Deux hommes assis à une table, l'un montre un papier à l'autre qui a l'air désespéré.
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Dans leurs activités de planification pour leurs clients, 64 % des conseillers en placement et 63 % des conseillers liés à des courtiers multidisciplinaires affirment inclure la gestion de la dette, selon le Pointage des courtiers québécois et le Pointage des courtiers multidisciplinaires de 2022. Qu’en pensent des dirigeants de l’industrie financière? « Ce pourcentage ne me surprend pas, affirme Steve Galimi, vice-président, stratégie et performance, à la Financière Banque Nationale (FBN). À la Financière, je ne peux pas appliquer un pourcentage, par contre de plus en plus de conseillers prennent en considération le passif dans leurs échanges avec leurs clients. »

« Je trouve ce 63 % élevé », juge André Langlois, vice-président, ventes et distribution, réseaux indépendants au Mouvement Desjardins, si on considère que les qualifications des conseillers ne les orientent pas au départ vers le passif de leurs clients. « Rappelons-nous que les conseillers ont des permis en épargne collective et en assurance, ajoute-t-il. La moitié de leurs revenus vient du placement, l’autre, de l’assurance. »

« Parmi les conseillers en gestion de patrimoine chez les courtiers multidisciplinaires, je me serais attendu à un résultat plus élevé que 63 % », dit Mario Rigante, président régional à BMO Banque privée, qui poursuit: « Ils sont souvent mieux entourés de différents spécialistes. Par exemple, pour gérer le passif, on peut recourir à des stratégies fiscales et un spécialiste peut intervenir. Chez nous, près de 75 % des clients ont reçu une planification financière, ce qui implique une discussion sur le passif. »

D’après les conseillers sondés, ce sont davantage ceux dont le courtier appartient à une institution financière de type bancaire qui semblent les plus satisfaits du soutien offert par la firme de courtage sur ce plan, étant donné les liens internes naturels entre les courtiers et leur maison mère.

Chez les courtiers de plein exercice, différents services sont offerts aux conseillers en placement (CP). En matière de soutien, il y a possibilité de recommander un client à un employé d’une succursale bancaire ou à un planificateur financier, ou encore à un banquier privé. Certains courtiers incluent au sein de leur succursale de courtage des banquiers privés spécialisés dans la clientèle des CP, alors que d’autres ont une entente de recommandation avec un courtier hypothécaire.

Chez certains courtiers de plein exercice, on offre des prêts garantis par des placements qui vont au-delà des comptes sur marge.

« Si on demande de l’aide, on en reçoit beaucoup », mentionne une conseillère de BMO Nesbitt Burns. « On a des planificateurs financiers pour nous aider », confirme l’un de ses collègues. « On a des spécialistes hypothécaires de la banque qui peuvent parler du crédit », dit un autre répondant de BMO.

À la FBN, les commentaires des répondants sont souvent élogieux. « On a accès à tous les services pour faire des plans financiers et réduire la dette des clients », lance un d’entre eux. « On a un bon soutien côté bancaire, qui est facilement accessible. C’est un gros avantage pour les clients », ajoute un autre conseiller. « Au niveau technologique, le logiciel est vraiment up-to-date, avant-garde, interactif, c’est super », dit un troisième.

Parmi l’ensemble des CP sondés, certains-une minorité -, affirment toutefois ne pas avoir de soutien de leur courtier de plein exercice ou en recevoir un qui est « médiocre ». D’autres sont indifférents aux services offerts pour la gestion du passif des clients. « Les clients sont âgés, ils n’ont pas de dettes. »

Malgré certains accros, la plupart des conseillers sont satisfaits de leurs courtiers de plein exercice, où le soutien vient presque tout le temps de la filiale bancaire. « Il y a une part qui appartient aux banques, comme l’emprunt hypothécaire et la consolidation de prêts, notamment pour les cartes de crédit », indique André Langlois.

Les résultats du côté des firmes de courtage multidisciplinaire sont plutôt souvent négatifs lorsqu’on demande aux conseillers d’évaluer le soutien de leur courtier. D’abord, un segment substantiel de répondants affirme n’avoir aucun soutien.

Certes, les courtiers multidisciplinaires sont moins souvent détenus par des institutions financières de type bancaire. Il n’y a alors pas de maillage naturel entre un courtier et une filiale bancaire. Dans ces cas, certains courtiers offrent des services bancaires par l’intermédiaire de la Banque Nationale, qui offre du financement en marque blanche. D’autres ont une entente de recommandation avec un courtier hypothécaire.

De plus, chez bon nombre de courtiers multidisciplinaires, la plupart des conseillers sont autonomes. Il est donc parfois attendu que leur courtier ne leur offre pas de services en ce sens.

En somme, en fonction du modèle d’affaires du conseiller et du courtier, l’éventail de services pour la gestion de la dette des clients est très variable.

Par exemple, au Groupe financier PEAK, certains répondant ne reçoivent aucun soutien, alors que d’autres en reçoivent un qui est faible.

Ce n’est toutefois pas le cas partout. À IG Gestion de patrimoine, bon nombre de répondants confirment l’accès à des spécialistes et à des partenaires spécialisés en financement.

Recevoir un bon appui d’une banque ou de partenaires peut faire toute la différence, mais il reste que « recevoir un service 360 degrés n’est pas donné à tout le monde », estime Gino-Sébastian Savard, président de MICA Cabinets de services financiers.

« Un conseiller qui connaît le placement, mais pas l’assurance ou le prêt hypothécaire, préférera ne pas aborder les questions de dette, commente Steve Galimi. On ne veut pas aller sur un terrain qu’on ne connaît pas. »

D’autre part, « ce ne sont pas tous les clients qui veulent jaser de budget avec leur conseiller », fait ressortir Gino-Sébastian Savard. En effet, on peut s’attendre à ce qu’un individu qui vient de mettre l’achat d’une piscine et d’un barbecue sur sa carte de crédit soit mal à l’aise de dire qu’il n’a pas d’argent à investir dans son REER ou qu’il ne peut pas cotiser à un régime enregistré d’épargne-études pour ses enfants.

« À l’ouverture du compte d’un client, enchaîne Gino-Sébastian Savard, on le questionne au sujet de son actif et de son passif, mais si un client ne me parle pas de ses dettes de carte de crédit ou de son prêt auto, c’est son droit. J’ai des clients chez qui je découvre des surprises malheureuses cinq ans plus tard. »

Steve Galimi avance quelques informations historiques pouvant expliquer que moins des deux tiers des conseillers incluent la gestion de la dette dans leurs plans financiers: « Il y a seulement dix ou quinze ans, 80 % des revenus des conseillers venaient de commissions sur des transactions. Plusieurs ont bougé vers les produits à honoraires et, du même coup, vers des sujets très différents comme l’assurance, la planification successorale, les héritages. Ce n’est pas tout le monde qui est rendu là, mais c’est assurément là qu’on va. »

Même son de cloche de la part d’André Langlois: « Un bon plan financier s’appuie d’abord sur un bon plan budgétaire. C’est vers ça qu’on veut orienter notre conseil. » En effet, souligne-t-il, « c’est l’idéal de tout conseiller de devenir le guichet unique de son client quand celui-ci lui demande, par exemple, s’il doit payer une hypothèque à partir d’un CELI. Et gagner cette confiance-là, ça prend du temps. »

Il reste que tout le monde peut gagner à veiller aux deux côtés du bilan, actif et passif. « Si un client cesse de payer 500 $ par mois en intérêt, il peut le mettre en assurance ou en fonds communs. On a donc tout avantage à lui tirer les vers du nez », dit Gino-Sébastian Savard. Quelques commentaires de la part des répondants laissent croire que la multiplication et la diffusion d’applications informatiques sur téléphone intelligent, dans les sites Internet et entre les mains des conseillers pourront sensibiliser et éduquer les investisseurs aux questions budgétaires. Ces outils vont « aider la discussion avec les clients », croit Steve Galimi.

Évoquant un outil informatisé de planification financière mis au point par BMO, Mario Rigante parle d’un résultat « objectif, mathématique et convaincant. Si la portion des paiements sur les dettes est élevée, c’est visuellement très net ».