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Yves Gratton, conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective chez SFL, vient d’avoir 60 ans. Loin de lui l’idée de partir à la retraite tout de suite. Par contre, « cet âge fait réfléchir et maintenant, j’aimerais trouver l’équilibre entre le travail, qui me plaît toujours beaucoup, et mes loisirs », explique-t-il. Son objectif est de conserver 25 % de sa clientèle d’ici cinq ans.

Quand on est avancés en carrière, on fait des choix de clientèle qualitatifs plutôt que quantitatifs. – Yves Gratton

Aujourd’hui, 60 % des conseillers de 55 ans et plus, interrogés dans le cadre d’un sondage web sur la relève et la retraite des conseillers réalisé par Finance et Investissement, envisagent de prendre une retraite progressive. Leurs motivations ? Le stress de la profession, les règles sévères de conformité, l’évolution rapide de leur profession, le désir de travailler à un rythme moins intense ou de prendre le temps de transférer leurs clients progressivement.

Même s’ils savent qu’ils veulent un départ progressif à la retraite, la plupart des conseillers n’ont pas de plan de relève. C’est souvent les réalités de la vie qui se rappellent à eux brutalement. Quand Jean Dupriez, planificateur financier chez Valimax-Edival, a eu un cancer à 62 ans, en 2000, il a décidé de ne plus travailler que deux jours par semaine plutôt que cinq. « Mes ennuis de santé ont changé ma façon de voir les choses », se souvient-il, aujourd’hui âgé de 80 ans.

Il n’a pas pour autant vendu sa clientèle. « J’ai juste arrêté de faire de la prospection », explique-t-il. Jean Dupriez a finalement décidé de tout arrêter il y a cinq ans. Il s’est alors mis en quête d’un repreneur. Homme méticuleux, il avait des tableaux très précis sur son activité. L’affaire a été rondement menée : fin 2013, Jean Dupriez a retrouvé sa liberté. Mais il n’a pas arrêté de travailler pour autant ! Outre des formations, il fait de l’évaluation de clientèle. Il voyage quand même plusieurs fois par an et s’occupe de ses petits-enfants !

Segmenter la clientèle

Quand ce n’est pas la vie qui impose une réduction de l’activité, l’idéal est de planifier sa retraite progressivement. « Partir brutalement, ce n’est bon ni pour le conseiller ni pour la clientèle, qu’il faut préparer au transfert », estime Yves Guillot, conseiller en sécurité financière à la retraite.

Maintenant qu’il a établi son objectif, Yves Gratton est justement en phase de préparation. Son souci principal : que ses clients soient toujours aussi bien servis même si, lui, est un peu moins présent. Avant de rechercher un éventuel repreneur d’une partie de son portefeuille de clients, il segmente son marché. Il dresse la liste de ses clients selon plusieurs critères afin d’en faire l’analyse et de choisir la portion qu’il va conserver et celle qu’il va transférer. Comme beaucoup de conseillers à son âge, l’un des critères essentiels, avant même le potentiel de croissance et de revenus générés, est la qualité de la relation. « Quand on est avancé en carrière,  on fait des choix qualitatifs plutôt que quantitatifs », souligne-t-il.

Dans les prochains mois, Yves Gratton va recenser les candidats au rachat progressif d’une partie de son activité. Un jeune conseiller s’occupe déjà de la gestion quotidienne lorsqu’il est en voyage dans le Sud, en hiver.

Trouver la relève

Le travail de segmentation est une étape essentielle quand un conseiller prépare son départ progressif à la retraite. C’est cette analyse qui permet de choisir quelle partie de clientèle conserver. À 69 ans, Yves Guillot, lui, est à la retraite totale depuis six mois. Pendant toute sa vie active, il a mené de front des activités de placement et d’assurance de personne. Au début de la soixantaine, il a décidé de vendre le volet placement de son activité, celui qui lui créait le plus de stress lorsque les sautes d’humeur des marchés angoissaient ses clients. Il a facilement trouvé son repreneur, un conseiller qu’il connaissait bien et en qui il avait confiance, même s’il n’était pas dans la même firme que lui. Il continue de le voir régulièrement et est fier de son taux de rétention de la clientèle.

Après huit ans de travail comme conseiller mais aussi comme directeur régional pour l’Outaouais de MICA Services financiers, Yves Guillot a « commencé à ressentir l’écoeurantite aiguë avec toute la paperasse liée à la conformité ».

« En plus, je me suis lancé dans l’ébénisterie depuis plusieurs années et j’avais envie d’y consacrer plus de temps », poursuit-il, retraité heureux et toujours bien occupé. Il a donc vendu l’autre volet de son activité récemment à un plus jeune conseiller qu’il connaissait bien également.

Si les conseillers affirment majoritairement vouloir partir à la retraite progressivement, c’est aussi parce qu’ils comptent cesser toute activité tardivement. Il n’est pas rare que les répondants à notre sondage envisagent leur retraite à 67, 75 ou même 85 ans. Pour atteindre cet objectif, la réduction progressive de l’activité est une solution naturelle et un passage obligé. Qu’il faut préparer.