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Il appartient à l’Assemblée nationale et au gouvernement du Québec de permettre ou non le partage de commission entre un représentant en épargne collective et une société dont il est actionnaire. L’Autorité des marchés financiers (AMF) ne peut pas assumer ce rôle.

C’est le message qu’a réitéré Éric Jacob, surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution, à l’AMF, en marge d’une allocution tenue lors du Congrès de l’assurance de personnes, le 15 novembre, à Montréal.

« L’AMF n’est pas l’organisation qui est là pour dicter l’assiette fiscale à la place du gouvernement. Ce sont des politiques publiques. Ce sont des discussions qui doivent avoir lieu au bon niveau. Même si on a un pouvoir de réglementation, dès qu’on touche à l’assiette fiscale, ça prend l’aval de joueurs comme le ministère des Finances du Québec », a précisé Éric Jacob, à Finance et Investissement.

Cet avis diverge avec celui de Gilles Garon, président du Conseil des partenaires du réseau SFL (CPRSFL), qui estime que l’AMF pourrait adopter un éventuel règlement permettant expressément au représentant en épargne collective d’exercer ses activités par l’intermédiaire d’une société par actions dont il serait actionnaire. Au printemps dernier, il avait d’ailleurs écrit au ministre des Finances du Québec afin que l’on permette à un représentant en épargne collective de s’incorporer.

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Rappelons l’enjeu. Revenu Québec (RQ) et bon nombre d’acteurs de l’industrie interprètent différemment la Loi sur les valeurs mobilières du Québec. Celle-ci permet à un représentant en épargne collective de partager ses commissions avec un cabinet inscrit en vertu de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

Des représentants, qui ont une relation contractuelle de travailleur indépendant avec leur courtier, ont partagé avec leur cabinet d’assurance une part de leurs revenus en épargne collective. Leur cabinet leur offre en effet le personnel et des ressources opérationnelles afin de servir leur bloc de clients. Il est donc adéquat selon eux qu’une part soit ainsi partagée.

Or, RQ conteste ces partages et l’Agence de revenu du Canada serait à faire le même exercice, selon le CPRSFL.

La législation fiscale ne comporte pas de règles sur la validité du partage de commissions ni de limites particulières pour un tel partage, selon RQ. « C’est le représentant de courtier en épargne collective qui a droit au revenu pour les services rendus en lien avec la vente de produits en épargne collective, et non le cabinet [en assurance de personnes dont il est l’unique actionnaire] », précisait cependant une lettre d’interprétation de RQ.

« Pour être reconnu sur le plan fiscal, le partage des commissions gagnées par un représentant avec une autre personne, dont un cabinet, doit correspondre à une rémunération gagnée par cette autre personne pour des services qu’elle a réellement rendus au représentant », réitère RQ.

« RQ a clarifié verbalement au Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ) que le cabinet peut recevoir des honoraires de la part du représentant, mais seulement une fois que le représentant a déclaré toutes ses commissions comme revenus personnels. Ces honoraires payés au cabinet seraient de même nature que des honoraires payés pour d’autres services », indiquait-on dans un mémoire du CFIQ, qui interpellait l’AMF sur la question en 2021.

Un flou demeure ainsi concernant la manière dont le partage peut être fait, lequel a amené des conseillers à recevoir des projets d’avis de cotisation pour leurs partages des années passées.

Dans le cadre de la création du nouvel organisme d’autoréglementation (OAR) qui regroupera les fonctions de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) et de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM), un comité de travail se penchera sur le partage de commission entre un représentant en valeurs mobilière et une société par actions.

Pas de nom pour l’OAR

Par ailleurs, Éric Jacob a souligné que cet OAR, qui doit entrer en fonction en janvier prochain, n’a toujours pas de nom. « On s’est concentré sur la fusion et la création du droit corporatif pour créer le nouvel OAR », a-t-il souligné.

Le 24 novembre prochain, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières publieront des mesures qui détailleront la façon dont se fera l’entrée en vigueur du nouvel OAR. Rappelons que, durant une période de transition d’une durée indéterminée, les corpus réglementaires de l’OCRCVM et de l’ACFM continueront de s’appliquer.

Par ailleurs, les courtiers en épargne collective du Québec deviendront membres du nouvel OAR, mais continueront d’être encadrés par l’AMF jusqu’à ce que le régulateur québécois cède progressivement sa place au nouvel OAR. Ces courtiers continueront de contribuer au Fonds d’indemnisation des services financiers (FISF), qui constitue « un joyau » pour la protection des investisseurs selon Éric Jacob.

« Les membres de l’OCRCVM au Québec ne sont pas tenu de contribuer au FISF, c’est la même chose en 2023. C’est le statut quo », a-t-il précisé.