Icône de ligne mince à la main.
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Depuis longtemps, le Canada fait figure de chef de file dans l’industrie mondiale des fonds négociés en Bourse (FNB) : du lancement du tout premier FNB en 1990 à la création d’un écosystème dynamique réunissant émetteurs, gestionnaires de portefeuille, conseillers et mainteneurs de marché. Pourtant, au cours de la dernière décennie, une tendance préoccupante s’est installée : une accumulation graduelle de réglementations, de taxes et de frais qui, pris isolément, semblent modestes, mais qui, ensemble, risquent d’affaiblir la compétitivité du Canada par rapport aux États-Unis.

Cette préoccupation était au cœur du mémoire récent de l’Association canadienne des fonds négociés en bourse (ACFNB) adressé aux Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) dans le cadre du Document de consultation 81-409. Pour rappel, en juin dernier, les ACVM ont sollicité les commentaires de l’industrie sur une série de possibles nouvelles obligations réglementaires visant les FNB.

Notre message était clair : chaque nouvelle exigence réglementaire ne viendra pas seulement alourdir la charge opérationnelle et de conformité des émetteurs — ces coûts se répercuteront inévitablement sur les investisseurs canadiens. Dans un marché de plus en plus mondialisé et hautement concurrentiel, le Canada ne peut se permettre d’éroder ses propres avantages.

Lorsqu’un régulateur propose une nouvelle obligation, même bien intentionnée, il existe un coût direct pour la mettre en œuvre, la surveiller et en rendre compte. Pour les grands comme les petits émetteurs de FNB, ces coûts exigent souvent l’acquisition de systèmes supplémentaires, l’embauche de personnel et une surveillance accrue. Contrairement à d’autres industries, les gestionnaires d’actifs n’absorbent pas ces dépenses à même leurs marges bénéficiaires discrétionnaires. Elles deviennent des coûts inhérents au fonctionnement du fonds.

Et lorsque les coûts d’exploitation d’un fonds augmentent, l’investisseur finit toujours par en sentir les effets — que ce soit par des frais de gestion plus élevés, des frais d’exploitation accrus ou encore par un écart cours acheteur-vendeur qui se creuse. Parfois ces coûts sont visibles, d’autres fois non. Mais ils sont toujours réels.

Les investisseurs choisissent les FNB pour leur efficacité, leur transparence et leurs faibles coûts. Si des réglementations successives minent progressivement cette proposition de valeur, la capacité des FNB à générer de la richesse à long terme s’en trouve réduite. Dans son mémoire, l’ACFNB a insisté : les investisseurs ne devraient pas supporter des coûts inutiles, particulièrement lorsque ces coûts n’offrent pas de bénéfices clairs sur le plan de la protection des investisseurs.

La comparaison avec les États-Unis est frappante. L’écosystème américain des FNB profite de son immense taille, mais aussi d’un cadre réglementaire conçu pour favoriser l’innovation sur les marchés des capitaux, et non pour la contraindre.

Résultat : les FNB américains bénéficient d’avantages structurels que les FNB canadiens ne peuvent égaler. Leurs frais sont plus bas, leurs écarts plus serrés et leurs opérations plus efficaces. Si le Canada continue d’ajouter des couches réglementaires et fiscales, l’écart ne fera que se creuser.

Il ne s’agit pas uniquement d’un enjeu sectoriel : c’est un enjeu de compétitivité nationale. Les Canadiens investissent de plus en plus dans des FNB américains par l’intermédiaire de courtiers en ligne. À mesure que les obstacles augmentent au pays, l’incitatif à se tourner vers les marchés américains s’intensifie. Chaque dollar investi dans un FNB inscrit aux États-Unis représente une richesse canadienne exportée qui ne contribue donc plus à l’économie locale en matière de gestion, de négociation, d’innovation ou de recettes fiscales.

Le message de l’ACFNB aux régulateurs demeure constant : les politiques canadiennes doivent viser à soutenir un marché sain, innovant et concurrentiel, et non à handicaper involontairement l’un des plus grands succès financiers du Canada.

Dans un contexte où les ménages assument une part croissante de leur planification de retraite, les décideurs publics devraient chercher à renforcer, et non à affaiblir, les options d’investissement à faible coût offertes au Canada.

L’ACFNB croit fermement que les investisseurs canadiens méritent un environnement d’investissement juste et concurrentiel. Atteindre cet objectif exige des politiques qui reflètent le fonctionnement réel des marchés financiers : interconnectés, mondialisés et sensibles aux variations marginales de coûts et de frictions.

L’intention derrière de nouvelles mesures réglementaires, fiscales ou tarifaires est presque toujours positive : les régulateurs veulent protéger les investisseurs ; les gouvernements veulent assurer des revenus équitables. Mais lorsque chaque nouvelle couche est évaluée isolément plutôt que de manière globale, les conséquences non intentionnelles peuvent être considérables.

Le Canada dispose du talent, de l’expertise et de l’historique nécessaires pour demeurer un chef de file mondial dans le domaine des FNB. Or, ce leadership ne doit pas être tenu pour acquis. Éviter les frictions réglementaires et fiscales inutiles ne vise pas à protéger l’industrie : cela vise à protéger les investisseurs canadiens et à garantir qu’ils aient accès à des solutions d’investissement compétitives, innovantes et abordables.