseillers de ­GPTD vivaient alors avec plusieurs facteurs irritants, ce qui les rendait hésitants à recommander leur courtier, montre le ­Pointage des courtiers québécois. Parmi ­ceux-ci, figuraient notamment des lacunes sur le plan technologique, dont le soutien pour les fonctions administratives (back office), l’instabilité de l’équipe de direction et l’incompréhension de la vision stratégique de l’entreprise.

Suzanne ­Tremblay arrivait dans un poste stratégique, pourtant laissé vacant de novembre 2022 à février. Isabelle ­Ménard avait occupé les mêmes fonctions d’avril 2021 au 1er novembre 2022, avant de bifurquer vers le ­Marché des moyennes entreprises de la ­TD. ­Elle-même avait pris la relève de ­Stéphan ­Bourbonnais, en fonction de 2013 à 2021.

En arrivant, ­Suzanne ­Tremblay a « rencontré les gens sur le terrain et les a écoutés afin de m’assurer de bien capter quels étaient les besoins, les enjeux auxquels on faisait face afin de faire le diagnostic de la situation et déterminer les actions à poser ».

Sa visite de l’ensemble des succursales au ­Québec et en Atlantique lui a permis de bâtir un plan d’action qu’elle est allée présenter aux dirigeants de ­Toronto. « ­Et quels sont mes objectifs ? Croître, faire croître nos parts de marché et recruter », ­résume-t-elle.

Suzanne ­Tremblay est consciente de ses nombreux défis : « ­Gérer mon groupe, mobiliser les gens, recruter et exécuter [mon travail], pour en arriver à livrer la meilleure expérience client. »

La dirigeante devra redoubler d’efforts pour gagner des parts du marché. En effet, pour les activités de ­Conseils de placement privés, ­Gestion de patrimoine pour le ­Québec et les provinces de l’Atlantique, on comptait, à la fin d’août 2019, 101 conseillers en placement (CP), qui géraient un actif cumulatif de 14,5 G$. À la fin d’août 2023, les mêmes activités employaient 97 ­CP gérant 19,9 G$, ce qui correspond à une croissance annuelle composée des actifs gérés de 8,4 % de 2019 à 2023. À titre comparatif, l’actif géré au ­Québec par les sociétés de courtage en placement affichait une croissance annuelle composée de 12,9 % de la fin du troisième trimestre de 2019 à la fin du premier trimestre de 2023, selon l’Institut de la statistique du ­Québec.

Par ailleurs, les activités pour le ­Québec et les provinces de l’Atlantique de ­GPTD ont généré des revenus de production bruts de 129,8 M$ pour la période de 12 mois se terminant en août 2023, par rapport à 102,01 M$ pour la même période se terminant en août 2019, soit une croissance annuelle composée de 6,2 %.

Suzanne ­Tremblay a identifié plusieurs stratégies de croissance. « ­Le recrutement en est une, mais également la mise en valeur de tout le référencement du “One ­TD”. »

Le ­One ­TD, soit le fait que les quatre secteurs d’affaires, avec le bancaire, le commercial et les valeurs mobilières, soient intégrés et travaillent en collaboration, avec tout le potentiel d’accompagnement en matière d’expérience client que cela offre, « c’est un des éléments qui m’a attirée chez ­TD », mentionne ­Suzanne ­Tremblay.

De plus, elle est déterminée à faire croître son équipe au Québec et en ­Atlantique, en y ajoutant à la fois des conseillers en placement, des banquiers privés et des experts.

La relocalisation à venir de certaines succursales pourrait d’ailleurs « contribuer à attirer de nouveaux talents ».

Passionnée de gestion de patrimoine

Le parcours de ­Suzanne ­Tremblay ainsi que sa passion de la gestion de patrimoine devraient l’aider à faire sa place.

Native de ­Québec, elle possède plus de 25 ans d’expérience dans l’industrie financière, principalement dans le secteur de la gestion de patrimoine. Elle s’est orientée dans le secteur, inspirée par l’intérêt de son père envers l’investissement, qu’il a partagé avec ses quatre enfants.

Suzanne ­Tremblay a obtenu son baccalauréat en finances de l’Université ­Laval en 1990 et s’est jointe tout de suite après à ­Services financiers ­La ­Laurentienne à titre de représentante en épargne collective et assurance vie.

Elle est ensuite entrée chez ­Desjardins en 1996, où elle a évolué au sein de différentes divisions. « Au cours de cette période, je suis devenue planificatrice financière, j’ai déménagé à ­Montréal, j’ai fait mon ­MBA à l’UQAM et je suis allée chercher de l’expérience en gestion des ventes », explique ­Suzanne ­Tremblay, qui a été nommée ­vice-présidente, ventes à ­Fiducie ­Desjardins en 2000.

En 2003, elle a quitté ­Desjardins pour se joindre à Trimark, devenu ­Invesco ­Canada par la suite. « J’avais passé la trentaine et je menais une très belle carrière en gestion. Cette décision de retourner en représentation, de dire : “Ma passion est le wealth, le conseil. J’ai le goût de retourner à la base, d’avoir un territoire à gérer”, ce fut un moment clé », raconte ­Suzanne ­Tremblay.

Elle ne cache pas avoir craint que sa décision soit perçue comme un recul. Or, « c’était de ça dont j’avais le goût », affirme-t-elle.

En fin de compte, ses 17 années passées à ­Invesco lui ont permis de démystifier toutes les facettes de la gestion de patrimoine. « J’accompagnais des conseillers pour 25 rencontres par semaine, alors parfois je dis aux gens : “J’ai fait 11 000 meetings dans ma carrière, je pense que je comprends votre réalité” », lance ­Suzanne ­Tremblay.

Elle a quitté ­Invesco en septembre 2020, alors qu’elle était ­vice-présidente régionale des ventes, pour retourner chez Desjardins, cette fois comme ­vice-présidente et directrice générale, ­Gestion privée ­Desjardins, ­Desjardins ­Gestion de patrimoine. Elle est demeurée en poste deux ans et demi avant de faire le saut à ­GPTD.

Le recrutement d’un plus grand nombre de femmes est un enjeu qui lui tient à cœur. « ­Les femmes sont encore ­sous-représentées dans l’industrie, et ça m’apparaît important d’avoir un meilleur équilibre ­hommes-femmes », ­dit-elle.

Suzanne ­Tremblay, évoquant son propre parcours, se dit heureuse d’avoir pu compter sur de bons mentors « qui m’ont laissé ma place et m’ont permis de grandir dans la carrière ». Elle se rappelle qu’à son arrivée à ­Trimark, sur les 35 ­vice-présidents régionaux que comptait la firme, il n’y avait que deux femmes. Lorsqu’elle a dû prendre son congé de maternité, « ils n’avaient jamais eu à gérer ce genre de situation et ne savaient pas trop comment le faire », se ­souvient-elle.

Si les choses ont changé depuis, elle est d’avis que les hommes, mais aussi tout le monde, et à tous les niveaux, ont un rôle important à jouer pour accompagner et soutenir leurs collègues, qu’ils soient hommes ou femmes, dans le développement de leur carrière.

Pour croître, ­GPTD compte d’abord sur les gens en place et mise sur l’accompagnement, une façon de faire qui lui est chère.

« ­Notre mandat est d’accompagner nos gens pour faire croître leur entreprise et leur clientèle, rappelle-t-elle. C’est ça, la culture wealth, et la priorité numéro un. À partir du moment où tu as des gens heureux, ça devient plus facile de recruter comme on veut le faire. Alors mon plan de match est d’accompagner mes gens, les écouter et livrer en fonction de ce dont ils ont besoin. »

Le défi d’exécution est réel, affirme ­Suzanne ­Tremblay. « C’est correct de faire des promesses, mais il faut exécuter, et je suis une fille d’exécution. Si tu veux être capable de faire ta place et de gagner en crédibilité, il faut livrer ce que tu promets. »

À cet égard, lors du ­Pointage des courtiers québécois, le quart des 22 répondants de ­GPTD ont déploré certains problèmes liés au fait de servir les clients en français ou, pour un conseiller, de recevoir du soutien dans cette langue, bien qu’aucun critère du sondage n’ait porté précisément sur le français.

« ­On a entendu les messages », répond ­Suzanne ­Tremblay. Maintenant, les efforts sont faits pour s’assurer que les choses soient transmises dans les deux langues, ­affirme-t-elle.

« ­Il y a déjà une grande évolution », continue la dirigeante. Elle évoque d’abord l’ajout d’une ressource pour tout ce qui concerne la communication vers les clients, « que ce soient les sites web ou les capsules sur ­LinkedIn, ­cite-t-elle. On a besoin d’augmenter la visibilité de ­TD et ça nous prend une personne pour faire valoir ces ­contenus-là et nous aider à faire rayonner ­GPTD au Québec, en français ».

Elle mentionne que les formations internes portant sur les logiciels sont maintenant toutes disponibles en français, dans certains cas par l’intermédiaire d’une application.

Un renforcement de l’équipe d’experts chargée d’accompagner les conseillers, avec l’ajout de spécialistes s’exprimant en français, est aussi en voie d’être réalisé.

« L’enjeu au ­Québec est que nos clients fortunés veulent faire affaire en français. De plus, ici, il y a le ­Code civil plutôt que la common law, donc je ne peux pas faire venir quelqu’un de l’Ontario. Pour moi, et pour nos conseillers, ce genre d’enjeu était majeur », illustre Suzanne ­Tremblay.

S’inspirer des Family Offices

« ­La gestion de patrimoine est le secteur qui aura la plus grande croissance des dix prochaines années et les yeux sont tous sur nous », ­poursuit-elle.

Selon elle, environ 40 % des entrepreneurs prévoient vendre ou transférer leur entreprise au cours des 6 à 10 prochaines années. Il s’agit de familles fortunées qui vont se retrouver avec un patrimoine important et ­GPTD veut les servir.

Ce sont des clients dont les besoins sont complexes, que ce soit en matière de transmission d’entreprises et de création de fiducies. Des besoins auxquels un bureau de gestion de patrimoine de type family office peut répondre. Pour cette raison, ­Suzanne ­Tremblay prévoit créer un groupe d’experts chargé d’accompagner les familles d’entrepreneurs très fortunées, dont l’offre sera très près de celle d’un family office.

« ­GPTD est vraiment très forte en matière d’accompagnement de clients. C’est un acquis et il faut continuer d’investir pour demeurer un leader en cette matière. Mais c’est la technologie qui va probablement nous aider à aller encore plus loin », estime ­Suzanne Tremblay.

Sur ce volet, elle signale de récentes améliorations apportées au système de back office (­arrière-guichet), notamment en matière de processus. « ­On sait qu’il y a eu certains enjeux, mais on en entend moins parler et, en succursale, on me dit que ça va mieux », ­indique-t-elle.

« L’enjeu avec la technologie, c’est qu’il y a toujours des délais, c’est long, et ça coûte cher, mais nous sommes rendus à livrer », se réjouit ­Suzanne ­Tremblay. Des améliorations sont notamment prévues pour les processus d’ouverture de comptes (onboarding).

Déjà, les conseillers ont accès à deux nouveautés. D’abord, la « plateforme quatre piliers », développée dans la lignée de la proposition de valeur de ­TD, qui repose sur l’approche 360 visant à couvrir les quatre piliers des clients fortunés. Lancée à la fin septembre, elle donne aux conseillers une information complète sur les clients, par exemple s’ils ont eu des plans financiers avec ­TD.

L’autre pas en avant, c’est l’intégration, dans le logiciel de gestion de relation client ­Salesforce, des données détenues sur les clients par les banquiers privés. « ­Une nouveauté qui va permettre d’accentuer la collaboration entre les banquiers privés, les conseillers et les conseillers en placement, et qui permet d’offrir une meilleure expérience client », estime ­Suzanne ­Tremblay.

Malgré ces récentes avancées, la dirigeante le signale : il y a encore des changements en matière technologique à faire. « ­On reste donc à l’affût en matière d’innovation technologique, mais en gardant bien en tête que la valeur accordée au conseil et l’approche relationnelle sont les pierres d’assise de la pratique des conseillers », souligne Suzanne ­Tremblay.

Elle espère également faire croître le nombre de ­CP qui font de la gestion discrétionnaire : « J’y crois beaucoup pour plein de raisons, dont parce que la conformité est plus simple et l’expérience client est meilleure. »