Avant de plonger dans les avantages financiers, un professionnel comme Hugo devrait d’abord déterminer s’il est du type locataire ou propriétaire. En effet, tout comme la propriété d’une maison, la propriété d’une société n’est pas pour tout le monde.

Il faut consacrer du temps pour en prendre soin, prévoir un budget pour les améliorations éventuelles, ainsi qu’une réserve en cas d’imprévu. Il est possible d’avoir une propriété de rêve dès le début, tout comme il est possible de débuter modestement et d’agrandir par la suite.

Selon mon expérience, les professionnels qui ont des aptitudes entrepreneuriales réussissent mieux leur projet d’incorporation. C’est le cas d’Hugo, qui souhaite investir les surplus de son revenu dans l’immobilier.

Hugo est marié à Léana. Ils ont ensemble deux enfants. Ses revenus professionnels annuels s’élèvent à 200 000 $, alors que Léana gagne un salaire annuel de 55 000 $.

Voici quelques-uns des avantages et considérations liés à l’incorporation.

Report d’impôts

Les premiers 500 000 $ de revenus imposables1 seront taxés à un taux de 19 % dans la société. Ainsi, si Hugo prévoit épargner 50 000 $ sur ses revenus annuels de 200 000 $, les sommes disponibles après impôt pour réinvestir dans l’immobilier seront de 40 500 $2, plutôt que de 25 015 $3 s’il avait gagné ces revenus à titre de particulier. L’incorporation est donc un levier financier qui permet d’acquérir un immeuble d’une plus grande valeur ou de financer des rénovations supplémentaires.

Fractionnement de revenus

Pour minimiser les impôts sur les sommes qu’il retire de sa société, Hugo peut utiliser une fiducie familiale afin de fractionner ses revenus avec son épouse, qui sera imposée à un taux marginal inférieur. Pour ce faire, son épouse devra être bénéficiaire de la fiducie. Le fractionnement de revenu s’effectuera en versant des dividendes à la fiducie qui, par la suite, les lui distribuera.

Ultérieurement, lorsque ses enfants atteindront la majorité4, Hugo pourra verser un dividende à chacun de ses enfants afin de couvrir, par exemple, leurs frais de scolarité. Sans fractionnement, le coût réel d’une dépense de 10 000 $ serait en fait de 20 000 $, puisqu’Hugo devrait d’abord payer la moitié de la somme en impôt pour ensuite utiliser l’autre moitié pour subvenir aux besoins de ses enfants.

Protection d’actifs

Dépendamment de la profession qu’exerce Hugo, il serait possible de protéger ses acquis en s’incorporant et ainsi limiter sa responsabilité en ce qui concerne la société opérante. Idéalement, il serait recommandé qu’Hugo utilise une société de gestion afin d’y transférer l’épargne dégagée de la société opérante et pour réaliser ses investissements en immobilier.

Déduction pour gain en capital

Si Hugo veut éventuellement vendre son entreprise, il devra tôt ou tard l’incorporer s’il souhaite bénéficier de la déduction pour gain en capital de 750 000 $5, car seule la vente d’actions permet d’obtenir une déduction.

Grâce à la fiducie familiale, non seulement lui sera-t-il possible d’obtenir une déduction pour lui-même, mais les autres bénéficiaires de la fiducie, c’est-à-dire sa conjointe et ses deux enfants, pourront également en profiter.

Réduction du coût des dépenses

Hugo pourra réduire le coût réel de certaines dépenses d’affaires non déductibles, comme les primes d’une police d’assurance vie et les frais de repas, en payant ces dépenses à même les liquidités de sa société plutôt qu’à partir de ses liquidités personnelles.

Par exemple, une société doit générer un revenu brut de 1 190 $ pour acquitter une prime d’assurance vie de 1 000 $, alors qu’un particulier imposable à un taux de 49,97 % devra gagner un revenu de 2 000 $ pour acquitter la même prime.

Planification successorale

Une structure corporative adéquate permet un report supplémentaire des impôts exigibles au décès pour un particulier. On peut notamment procéder à un «gel» de la valeur du patrimoine d’Hugo afin que la plus-value future s’accroisse entre les mains de ses enfants. Une telle structure permettra un report d’impôt supplémen-taire jusqu’au retrait des sommes, ou ultimement, jusqu’au décès des enfants.

Les clients professionnels doivent également considérer d’autres facteurs avant d’incorporer leur pratique.

Ordres professionnels

La plupart des ordres professionnels ont adopté un règlement concernant l’incorporation de leurs membres. Bien que les règles soient habituellement permissives, il faut parfois modifier quelque peu une structure afin de s’y conformer.

Règles d’attribution

La Loi de l’impôt renferme de nombreuses règles d’attribution qui auront pour conséquence de réattribuer à Hugo les revenus qu’il croyait pouvoir fractionner. Par conséquent, gare à ceux qui pensaient pouvoir s’incorporer par eux-mêmes, à l’aide de services en ligne, puisqu’il est très fréquent que ceux-ci omettent l’application des règles d’attribution.

De plus, une fois qu’on a commencé sur de mauvaises fondations, il en coûte beaucoup plus cher pour tout réparer.

Entreprise existante

Les frais liés à l’incorporation d’une nouvelle entreprise ou d’une entreprise n’ayant aucune valeur peuvent varier entre 2 000 $ et 10 000 $, selon qu’une société de gestion ou une fiducie familiale devra être mise en place.

Cependant, lorsque l’entrepreneur exploite une société depuis plusieurs années, ces coûts peuvent être plus importants. En effet, le transfert d’une entreprise, aussi bien qu’un gel successoral subséquent, notamment afin d’introduire une société de gestion ou une fiducie familiale, demande d’une part qu’on détermine la valeur marchande de l’entreprise, et d’autre part, qu’on rédige les documents légaux et les formulaires fiscaux qui formalisent le transfert, évitant ainsi les conséquences fiscales, notamment l’imposition d’un gain et l’application de la TPS/TVQ.

Ce tableau n’est là qu’un aperçu des éléments à considérer lors de l’incorporation d’un professionnel. Il peut y avoir autant d’avantages à s’incorporer qu’il peut y avoir de pièges, et seuls des experts sauront éviter ces derniers.

1.Revenus moins dépenses déductibles

2.50 000 $ * (1- 19 %)

3.50 000 $ * (1 – 49,97 %). Considérant que les 50 000 $ seraient par ailleurs imposés à un taux de 49,97 %.

4.Puisque le fractionnement de revenus avec un enfant mineur ne crée aucune économie d’impôt étant donné que le dividende attribué à l’enfant mineur sera imposé au taux marginal maximum.

5.Dans son dernier budget, le gouvernement fédéral a annoncé que le montant de l’exonération cumulative des gains en capital passera de 750 000 à 800 000 $ dès 2014. Par la suite, le plafond sera indexé en fonction de l’inflation.

*Associé en fiscalité, Corporation fiscalité financière FBSA