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Par contre, les conditions générales ont changé, ce qui rend la situation plus vulnérable, juge une récente étude de S&P Global Ratings.

Selon l’International Institute of Finance (IIF), au milieu de 2021, la dette mondiale s’élevait à 289 billions $US, soit 360% du PIB mondial. Depuis ce moment, la montagne a monté de tout juste un cran, établissant un record à 290 billions $US, selon la plus récente note de l’Institut au 22 novembre 2022.

Le Fonds monétaire international (FMI) dans une étude de 2021 arrivait à des niveaux d’endettement plus bas, soit 226 billions $US, par contre l’étude du FMI fournit un historique de l’endettement mondial : alors qu’il s’élevait à 115 billions $US en 1970, il a inexorablement monté jusqu’à 170 billions $US en 2000, à 210 billions $US en 2010, pour finalement culminer à 226 billions $US à la fin de 2020.

Aux États-Unis, on assiste à la dramaturgie récurrente d’un relèvement de la limite d’emprunt du gouvernement fédéral. Présentement, la dette publique fédérale s’élève à 31,4 billions, soit 123% du PIB. Au Canada, la situation est moins lourde : la dette fédérale s’élevait à 1,13 billion $, soit 59% du PIB. Par contre, l’endettement des ménages canadiens est un des plus élevés au monde : 105% du PIB, accaparant 180% du revenu brut des ménages.

Selon les chiffres de l’IIF, l’accumulation de la dette est la plus forte dans les gouvernements et dans le secteur des entreprises non financières, dont les dettes représentent respectivement 105 % et 100 % du PIB mondial. La dette des ménages représente 65 % du PIB mondial.

Zones de fragilité

L’étude de S&P Global Ratings relève quelques zones de fragilité dans l’endettement mondial.

« À court terme, nous nous attendons à ce que les pressions sur le crédit s’intensifient, avec un ordre mondial qui est de plus en plus fragmenté et fragile. Les secteurs dépendant des dépenses discrétionnaires, comme les biens de consommation et le commerce de détail, les secteurs à forte intensité énergétique comme la chimie, et les secteurs sensibles aux taux comme le logement, seront probablement les plus touchés. »

De plus, les marchés émergents pour plusieurs demeureront sous pression à cause d’un dollar américain fort, des prix élevés de l’énergie et des denrées alimentaires, et d’un ralentissement de la demande mondiale. Par contre, le récent recul du dollar US et la réouverture de l’économie chinoise devraient contribuer à atténuer ces pressions.

S’ajoutent les pressions générales des hausses de taux par les banques centrales. La Réserve fédérale américaine a déjà entrepris depuis près d’un an de réduire son bilan, ce qui retire beaucoup de liquidité dans le système financier, geste que la Banque centrale européenne compte imiter dans le cours de 2023.

En conséquence, S&P s’attend à ce que les conditions de crédit se détériorent tout particulièrement dans le monde corporatif non-financier. En 2023, 1,1 billion $US d’obligations arriveront à échéance, dont environ 20% est de niveau spéculatif; en 2026, les sommes montent de près de 50% à 1,6 billions $US, dont 50% sera de type spéculatif. Cela entraînera un doublement des taux de défaut à 3,75% aux États-Unis et de 3,25% en Europe dès septembre 2023, mais ces taux pourraient très bien s’élever à 6,0% et 5,5% respectivement.

Catastrophe et/ou érosion sournoise

Les conditions générales de crédit vont créer des dérapages, mais pas nécessairement la catastrophe. La situation de la dette, que le FMI juge dangereuse, est surtout menaçante pour les pays plus fragiles. Le Fonds calcule qu’au moins 100 pays sont appelés à réduire leurs dépenses en santé, en éducation et en protection sociale. Parmi les dix pays dont le ratio dette/PIB est le plus élevé, on trouve au premier plan le Japon (ratio de 257%), la Grèce (207%), l’Italie (155%) et Singapour (138%).

Évidemment, le plus grand danger pour le monde tient à un défaut de paiement par un pays important, ce qui pourrait entraîner une crise financière généralisée.

Cependant, les plus grands dangers sont internes à chaque pays, où un endettement croissant crée des effets sournois sur la prospérité d’un pays, des effets qui résultent d’une logique très simple : plus grande la part consacrée à payer des factures passées, moins grande la part qu’on peut consacrer aux dépenses futures.

La Peter G. Peterson Foundation, un important « think tank » à Washington, identifie trois de ces effets. Au premier chef, plusieurs investissements de nature prioritaire peuvent être sacrifiés de façon croissante, notamment en éducation, en infrastructures et en recherche. Ensuite, l’endettement des entreprises fait peser des menaces sur l’emploi, ralentit la croissance économique et, ultimement, peut appauvrir les familles.

Enfin, qu’il s’agisse des gouvernements, des entreprises ou des ménages, un haut niveau d’endettement enlève des ressources pour répondre à des situations de crise. Ainsi, les plus grands sauts dans la dette des pays sont survenus suite à la crise financière de 2008 et suite à la pandémie. Les gouvernements ont emprunté massivement pour contrer ces crises. Des dettes trop élevées grugent dans cette capacité de réaction.