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« En fait, le projet de loi 18 vient flexibiliser l’établissement des régimes de protection, vient clarifier certaines obligations aussi, vient clarifier des mécanismes, mais dans la pratique concrète, le guide risque d’avoir un plus grand impact pour le conseiller que la loi parce qu’on ne vient pas changer les grands principes du régime de protection : le législateur vient donner des outils pour le personnaliser », explique Maxime Gauthier, avocat, chef de la conformité et représentant en épargne collective chez Mérici services financiers.

Selon lui, le guide de l’AMF, qui devrait être publié dans le courant du mois de mai, et le projet de loi 18, qui réforme la protection offerte aux personnes inaptes, agiront en complément l’un de l’autre.

S’adapter à la situation de la personne

Le projet de loi 18, déposé à l’Assemblée nationale le 10 avril dernier, procède à une importante révision de la protection offerte aux personnes jugées inaptes. Cette réforme vise notamment à supprimer l’opposition traditionnelle entre personnes « aptes » et « inaptes » pour y apporter davantage de nuances.

« En ce moment, il y a plusieurs régimes qui existent à l’intérieur du Code civil et ce que je retiens du principe du projet de loi, c’est qu’on élimine certains régimes. Plutôt que d’avoir des régimes très stricts, formels avec des processus, on veut permettre aux tribunaux d’adapter le régime à la situation de la personne pour s’assurer qu’elle est protégée adéquatement, mais qu’elle n’est pas non plus complètement dépossédée de tous ses rôles et attributs », explique Maxime Gauthier.

Lui-même estime que le projet de loi est une bonne chose. Selon lui, les régimes sont actuellement parfois trop lourds à porter pour le tuteur de même que pour la personne protégée. En s’adaptant à chaque individu, cela va répondre au besoin de protection, sans alourdir le processus ni infantiliser à outrance l’individu. « Cette géométrie variable est intéressante », commente-t-il.

Il admet que ce projet de loi pourrait signifier davantage de travail pour le tribunal, quoique cela pourrait résoudre certains cas de contestation de tutelle. Ainsi, une personne qui n’est pas totalement inapte, mais consciente qu’elle a besoin d’aide pour certaines choses, pourra discuter les paramètres qu’elle trouve trop astreignants dans la tutelle.

Un travail de collecte de données pour les conseillers

« Je ne m’attends pas à ce que le projet de loi change le rôle du conseiller ou de la firme de manière marquée », affirme Maxime Gauthier.

Actuellement, lorsqu’un client est considéré comme vulnérable ou est sous régime de protection, les professionnels du milieu de la finance doivent déjà faire face à certaines responsabilités qui vont être clarifiées par le guide que l’AMF.

« Avec le projet de loi, notre rôle, ça va être de s’assurer que l’on comprenne bien la variabilité du régime de protection. Il va falloir porter une plus grande attention au contenu du jugement pour savoir quelle est la portée de la protection, mais ça va essentiellement être un travail de collecte de données », affirme-t-il.

Quand un conseiller se retrouvera dans une situation où il a une clientèle vulnérable qui est sous régime de protection, il devra s’assurer de bien comprendre le rôle de chacun – celui du client, mais également celui de son curateur, tuteur ou du mandataire – et de qui a le droit de donner des instructions pour le compte.

Quant à savoir quand le projet de loi va être adopté, Maxime Gauthier hésite. Selon lui, ce genre de projet de loi qui n’est que peu politisé et davantage un sujet de société, peut être retardé pour traiter d’abord d’autres projets de loi plus polarisés. Toutefois, il s’agit d’un sujet dans l’ère du temps, il pourrait ainsi être traité rapidement.