L’inertie ou la procrastination des participants aux régimes de retraite CD est un phénomène bien connu des spécialistes en finance comportementale (http://tinyurl.com/ksdbogk). Afin d’y faire face, les promoteurs misent surtout sur les fonds de type cycle de vie.

Dans ces fonds, la répartition d’actif change automatiquement avec le temps, et selon une perspective de plus en plus prudente – moins d’actions et plus de titres à revenu fixe – au fur et à mesure que l’adhérent approche de la retraite.

Ces fonds se regroupent en trois catégories : les fonds à date cible (2020, 2025, 2030, etc.) ; à risque cible (conservateur, modéré, audacieux) ou offrant une combinaison des deux. Ils font fureur aux États-Unis et prennent racine au Québec et au Canada. Pourquoi ?

Comme au resto

Les régimes de retraite à cotisation déterminée comportent beaucoup de choix d’investissements. Leur nombre dépend du fournisseur.

Par exemple, les régimes CD gérés par Vanguard aux États-Unis comptent, en moyenne, près de 27 options d’investissements. Celles-ci vont des actions de l’employeur aux fonds indiciels en passant par les fonds de marché monétaire, d’actions, de secteurs pointus comme l’immobilier, et jusqu’aux comptes gérés et aux fonds de type cycle de vie.

Il revient ensuite à l’adhérent de choisir une ou plusieurs de ces options.

Conseiller principal en régimes de capitalisation chez Normandin Beaudry, Jean-Grégoire Morand compare cet exercice à une visite au restaurant.

«Lorsqu’ils sont au restaurant, la plupart des gens veulent un menu où les entrées sont regroupées avec les plats principaux, les vins et les desserts. Avec un menu de 15 pages, il n’est pas facile de choisir à la carte», explique-t-il.

La même problématique s’applique à l’univers des régimes de retraite CD. Face à la multitude des options d’investissements, beaucoup baissent les bras. Ils ne savent pas quoi choisir.

Certes, on peut changer de restaurant si le menu ne nous plaît pas, mais il est impossible de changer de régime CD pour la même raison.

«S’il y a trop de choix, bon nombre décident alors de ne pas faire de choix, c’est-à-dire de ne pas participer au régime. D’autres choisiront de laisser dormir leurs cotisations dans une option peu complexe mais offrant peu de rendement, comme un fonds du marché monétaire», dit Jean-Grégoire Morand.

Voilà pourquoi les fonds de type cycle de vie s’imposent, ajoute-t-il.

«Ce choix est simple et clair. Les clients n’ont pas besoin d’acheter tel ou tel type de fonds et de les combiner avec d’autres pour diversifier leur portefeuille. La répartition d’actif est effectuée par des professionnels en fonction de leur lecture du marché et de l’horizon de retraite des adhérents», précise-t-il.

Forte tendance

La popularité des fonds de type cycle de vie est très marquée aux États-Unis, et elle ne cesse de croître.

C’est ce que montre l’étude annuelle «How America Saves 2013» de Vanguard, qui porte sur 2 000 régimes CD qu’elle administre pour le bénéfice de trois millions de participants (http://tinyurl.com/m6jwnty).

On y constate que plus du quart (27 %) des participants aux régimes CD de Vanguard sont entièrement investis dans un seul fonds de type cycle de vie.

Ce pourcentage s’accroît chez les nouveaux adhérents, puisque deux sur trois d’entre eux (65 %) ne détenaient qu’un seul fonds cycle de vie en 2012. Vanguard prévoit que ce pourcentage passera à 75 % en 2017.

Au Canada, les chiffres sont moins explicites. Toutefois, ils font état d’une tendance importante à utiliser ce type de fonds.

Par exemple, Normandin Beaudry a effectué une enquête sur la rémunération globale auprès de 186 employeurs du Québec. Les résultats de l’enquête 2012-2013 montrent que parmi les entreprises offrant un régime d’épargne-retraite avec des choix de placements, trois sur cinq proposent une option de type cycle de vie.

Sophie Cournoyer, directrice des services-conseils en régimes de retraite chez Morneau Shepell, fait état d’un sondage semblable de sa firme, qui a rejoint de grandes entreprises employant en moyenne 4 250 personnes. La moitié d’entre elles offrent des fonds cycle de vie.

Ces fonds deviennent «de plus en plus dominants» dans l’univers canadien des régimes CD, dit Sophie Cournoyer.

Le manque de temps et d’intérêt des adhérents à l’égard d’une gestion active de leur régime y est pour quelque chose. Mais il y a plus.

«Beaucoup de régimes à prestations déterminées convertis en régimes CD mettent l’accent sur les fonds de type cycle de vie parce que leurs adhérents ne sont pas habitués à faire des choix d’investissements. De plus, ces fonds sont diversifiés, ce qui assure la responsabilité fiduciaire du promoteur», explique-t-elle.

Option par défaut

La grande différence entre les États-Unis et le Canada réside dans une disposition juridique.

Depuis 2006, les fonds cycle de vie constituent l’une des trois seules options par défaut possibles des régimes CD aux États-Unis. Autrement dit, les nouveaux adhérents sont incités à acheter ce produit s’ils ne choisissent pas d’eux-mêmes autre chose.

Or, c’est justement depuis 2006 que l’actif des fonds cycle de vie a explosé chez nos voisins du Sud. Selon l’Investment Company Institute (ICI), en 2006, il y avait 603 fonds de ce genre, pour un actif total de 470 G$ US (http://tinyurl.com/lbeoy3q). En 2012, l’ICI en dénombrait 1 156, pour un actif de 1 300 G$ US.