La bonne réponse parait évidente : pour le même rendement, je choisis de prendre moins de risque!

Mais prendre plus de risques est exactement ce que semblent faire à l’heure actuelle de nombreux retraités en quête de revenu. Entre-temps, une manière plus sûre de récolter un revenu de leur portefeuille saute aux yeux : alléger sa pondération en actions par le rééquilibrage, et encaisser les profits de ces ventes pour subvenir aux frais de subsistance.

La conjoncture actuelle, avec ses taux d’intérêt extrêmement bas et ses rendements boursiers élevés, illustre bien les vertus et les mécanismes d’une approche à rendement total.

La sécurité, mais à quel prix?

Il y a beaucoup de raisons d’aimer le revenu, cela ne fait aucun doute. Qui n’aime pas tenir de l’argent en main? Après les multiples crises et scandales financiers qui ont marqué les 15 dernières années, il n’est pas surprenant que de nombreux investisseurs en soient encore à dire « montrez-moi l’argent ! ». Privilégier les titres susceptibles de verser un revenu ajoute une qualité précieuse à un portefeuille, la production de revenu pouvant témoigner des ressources financières d’une entreprise. D’un point de vue pratique, le revenu peut aussi amortir une chute quand le marché s’effondre, et extraire un revenu d’un portefeuille pendant la retraite est logistiquement plus simple que gérer un portefeuille avec le souci du rendement total et vendre régulièrement des titres gagnants. Et bien entendu, le revenu est historiquement une composante énorme du rendement total du marché.

Pourtant, certaines préférences récentes des investisseurs m’amènent à redouter qu’ils ne visent le revenu tout en négligeant le rendement total, qui est le revenu plus l’appréciation du capital ou moins les pertes en capital. Nos données sur les flux d’actifs montrent que jusqu’à présent cette année, les investisseurs sont restés à l’écart des obligations de qualité supérieure, avec leurs maigres rendements et leur apparente vulnérabilité à la hausse des taux d’intérêt. Par contre, les catégories d’obligations à rendement plus élevé ont été plus prisées. Les catégories obligataires comme Revenu fixe à rendement élevé et Revenu fixe mondial ont attiré de nouveaux investissements au cours de l’année écoulée. Les fonds d’actions productrices de dividendes ont été tout aussi populaires.

Cependant, les rendements de nombreux secteurs qui traditionnellement fournissent de généreux revenus ont chuté, puisque la demande alimente les prix et que les prix vont en sens inverse des rendements. Par exemple, bien que l’écart de rendement entre les obligations américaines à rendement élevé et les obligations gouvernementales ait bondi durant la période où la Réserve fédérale américaine a piqué sa crise sur le relâchement de la politique monétaire l’été dernier, il a accéléré d’une manière incroyable pour les obligations à rendement élevé depuis lors, et les rendements ont rechuté. Les rendements en dividendes de l’indice S&P 500 et de l’indice composé S&P/TSX (utilisant le FNB iShares S&P/TSX Composite Index en tant qu’indicateur) sont également faibles par rapport aux normes historiques.

Tout cela signifie que les retraités pourraient trouver difficile de tirer un rendement viable d’un portefeuille sans prendre de risques, peut-être même des risques importants, si le revenu qu’ils ciblent est trop élevé. Un portefeuille composé d’un fonds d’actions de dividendes (60 % des actifs), d’un fonds d’obligations de qualité supérieure (30 % des actifs) et d’un fonds d’obligations à rendement élevé ne produirait par exemple qu’un rendement de 3 %, peut-être plus, peut-être moins, selon la qualité des titres en portefeuilles. Pour gagner considérablement plus, disons le taux de 4 % que de nombreux retraités utilisent comme repère pour déterminer combien ils peuvent extraire sans crainte de leur portefeuille, il faudrait qu’un investisseur détienne une plus grosse giclée de titres producteurs de revenu, comme des obligations à rendement élevé et des marchés émergents, ainsi que des actions productrices de revenu, comme les fiducies de placement immobilier. Les rendements, et de ce fait les évaluations, ne sont plus ce qu’ils étaient dans beaucoup de ces catégories d’actifs, et un grand nombre sont également sensibles à la hausse des taux d’intérêt et aux développements économiques.

En se focalisant sur le rendement total, on s’achète une souplesse

Plutôt que de s’aventurer dans les titres à revenu élevé à ce qui pourrait être le mauvais moment, une approche axée sur le rendement total offre aux retraités plus de souplesse quant à la source de leurs fonds de subsistance.

Les titres producteurs de revenu pourraient assurément constituer une partie de ce flux financier et, les années où les revenus affluent, ces versements pourraient amplement suffire à couvrir les frais de subsistance. Mais parfois, quand les dieux du rendement sont près de leurs sous, comme c’est actuellement le cas, l’investisseur retraité axé sur le rendement total pourrait récolter des gains en vendant des titres (ceux qui se sont le plus appréciés dans son portefeuille) dans le cadre d’un plan de rééquilibrage.

À l’heure actuelle par exemple, cela voudrait dire vendre des actions. Les investisseurs dans les actions qui ont réinvesti leurs dividendes ont gagné 20 % ou plus au cours de l’année écoulée, et les actions des PME ont gagné encore davantage. D’autres années, le rééquilibrage pourrait consister à vendre des obligations ou des actions internationales.

En mettant moins l’accent sur le revenu et en se concentrant plutôt sur le rendement total, le portefeuille serait mieux équilibré et mieux diversifié que s’il était axé strictement sur le revenu. La plupart des portefeuilles axés sur le revenu se concentrent dans les obligations sensibles au crédit (surtout ces jours-ci) et dans les actions de sociétés de secteurs où la croissance est plus faible.

Le portefeuille axé sur le rendement total, quant à lui, comprend des actions de croissance et de revenu ainsi qu’un éventail d’obligations aux caractéristiques variées. Cette diversification au sein des catégories d’actifs offre encore davantage d’occasions de rééquilibrage, ce qui peut permettre de fournir un revenu nécessaire et de tempérer davantage la volatilité à long terme d’un portefeuille. En 2008, par exemple, un investisseur retraité qui détenait un portefeuille d’obligations de qualité supérieure aurait pu être en mesure de grappiller des fonds de subsistance en vendant certaines obligations, qui ont connu un essor considérable cette année-là alors que les obligations de sociétés de qualité inférieure subissaient de lourdes pertes.

Nager à contre-courant est souvent une bonne idée en matière de placement, et l’année passée en a été un bon exemple. Alors que d’autres investisseurs s’agrippent à des titres qui fournissent des revenus plus élevés et achètent des fonds d’actions, le retraité éclairé devrait envisager de faire tout le contraire.