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Régent Beaudet («Régent»), administrateur de MédiSolution, siégeait au comité spécial de cette société, lequel avait été créé pour évaluer une offre d’acquisition éventuelle par Brookfield Asset Management (BAM) de la totalité des actions de MédiSolution, à l’intérieur d’une fourchette de prix acceptable («Transaction»).

De sa résidence en Floride, Régent participait à des réunions du comité spécial à huis clos durant lesquelles des informations confidentielles relatives à la Transaction étaient échangées.

Charles Beaudet est le fils de Régent, et sa conjointe, Virginie Dionne-Bourassa, est la belle-fille de celui-ci («Charles et Virginie»).

Le 9 mars 2009, alors que Charles et Virginie et leurs enfants séjournent chez Régent, ce dernier est informé que le prix d’acquisition offert par BAM entre dans la fourchette de prix acceptable.

Le 11 mars 2009, durant son séjour chez Régent, Virginie vend l’entièreté de son compte et, le 12 mars, elle procède à l’achat pour la première fois d’actions de MédiSolution, soit 44 000 actions pour la somme de 8 360 $.

Au même moment, par l’entremise de son courtier, Charles vend des actions et procède pour la première fois à l’achat de 80 000 actions de MédiSolution, au prix total de 18 825 $.

Le 16 mars 2009, l’annonce publique est faite de l’acquisition par BAM de MédiSolution. Le 13 mai 2009, Charles et Virginie vendent avec profit environ 58 % leurs actions de MédiSolution.

Le 16 novembre 2016, le Tribunal administratif des marchés financiers (TMF) statue que Charles et Virginie ont négocié des actions alors qu’ils étaient en possession d’information privilégiée et leur impose des pénalités administratives1. La Cour du Québec, dans un jugement du 11 juillet 2018, accueille l’appel de la décision du TMF interjeté par Charles et Virginie, et rejette les demandes d’imposition de pénalités administratives2.

La Cour du Québec rappelle que la preuve de transmission d’information privilégiée, lorsque circonstancielle, doit être claire, précise et convaincante afin de satisfaire au critère applicable de la prépondérance des probabilités. Or, la seule preuve faite du transfert de connaissance de l’information privilégiée de Régent à Charles et Virginie reposait sur le fait que ces derniers résidaient chez Régent. La Cour du Québec s’exprime comme suit à ce sujet, au paragraphe 45 du jugement :

[…] ceci n’est pas une allégation suffisante pour fonder la cause : les appelants ne pouvaient être coupables simplement en raison de leur proximité familiale avec la source et leur présence ponctuelle chez lui.

La Cour du Québec par la suite traite de l’aspect de l’équité procédurale qui découle de normes usuelles du système accusatoire. À ce sujet, la Cour est d’opinion que les allégations étaient vagues et ne permettaient pas de soutenir l’hypothèse de l’écoute, par Charles et Virginie, d’une communication qu’aurait eue Régent, laquelle communication aurait eu trait à MédiSolution, mais dont on ignore le contenu.

En accueillant l’appel et en rejetant les demandes d’imposition de pénalités administratives, la Cour du Québec rappelle que :

[121] Ceci étant, la confiance des investisseurs dans le système de réglementation des marchés dépend aussi de l’équité du processus par lequel l’un de ces investisseurs peut être l’objet de sanctions ayant un caractère punitif et stigmatisant. L’examen du présent dossier démontre que cette équité n’a pas été appliquée à la démarche décisionnelle qui a mené à l’imposition de telles sanctions.

La Cour du Québec, constatant que les erreurs ont affecté l’équité du processus et la gravité du préjudice qui en a résulté, conclut que d’ordonner la tenue d’un nouveau procès constituerait une injustice additionnelle pour Charles et Virginie.

1.Autorité des marchés financiers c. Dionne-Bourassa, 2016 QCTMF 39

2.Dionne-Bourassa c. Autorité des marchés financiers, 2018 QCCQ 5749

* associée chez McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l. Le présent article ne constitue pas un avis juridique.