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Ces règles, qui s’appliquent à toutes les divulgations reçues par l’ARC à compter du 1er mars 2018, ont resserré de façon importante l’accessibilité au PDV et ont eu une influence considérable sur les professionnels.

Les changements, qui ont été rapportés de manière exhaustive dans les mois qui ont suivi leur annonce, incluaient l’élimination des divulgations « sans-nom », exigeant ainsi que les informations fournies soient complètes, paiement compris, au moment du dépôt, et l’introduction du « programme limité », qui rende certains contribuables inadmissibles aux allégements complets accordés en vertu du PDV.

Au cours de l’année qui a suivi l’entrée en vigueur de ces changements, les professionnels ont posé de nombreuses questions sur la manière dont l’ARC les appliquera. Malheureusement, peu de directives officielles ont été émises par l’ARC, mais l’expérience pratique et l’analyse des Circulaires, les commentaires de l’ARC et les observations des tribunaux peuvent éclairer la voie.

« Limiter sérieusement » – Les commentaires de l’Agence du revenu du Canada

Le but de ces changements a été expliqué par M. Bob Hamilton (commissaire du revenu et premier dirigeant, de l’ARC) et M. Ted Gallivan (sous-commissaire, Direction générale du secteur international, des grandes entreprises et des enquêtes, de l’ARC) au Comité permanent des finances de la Chambre des communes le 11 décembre 2018.

Tel qu’il a été expliqué par M. Hamilton, c’est l’accès aux « renseignements bancaires à l’échelle mondiale » par l’ARC qui a, en majeure partie, provoqué le resserrement du PDV :

« [N]ous avons eu suffisamment de certitude pour limiter sérieusement les programmes des divulgations volontaires pour les contribuables avisés. Nous ne les avons pas encore fermés entièrement, car l’avenir nous dira si nous sommes capables de procéder à des audits et à obtenir des condamnations criminelles, comme nous en avons parlé plus tôt. Je pense que nous signifions aussi qu’il n’est pas possible de procéder à de la planification fiscale sophistiquée pour ensuite conclure une entente de faveur lorsqu’on s’inquiète que l’ARC se rapproche trop. Cela s’inscrit dans le resserrement du programme. »

M. Hamilton a été clair que ce ne sont pas « les contribuables ordinaires qui commettent une erreur » qui sont visés par le resserrement, mais plutôt « les contribuables avertis, ceux qui se paient les services d’un comptable ou d’un avocat pour structurer leurs affaires afin de vraiment minimiser leur facture d’impôts » à qui l’ARC n’a pas « besoin de donner d’importants incitatifs financiers ou des rabais pour les repérer ».

Les commentaires de M. Hamilton devant le Comité peuvent aussi faire frissonner les professionnels lorsqu’il mentionne ce qui suit :

« Un dernier point est que nous nous assurons davantage d’obtenir le nom du comptable ou de l’avocat qui organise la planification fiscale au départ, car nous avons l’intention de trouver chaque participant. Nous disposons d’un outil juridique appelé “demande de renseignements pour personnes non désignées”. Nous allons en cour et nous apprenons les noms des autres personnes ayant participé aux planifications et aux manœuvres fiscales. C’est quelque chose que nous avons aussi l’intention de faire. »

La responsabilité des professionnels

Durant la même session, M. Gallivan a précisé les conséquences possibles pour les professionnels dont leurs conseils font l’objet d’une divulgation volontaire (ou d’une vérification) :
« [N]ous avons la possibilité d’imposer des pénalités administratives à des tiers. L’année passée, nous avons infligé des amendes totalisant 48 millions de dollars à des professionnels qui avaient participé à une planification fiscale abusive ou négligente. »

Rappelons que le nouveau Formulaire RC199, « Demande relative au Programme des divulgations volontaires (PDV) », (et également les Circulaires) pose la question suivante sous la rubrique « Autre information requise » :

« Avez-vous reçu de l’aide d’un conseiller concernant la question d’inobservation divulguée dans cette demande (conformément au paragraphe 44 de la circulaire d’information IC00-1R6 ou au paragraphe 47 du mémorandum sur la TPS / TVH 16-5)?

Dans l’affirmative, fournissez le nom du conseiller. »

De plus, le RC199 n’exige pas seulement l’attestation du contribuable, mais aussi celui du représentant autorisé, qui doit attester « que les renseignements qui m’ont été fournis par mon client sont, à mes connaissances, véridiques et [complets] ».

Les pénalités de tierce partie envisagées par l’article 163.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. ») sont celles exigibles contre les professionnelles « pour information trompeuse dans les arrangements de planification fiscale » et/ou « pour participation à une information trompeuse ».

De telles pénalités peuvent excéder 100 000 $ (voir le L.I.R.).

Le Cour suprême du Canada a présenté le but et les conditions d’application de l’article 163.2 L.I.R. dans l’arrêt Guindon c. Canada, [2015] 3 R.C.S. 3, aux paragraphes 57 à 62 :

« [57] Le champ d’application de la pénalité du spécialiste en déclarations est restreint : le faux énoncé doit avoir été fait sciemment ou dans des circonstances équivalant à une conduite coupable, laquelle est définie comme suit au par. 163.2(1) :

       Conduite — action ou défaut d’agir — qui, selon le cas :

  1. a) équivaut à une conduite intentionnelle;
  2. b) montre une indifférence quant à l’observation de la présente loi;
  3. c) montre une insouciance délibérée, déréglée ou téméraire à l’égard de la loi.

[58] Il s’agit clairement d’une norme stricte. L’expression “insouciance délibérée, déréglée ou téméraire à l’égard de la loi” renvoie à des notions juridiques bien connues qui correspondent généralement à des degrés de mens rea en droit criminel (voir p. ex. K. Roach, Criminal Law (5e éd. 2012), p. 180-184 et 191-192). L’emploi de tels termes traduit l’intention évidente de faire en sorte que la “conduite coupable” commande l’application d’une norme plus stricte que ne le fait la simple négligence.

[59] Les expressions “montre une indifférence quant à l’observation de la présente loi” et “équivaut à une conduite intentionnelle” tirent leur origine de la jurisprudence sur la pénalité pour faute lourde qui s’applique directement au contribuable suivant le par. 163(2) de la LIR, lequel dispose :

“(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé ‘déclaration’ au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité… [Calcul du montant de la pénalité omis.]”

[…]

[61] Par conséquent, bien que la portée de la définition de “conduite coupable” soit objet de débats (comme on l’a plaidé devant la Cour de l’impôt dans la présente affaire), la norme appliquée doit être au moins aussi stricte que pour la faute lourde au titre du par. 163(2) de la LIR. La pénalité infligée au tiers vise à sanctionner une conduite grave, non la négligence ordinaire ou la simple erreur du spécialiste en déclarations ou du planificateur.

[62] Nous pouvons conclure que l’objectif de la procédure en cause est de promouvoir l’honnêteté des spécialistes en déclarations et de les dissuader de commettre une faute lourde ou un acte encore plus grave, ce qui est essentiel dans le cadre d’un système d’autocotisation. »

C’est vraisemblablement ce but de « promouvoir l’honnêteté des spécialistes » qui est la préoccupation de l’ARC en lien avec le PDV. Ainsi, malgré le fait que le PDV puisse être un salut potentiel pour les contribuables malhonnêtes, il peut en même temps mener à un enfer les professionnels qui leur donnent des conseils équivalents.

Il ne semble y avoir aucune méthode publiée afin de permettre aux professionnels de divulguer eux-mêmes une responsabilité potentielle en vertu de l’article 163.2 L.I.R., ni en lien avec une divulgation de la part de leur client, ni de leur propre initiative.

Le programme limité – À qui s’applique-t-il?

Une des questions les plus souvent demandées par les professionnels en lien avec les Circulaires est la suivante : qui se retrouve dans le programme limité? La réponse dépend de ce qui constitue un contribuable sophistiqué.

Les Circulaires contiennent beaucoup des caveas : par exemple, la mention que « l’existence d’un seul facteur ne signifie pas nécessairement que le contribuable est seulement admissible au programme limité. Par exemple, un contribuable sophistiqué peut toujours corriger une erreur raisonnable dans le cadre du programme général ».

Mais le paragraphe qui précède celui-ci pose des problèmes pour des professionnels qui veulent corriger des erreurs de conformité fiscale de bonne foi des grandes entreprises : « En règle générale, les demandes faites par des sociétés ayant des recettes brutes supérieures à 250 millions de dollars pendant au moins deux des cinq dernières années d’imposition et toutes les entités liées seront examinées dans le cadre du programme limité. »

L’ambiguïté de ce paragraphe, notamment l’absence de clarification sur ce qui est inclus dans le chiffre d’affaires de « toutes les entités liées » (any related entities) aux fins du calcul du seuil de 250 000 000 $, rend difficile pour les professionnels de conseiller leurs clients sur la possibilité d’une divulgation. C’est le cas même si, à part leur taille, ils sont autrement des « contribuables ordinaires qui commettent une erreur » selon M. Hamilton, ou s’ils ont été simplement mal conseillés par des professionnels non pas dans le but de « fai[re] un faux énoncé ou une omission. »

Ce paragraphe a aussi apparemment amené les professionnels à croire que toute grande entreprise selon le paragraphe 225.1(8) L.I.R., notamment ayant « du capital imposable utilisé au Canada » qui « excède 10 000 000 $ », est exclue du programme général. Les seuils établis par la législation et les Circulaires suggèrent que le statut de « grande entreprise » n’empêche pas en soi l’accès au programme général.

Le recours au tribunal

Aucun jugement concernant les Circulaires ou le programme limite n’a été rendu jusqu’à présent. Malgré cela, un jugement récent de la Cour fédérale donne une perspective sur l’approche que le tribunal est susceptible de prendre.

Dans l’affaire Prince v. MNR, 2019 FC 348, le demandeur exigeait une injonction permanente interdisant à l’ARC d’émettre des avis de cotisation en lien avec une divulgation volontaire qui a été rejetée pour ne pas être volontaire. L’ARC a par la suite utilisé les informations divulguées pour établir une cotisation.

Le tribunal a refusé d’intervenir, en décidant ce qui suit :

« [30] I am also in agreement with the submission by the Respondent that if the Minister grants Mr. Prince’s second-level VDP application review, she will not charge him penalties and will not prosecute him. She may also partially relieve him of interest (Circular IC00–1R5 at paras 11, 13). Nothing in the ITA or in the Circular prevents the Minister from granting such relief where the Minister has reassessed a taxpayer in the course of a regular audit. Furthermore, and if necessary for the implementation of the decision on the second-level review, the Minister may reassess notwithstanding subsections 152(4) and (5) along with subsection 220(3.1) of the ITA. Mr. Prince would not lose the benefits of a favourable decision on the second-level review even if made before reassessments are issued. »

Compte tenu de la réticence du tribunal à intervenir dans le fonctionnement du PDV, il est raisonnable de s’attendre à ce que la question de savoir qui a accès au programme général et qui sera affecté au programme limité sera laissée à l’administration, et non décidée par le tribunal.

Et maintenant au Québec

Pour le moment, Revenu Québec n’a pas encore annoncé de changements au PDV québécois, mais le Bulletin d’information 2019-5, « Mesures visant à protéger l’intégrité et l’équité du régime fiscal québécois », de Finances Québec, publié le 17 mai 2019, a révélé que « [l]a législation fiscale sera modifiée afin qu’y soit instaurée une pénalité qui sera applicable envers un conseiller ou un promoteur lorsque Revenu Québec aura délivré une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire à l’endroit d’un contribuable relativement à une opération ou à une série d’opérations qui implique un trompe-l’œil » (sham).

Cette pénalité se chiffre à « 100 % de ses honoraires relativement à ce trompe-l’œil ». Le bulletin d’information ne mentionne pas si Revenu Québec envisage d’imposer la nouvelle pénalité à la suite d’une divulgation volontaire d’une opération « trompe-l’œil » par un contribuable.

Ce texte a paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, vol. 24, no 2, été 2019.

Michael Citrome, LL. B., J.D., D.D.N.
Avocat – Droit fiscal, EY Cabinet d’avocats s.r.l./s.e.n.c.r.l.
michael.citrome@ca.ey.com