C’est ce qu’a affirmé Alain Huard, vice-président et directeur régional des ventes d’Invesco Canada, lors du Forum exécutif Morningstar sur ce modèle tenu à Montréal mercredi, forum où il était l’un des trois intervenants. Christian Charest, éditeur du site Web de Morningstar Canada, encadrait les discussions.

Rappelons que le MRCC2 est un ensemble de mesures visant à divulguer davantage d’information à l’investisseur en matière de frais et de rendement pour qu’il ait une idée claire de la rémunération qu’il verse à son conseiller et du rendement de l’argent qu’il lui a confié. Ces mesures ont été mises de l’avant par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), organisme national qui chapeaute les commissions des valeurs mobilières des 10 provinces et trois territoires, dont l’Autorité des marchés financiers au Québec.

Ces changements seront graduellement mis en oeuvre sur une période de trois ans qui a commencé le 15 juillet dernier avec, entre autres, la divulgation préalable de tous les frais découlant d’une transaction en valeurs mobilières, y compris les fonds d’investissement. Ensuite, à compter du 15 juillet 2015, suivra l’envoi de relevés de compte plus complets indiquant notamment la valeur marchande et le coût des positions. Enfin, à compter du 15 juillet 2016, l’envoi d’un nouveau relevé annuel indiquant tous les honoraires et frais versés à son conseiller sera obligatoire. S’y ajoutera aussi un nouveau rapport du rendement net de son portefeuille qui tiendra compte de tous les dépôts et retraits effectués au fil du temps.

Alain Huard a constaté que ce sont les conseillers dont la rémunération est intégrée au placement par le biais d’une commission de suivi qui sont le plus appréhensifs quant à la manière d’aborder la question de leur rémunération avec un client. « Ce sont surtout eux qui vont pâtir de ce changement, pas les conseillers à honoraires. Leur défi sera d’exprimer la valeur de ce qu’ils font pour le client, surtout que leur rémunération va désormais être exprimée en dollars. Ils devront convaincre leurs clients que leur rémunération est assimilable à celle d’autres professionnels comme les comptables, les fiscalistes ou les avocats », a-t-il expliqué.

Or, il semble que certains conseillers ne soient pas prêts à relever ce défi. Alain Huard prévoit que des conseillers ne renouvelleront pas leur permis de vente de fonds communs de placement (FCP) dans la foulée des exigences de divulgation du MRCC2. Ce serait le cas de plusieurs représentants détenant à la fois un permis de vente de FCP et un permis de vente de produits d’assurances et de fonds distincts. Ces derniers, même s’ils sont très similaires aux fonds communs de placement, ne sont pas touchés par les règles du MRCC2, car ils sont offerts par des sociétés d’assurance.

« Peut-être que ces conseillers seront coincés par un éventuel MRCC3. Il faut souhaiter que cela arrive pour que tous soient traités de manière égale. Il est impossible que l’on ait le même produit vendu au même client avec deux réglementations totalement différentes. De plus, les sociétés d’assurance pratiquent encore des formes de bonification et de surbonification basées sur le volume des ventes, incluant des voyages, qui ont été bannies depuis des lunes dans le domaine des valeurs mobilières. Les autorités devront s’attaquer à cette situation », a-t-il plaidé.

« Je milite depuis 20 ans pour l’égalité de traitement pour ces produits similaires qui s’adressent au même client, mais avec des régimes réglementaires différents. Il y a quelque chose qui cloche et une plus grande concertation est nécessaire pour établir des exigences minimales communes », a réclamé Carmen Crépin, vice-présidente pour le Québec de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), une deuxième intervenante du panel.

Entre-temps, elle prévient que le client qui choisit un produit doit bien comprendre le genre d’encadrement réglementaire qui lui est propre. Elle avance qu’un produit avec un encadrement plus contraignant a peut-être une plus grande valeur ajoutée aux yeux du client.

Le mythe de la gratuité

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Le mythe de la gratuité

« Il faut briser le mythe que les fonds communs de placement sont gratuits. L’objectif est que le client puisse les acheter en connaissance de cause et soit capable de comparer. Avec le MRCC2, nous avons voulu établir les paramètres de la relation entre un client et son conseiller pour qu’ils sachent dans quoi ils s’embarquent. Si c’est bien fait, cela va mettre en évidence la valeur ajoutée du conseil », a soutenu Carmen Crépin.

Même s’il craint que plus d’information ne se traduise pas par plus de clarté, Peter Guay, gestionnaire de portefeuille et planificateur financier chez PWL Capital, s’est dit ravi de la transparence qu’apportent ces mesures. Le troisième membre du panel pense qu’elles nous rapprochent un peu plus du système de gouvernance de l’Australie et du Royaume-Uni, deux pays qui font preuve de leadership dans ce domaine, selon lui. Il croit d’ailleurs que les mesures adoptées dans ces pays, notamment l’abolition des commissions de suivi, risquent fort d’être adoptées ici dans l’avenir, ce qu’il voit comme un grand progrès.

« D’abord, ces mesures augmentent la gouvernance encadrant le travail des conseillers. Elles auront un impact profond sur l’industrie, particulièrement en ce qui a trait aux conseillers qui coûtent trop cher pour le peu de services qu’ils offrent. De plus, la divulgation de la rémunération en dollars aura pour effet de pousser les petits investisseurs vers des « conseillers-robots », des services en ligne automatisés ou semi-automatisés pour créer et gérer des portefeuilles. Cela aura le même effet sur notre industrie que la venue de DuProprio ou ProprioDirect a eu sur le marché immobilier : segmenter le marché entre les petites propriétés vendues par ces services, et les grandes propriétés dont la vente exige un courtier expérimenté », prévoit-il.

Alain Huard croit que très peu d’investisseurs, tant parmi les petits que les grands, devraient s’occuper directement de leurs placements. Rien que la complexité de l’arrimage des différents types de compte REER, CÉLI et autres milite pour cette position, selon lui. Néanmoins, en réponse aux besoins des investisseurs autonomes, Invesco a lancé des fonds de série D, où le coût du conseil a été retiré. « Ils ne sont pas très populaires », a-t-il précisé.

« Serait-ce parce que les investisseurs ne sont pas au courant de leur existence, quand on sait que plusieurs ne savent même pas ce qu’est une commission de suivi? » lui a demandé Christian Charest. « On pourrait s’attendre à ce que des investisseurs autonomes soient au courant de leur existence », a répondu Alain Huard.

Pour Peter Guay, le compte à honoraires, où le client paie directement pour les services qu’il reçoit, est la meilleure garantie de l’alignement des intérêts du conseiller avec ceux de son client. Alain Huard a plutôt affirmé que c’est au client de choisir la façon dont il rémunère son conseiller : « Dans un modèle à honoraires, les petits clients sont pénalisés, car ils ne génèrent pas assez d’honoraires pour que l’on s’occupe d’eux. Dans d’autres juridictions, notamment au Royaume-Uni où la rémunération intégrée a été abolie, plusieurs conseillers ont quitté le domaine et ce sont surtout les petits clients qui ont écopé. Ces petits clients se débrouillent alors tout seuls en achetant directement leurs fonds ou en allant dans une banque, où les conseillers changent régulièrement », a-t-il déploré.

Alain Huard s’est toutefois élevé contre les sociétés de fonds qui versent des commissions de suivi de 1,25 %, voire 1,50 %, créant une apparence de conflit entre les intérêts du conseiller et ceux du client. Il a proposé que la commission de suivi soit standardisée à 1 % et a souhaité que toutes les sociétés de fonds soient en mesure d’offrir la gamme complète des séries de fonds permettant au client et à son conseiller de trouver la plus appropriée.

Il trouverait logique qu’on en vienne aussi un jour à divulguer sur les relevés de compte des clients le montant des frais versés aux sociétés de gestion de fonds et pas seulement la rémunération du conseiller.

Peter Guay a dit espérer que le MRCC2 débouchera plus tard sur une règle d’obligation fiduciaire enchâssant le devoir d’un conseiller d’agir dans le meilleur intérêt de son client.

« Moi qui viens du milieu réglementaire habitué à édicter des règles, je n’en vois absolument pas la nécessité! Cette règle est déjà dans notre Code civil », lui a rétorqué Carmen Crépin.