Tirer profit de la pyramide des âges
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«C’est un défi qu’il ne faut pas minimiser, mais il ne faut pas non plus l’exagérer», prévient Frédéric Payeur.

Parallèlement, l’Institut estime que d’ici 20 ans, le nombre de personnes actives sur le marché du travail sera moins élevé que celui des personnes à la retraite. En 2037, on comptera 895 000 personnes de 65 ans et plus, par rapport à un recul de 70 000 personnes chez les 20 à 64 ans.

Quatre facteurs importants

Le démographe relève quatre aspects importants de la pyramide des âges. Tout d’abord, la retraite est un phénomène progressif.» Tous les travailleurs ne partent pas à la retraite à 60 ou 65 ans, ce qui contribuera, dit-il, à adoucir la courbe ou la rapidité de la pyramide.»

En second lieu, les femmes baby-boomers sont beaucoup plus nombreuses à rester sur le marché du travail que les femmes des générations précédentes, qui ont été historiquement moins nombreuses à travailler. Ce facteur a pour effet, selon Frédéric Payeur, d’atténuer la baisse de la population active. Troisièmement, la génération dite des milléniaux, soit les 15 à 34 ans, arrive sur le marché du travail. Certains y entrent plus tôt, alors que d’autres font de longues études avant de devenir travailleurs à temps plein.

Enfin, le nombre de personnes de 55 ans et plus qui continuent à travailler a augmenté au cours des dernières années. Selon l’«Annuaire québécois des statistiques du travail», le nombre de personnes de 55 ans et plus sur le marché du travail a augmenté de sept points de 2004 à 2014.

Tous ces éléments font que les assureurs et les gestionnaires de fonds doivent adapter leur offre de services à cette nouvelle configuration sociale.

Satisfaire les besoins de toutes les tranches d’âge

Il n’est plus possible de comparer le comportement des consommateurs d’aujourd’hui à celui des consommateurs d’il y a 30 ans, notamment en assurance vie. «Jusqu’au tournant des années 1980, l’assurance vie constituait avant tout un remplacement de revenus en cas de décès. Nous sommes maintenant dans la planification de la retraite, la planification successorale et l’optimisation fiscale. L’assurance vie demeure alors un outil financier fiscalement avantageux», observe André Langlois, vice-président, Assurance des particuliers chez Desjardins Assurances. Il ajoute que le secteur de l’assurance vie a été très vigoureux au cours des dernières années, signalant notamment qu’il est de plus en plus courant de voir un client de 75, 80 ou 85 ans contracter une assurance vie.

Gestionnaire de portefeuille chez Desjardins Gestion internationale d’actifs, Jocelyn Bissonnette se penche sur deux segments de la population, soit les investisseurs de 45 à 65 ans au sommet de leur capacité d’épargne, et ceux qu’il appelle les décaisseurs, c’est-à-dire les gens qui arrivent à la retraite et qui commencent à retirer l’argent de leurs fonds. «On s’aperçoit que vers 2030, nous aurons un ratio de 1 pour 1 ; il y aura autant de gens qui retireront l’argent de leurs fonds d’épargne que de gens qui contribueront à leurs fonds», rapporte-t-il.

Un constat qu’il juge d’autant plus important que, selon lui, le nombre d’investisseurs au sommet de leur capacité d’épargne a diminué depuis 2011-2012, et la génération suivante investira moins, ce qui fera chuter la demande de produits d’investissement. De ce fait, fait-il remarquer, la demande augmentera pour des produits en actions qui offrent des dividendes, des produits à revenu fixe ainsi que des obligations qui offrent du rendement.

André Langlois soutient que de leur côté, les jeunes générations ont des besoins différents. Par exemple, elles optent parfois pour que le produit de l’assurance vie soit versé de façon mensuelle à leurs partenaires, à leurs héritiers ou à d’autres. «Donc, les produits pourraient être appelés à changer», avance-t-il. Premier vice- président, Stratégies et gestion de l’offre chez SSQ Groupe financier, Éric Trudel abonde dans ce sens. «Oui, les 15 à 34 ans ont des besoins différents. Nous devons nous adapter au chapitre des produits et de la façon de les livrer. C’est ce qui a amené, par exemple, depuis quelques années, les régimes flexibles en assurance collective», affirme-t-il.

Il explique que beaucoup d’employeurs offrent un régime de base comprenant des protections en assurance vie, en assurance salaire et en assurance santé, et donnent des crédits flexibles qui permettent aux assurés de choisir des garanties additionnelles selon leurs propres besoins. «Les plus jeunes font des choix différents des gens de 40 ans et de 55 ans», ajoute Éric Trudel.

L’ASLD aura la cote

Tant Desjardins que SSQ Groupe financier le confirment : l’assurance soins de longue durée deviendra un produit d’assurance très recherché, même si les ventes annuelles sont actuellement anémiques. «Tôt ou tard, ça deviendra la responsabilité des individus de prévoir aussi leur filet de sécurité sociale, et cela changera aussi le marché de la planification de la retraite», explique André Langlois.

Éric Trudel décrit quatre risques de la vie : celui de mourir jeune, de vivre vieux, d’être malade et de devenir dépendant. L’assurance soins de longue durée s’inscrit dans ce dernier risque. «Si je me projette dans 15 ans en 2032, je ne vois pas comment l’assurance soins de longue durée, sous une forme ou une autre, ne sera pas un des gros produits en assurance de personnes», lance-t-il.