Passer de la transparence à l'éducation financière

Les régulateurs canadiens s’attaquent au manque de compréhension des produits chez les épargnants en tentant de mieux structurer et de simplifier la transmission d’informations du conseiller à son client.

Contrairement aux régulateurs d’Australie et du Royaume-Uni, ils n’ont toutefois pas encore interdit les commissions de suivi.

« L’aperçu du fonds, la divulgation au point de vente et le Modèle de relation client-conseiller (MRCC) s’inscrivent dans une tendance de fond mondiale vers la transparence », souligne l’avocat Maxime Gauthier, chef de la conformité et représentant en épargne collective chez Mérici Services financiers.

« Ici, ajoute-t-il, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont la conviction que le public est peu ou pas informé en matière d’investissement, que l’information est difficilement accessible, et que lorsqu’elle est disponible, elle est trop compliquée pour être comprise par les clients. »

Deux réformes parallèles

Rendre l’information financière plus digeste, voilà la raison d’être de l’aperçu du fonds, une partie de la réforme sur la divulgation au point de vente.

Depuis juin 2014, les conseillers doivent fournir à leurs clients l’aperçu du fonds, un document d’un maximum de deux pages recto-verso, lors de la vente du fonds commun de placement. Si le client le désire, il peut également recevoir le prospectus du fonds qu’il vient d’acheter.

« La phase trois de la divulgation au point de vente, qui est en gestation, devrait comprendre une présentation de l’aperçu du fonds préalable à la transaction, explique Maxime Gauthier. Le but du régulateur, c’est qu’aucun client n’achète de produit sans savoir préalablement ce qu’il contient. »

En ce qui concerne le MRCC, la deuxième phase de cette réglementation plus large (MRCC 2) commence à être appliquée. Elle touche notamment la divulgation des rendements sur les relevés de placement des clients.

Les conseillers devront aussi parler de leur rémunération à leurs clients, afin que ceux-ci soient conscients du prix qu’ils paient pour ces services professionnels.

« MRCC 2 fera en sorte que les gens auront une idée beaucoup plus claire de ce qu’ils paient et de comment ils le paient, précise Dominic Asselin, conseiller en épargne collective et président de l’Académie du Trésor. Ils seront par la suite beaucoup plus aptes à magasiner les services financiers qui leur conviennent le mieux. »

Améliorer la littératie financière

Maintenant qu’on a simplifié l’information transmise et qu’on a forcé l’industrie à fournir davantage d’information, le régulateur et l’industrie peuvent-ils en faire davantage pour aider les clients à s’y retrouver ?

Certains croient qu’il serait peut-être temps de changer de cheval de bataille et d’en faire plus pour améliorer la littératie financière chez les clients.

« On doit prouver aux gens qu’ils sont capables de comprendre leurs finances personnelles au lieu d’alourdir une fois de plus la tâche des conseillers. Il faut aussi se demander si les gens ne sont pas informés parce qu’ils ne le veulent pas, ou parce que cela leur est impossible. » ajoute Maxime Gauthier.

Le défi est de taille, selon un sondage réalisé pour le compte du Conseil canadien sur l’apprentissage (CCA) et le Groupe de travail sur la littératie financière mis en place en 2009 par l’ancien ministre des Finances, Jim Flaherty : 55 % des adultes canadiens n’ont pas des connaissances en mathématiques suffisantes pour faire face aux exigences de la vie quotidienne.

Jean-Marie de Koninck, professeur de mathématiques à l’Université Laval, croit que même s’il est préférable de se concentrer d’abord sur la littératie financière des enfants, on peut très bien également travailler sur celle des adultes.

Il insiste toutefois sur le fait que l’industrie et le régulateur ne devraient pas travailler en vase clos. « Tout le monde semble travailler en circuit fermé, alors qu’on devrait décloisonner et s’adjoindre des gens issus d’autres domaines ou des usagers dont l’apport pourrait surprendre », affirme-t-il.

« Une chose est certaine, il y a un grand effort de vulgarisation à faire », ajoute-t-il.

Il y a toutefois une lueur d’espoir, puisque contrairement aux idées reçues, les adultes québécois souhaiteraient améliorer leurs connaissances financières.

L’Académie du Trésor vient d’ailleurs de lancer le volet pour adultes de son programme, qui sera offert dans des entreprises ou des ordres professionnels dès cet automne.

« Pour nous, c’est toujours un défi de suffire à la demande des jeunes et des moins jeunes. J’ai l’impression que les gens apprécient énormément le fait d’avoir accès à une formation indépendante donnée par quelqu’un de l’extérieur », soutient Dominic Asselin.

« Les employeurs sont de moins en moins engagés dans le financement de la retraite de leurs employés. Nous sommes dans une phase de réveil. Les gens se rendent compte qu’ils doivent prendre en main leur retraite », explique-t-il.

Nouveau programme pour les jeunes

Fait intéressant, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec élabore actuellement un programme d’éducation financière pour les étudiants du secondaire. Le programme s’articulerait autour de la gestion des finances personnelles et traiterait notamment des choix de consommation pour les jeunes de 15 à 17 ans.

« Il ne s’agit pas d’une reprise du cours d’éducation économique qui était autrefois enseigné au secondaire, car plusieurs notions de macroéconomie font maintenant partie du cours « Monde contemporain » obligatoire en cinquième secondaire », a précisé par courriel Pierre Noël, de la direction des communications du ministère.

Photo Bloomberg