Quelques incertitudes planent encore sur la mise en œuvre de la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC2). Certaines règles que l’industrie appliquera ne sont pas encore définitives, et l’interprétation de quelques autres reste à faire.

Selon l’Association canadienne du commerce en valeur mobilière (ACCVM), cette situation s’explique notamment par les différences qui existent entre les règles des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), celles de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) et celles de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM).

De même, comme des informations font déjà l’objet d’une divulgation obligatoire, par exemple les frais de recommandation, certaines firmes redoutent la confusion que ce dédoublement d’information pourrait entraîner chez le client.

Dans une récente publication, l’ACCVM rappelle à ses membres que « le MRCC2 est basé sur des principes ».

Elle les prévient que ce n’est qu’au moment de l’application de ces règles que l’on « se rendra compte de certains problèmes ».

De plus, elle note que « les experts s’attendent à ce qu’au début, tout ne soit pas – et ne puisse pas être – parfait. »

L’ACCVM suggère à ses membres de documenter la conformité de leurs décisions et celles de leur société afin de se justifier lors de futurs audits de régulateur.

Afin de fournir des commentaires pertinents aux organismes de réglementation, l’ACCVM a mis sur pied trois comités regroupant des représentants de sociétés membres.

Le premier vise à résoudre les problèmes soulevés par la mise en œuvre de MRCC2 ; le deuxième, à réviser les exigences en matière d’évaluation de la valeur marchande ; et le troisième, à clarifier les règles liées au rapport sur le rendement.

Ajustement requis

« Nous attendons de voir comment certaines règles seront interprétées et quelles seront les attentes des ACVM en ce qui concerne des questions spécifiques », confirme David Mastroberardino, directeur produit chez Croesus, une entreprise de technologie spécialisée en solutions de gestion de portefeuille et de relation client.

Compte tenu de l’échéancier, les firmes technologiques devront malgré tout, à un certain moment, compléter leur programmation avec des informations partielles, mentionne David Mastroberardino, qui siège aux trois comités de l’ACCVM.

« Certains ajustements devront être apportés au cours des semaines et les mois qui suivront la mise en œuvre », dit-il.

La difficulté posée par la diffusion de certains calculs propres au rendement du portefeuille, à la rémunération et aux frais devant être divulgués dans les rapports aux investisseurs, figure au nombre des défis liés à la mise en œuvre du MRCC2.

Par exemple, plusieurs données financières devront être exprimées en dollars plutôt qu’en pourcentage, ce qui n’est pas nécessairement le cas actuellement. Ou encore, les régulateurs souhaitent que les rendements du portefeuille soient pondérés en fonction de la valeur en dollars, plutôt qu’en fonction du temps.

Coûts élevés

« Ces nouvelles règles nous placent clairement en tête du reste du monde en matière de communication d’information claire aux investisseurs en fonds communs de placement », avance Joanne De Laurentiis, présidente et chef de la direction de l’Institut des fonds d’investissement du Canada, dans une communication émise en juillet sur le MRCC2.

Or, la majorité des investisseurs ne s’intéresse pas à la documentation qui leur est envoyée au nom de leur conseiller ou ne la lit pas, ont indiqué quelques conseillers lors d’un atelier du huitième colloque sur la conformité du Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ), en mars dernier.

« Le régulateur a mis en place des règles qui coûtent une fortune à l’industrie, alors que le faible taux d’ouverture des lettres ou de courriels démontre soit un manque d’intérêt flagrant de la part de l’investisseur pour ce genre d’information, soit que l’investisseur n’est pas conscient de l’importance de cette information pour lui », a témoigné un des intervenants.

À l’inverse, plusieurs conseillers sont convaincus que la mise en œuvre de MRCC2 mènera certains clients à s’interroger davantage sur le coût des produits et services financiers dont ils bénéficient, puisque ce coût sera alors exprimé en dollars, et non en pourcentage de l’actif.

Cette situation pourrait accélérer la migration de la clientèle titulaire de comptes à commissions vers des comptes à honoraires, un processus amorcé au cours des dernières années, estime Paul Balthazard, vice-président et directeur régional, Québec et Provinces de l’Atlantique chez RBC Dominion valeurs mobilières.
Ces règles pourraient aussi mener au déplacement d’une portion de la clientèle vers le courtage direct.

Le client perdant ?

Déjà, de nombreux cabinets qui pratiquent le commerce des valeurs mobilières invitent leurs conseillers à mettre en évidence la valeur ajoutée de leurs services auprès de leurs clients.

« La divulgation de la totalité de la rémunération en dollars va bouleverser complètement l’équilibre actuel », craint pour sa part Gino Savard, président de Mica Services financiers.

Selon lui, la mise en œuvre du MRCC2 risque à terme de priver les investisseurs qui possèdent un portefeuille d’actif de moins de 50 000 $ de la possibilité de recourir aux services d’un conseiller.

Selon Gino Savard, par le biais des frais liés à la gestion de leur actif, les investisseurs qui ont un portefeuille de 250 000 $ permettent au conseiller de « passer une soirée à monter un plan financier pour un jeune couple qui a des prélèvements mensuels de 100 $. »

« Puisque la majorité des comptes risquent de ne plus être payants, ce sera extrêmement difficile pour le conseiller financier de poursuivre dans cette voie avec de jeunes investisseurs », prévoit Gino Savard.