Québec encadre les cessions de polices d'assurance
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L’Autorité des marchés financiers (AMF), à l’instar d’autres régulateurs, a réalisé tout un travail ces 12 derniers mois. Malgré le contexte difficile lié à la pandémie mondiale et la généralisation du télétravail dans l’industrie, l’AMF semble mieux perçue en 2021 qu’en 2020, montre le sondage mené auprès des responsables de la conformité interrogés dans le cadre du Pointage des régulateurs de 2021.

La note moyenne aux 17 critères d’évaluation que les responsables de la conformité du secteur de l’assurance ont accordés à l’AMF est passé de 6,3 sur 10 à 7,2, de 2020 à 2021. Par rapport au Pointage des régulateurs de 2020, l’AMF a obtenu des notes significativement plus élevées en 2021 à 14 critères d’évaluation.

Veuillez consulter le tableau ci-joint afin d’analyser les divers éléments évalués pour l’AMF.

Par rapport aux notes obtenues en 2020, l’AMF obtient ses plus grandes améliorations en 2021 pour sa capacité de tenir compte de l’impact financier de ses politiques sur l’industrie, de maintenir le fardeau de la réglementation à un niveau acceptable pour le représentant et de communiquer efficacement et au moment opportun ses priorités. C’est aussi le cas pour l’efficacité du processus de consultation de l’AMF.

Toutefois, les répondants du secteur de l’assurance ont donné une note en baisse par rapport à 2020 pour l’efficacité du processus d’inspection de l’AMF.

De leur côté, les répondants du secteur de l’épargne collective ont beau avoir accordé de meilleures notes à six critères d’évaluation en 2021 par rapport à 2020, leur note moyenne pour l’ensemble des critères reste stable à 6,9 sur 10, tant en 2021 qu’en 2021. Il s’agit de la note moyenne la plus faible depuis 2017.

Finance et Investissement publie dans son tableau les notes de l’AMF donnée par les répondants du secteur du courtage de plein exercice à titre indicatif seulement, car ces notes n’atteignaient pas nos standards d’échantillonnage. Veuillez les utiliser avec précaution.

L’AMF a eu l’occasion de répondre à bon nombre de commentaires et critiques provenant des répondants au sondage dans l’article ci-joint, que nous vous invitons à consulter.

AMF réponse intégrale (72,75 KB)

Nous avons aussi soumis les résultats de l’AMF à quelques observateurs de l’industrie financière. Voici leurs réactions.

D’abord, bon nombre d’observateurs ont souligné la souplesse de l’AMF et son agilité à s’adapter à la pandémie. Nous vous invitons à lire le texte sur ce sujet intitulé « Souplesse bien reçue ».

Le fait que certaines notes restent relativement faibles pour l’AMF pourrait s’expliquer par sa grosseur et le fait que l’AMF administre différents cadres réglementaires, selon Paul Balthazard, vice-président et directeur régional, Québec, de RBC Dominion valeurs mobilières et président sortant du Conseil de la section du Québec de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM). « C’est plus un défi d’être proche de chacun des secteurs qu’ils [encadrent] », affirme-t-il, se disant étonné de la sévérité des notes envers l’AMF.

Selon lui, le rôle de l’AMF comme régulateur intégré devrait être d’harmoniser les cadres réglementaires et éviter l’arbitrage réglementaire entre les secteurs de l’assurance, de l’épargne collective et du plein exercice.

« Tout en protégeant le client, comment peut-on réduire au maximum ces iniquités réelles ou perçues au niveau réglementaire entre ces différents secteurs là ? Si on se place du point de vue du client, de plus en plus, sa façon de gérer ses affaires financières, ce n’est pas par silo [comme c’est le cas de la réglementation]. Ça se recoupe. [On doit trouver] comment diminuer ces inégalités », note Paul Balthazard.

Par ailleurs, l’actuelle consultation qui mènerait possiblement à une fusion entre l’OCRCVM et l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM) est un des moyens pour y arriver.

Communications améliorées

Revenons aux résultats du sondage. L’AMF fait généralement un bon travail et est ouverte à bien communiquer, d’après Stéphane Blanchette, vice-président exécutif et chef de la conformité d’Investia Services financiers : « Nous avons toujours été en mesure d’échanger avec les bonnes personnes. Cela ne veut pas dire que nous sommes toujours d’accord avec les régulateurs, mais, de façon générale, on convient d’une alternative acceptable dans le meilleur intérêt du consommateur. »

L’AMF est appropriée lorsqu’il propose des changements au sein de la firme, note Stéphane Blanchette : « En général, les régulateurs ont grandement amélioré leur créneau de communication et leur accessibilité. »

Les notes accordées à l’AMF pour les critères d’évaluation qui touchent les communications, le résultat ne reflètent pas tous les efforts positifs que les régulateurs ont faits pour bien supporter l’industrie, selon lui : « On ne doit pas oublier que nous sommes à l’aube d’un changement important dans l’industrie. Je parle ici de la révision de nos processus et outils afin de faire face à nos nouvelles obligations reliées à la réforme axée sur le client. »

Selon lui, la pandémie et l’adoption des technologies par les représentants devraient permettre au courtier en épargne collective d’avoir une meilleure documentation lors de l’implantation de cette réforme en 2022.

« Le fait que nos représentants soient de moins en moins papier et de plus en plus digitaux, avec un processus qui est plus structuré, fait que la documentation qui démontre que l’on connait bien son client et ses produits va être plus facile à produire », dit-il, évoquant notamment la prise de note électronique des représentants.

« Pour nous, la pandémie qui a augmenté le pourcentage d’utilisation de nos solutions digitales va être un facteur très favorable pour nos nouvelles obligations qui vont arriver en 2022 », ajoute Stéphane Blanchette.

Appelé à commenter sur le fardeau réglementaire et son impact financier sur les acteurs de l’industrie, Stéphane Blanchette souligne que ce fardeau occasionne des coûts supplémentaires. Cependant, il force les courtiers à devenir meilleurs et se réinventer.

 « Ce serait se mettre la tête dans le sable de dire que ce n’est pas plus lourd. Cependant, si on fait un bon travail de revoir nos processus et qu’on est capable d’intégrer des solutions technologiques pour simplifier la vie du conseiller, le gain d’efficacité peut contrebalancer le coût supplémentaire de nos obligations », indique-t-il.

Selon lui, la collaboration et l’ouverture d’esprit des régulateurs prennent ainsi tout son sens, car ces derniers peuvent proposer des solutions alternatives afin que les courtiers s’acquittent de leurs nouvelles obligations.

Par ailleurs, l’abolition de l’option de souscription avec frais d’acquisition reportés (FAR) sur les fonds d’investissement explique en partie la note moyenne de l’AMF accordée par les répondants du secteur de l’épargne collective, selon Flavio Vani, président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers.

D’après lui, il sera plus difficile pour un représentant d’obtenir une rémunération décente sans FAR, à moins d’offrir au client d’autres produits plus payants à court terme, comme de l’assurance de personne. Résultats, des conseillers ont peur de perdre leur gagne-pain dans les prochaines années.

« D’ici 10 ans, si on continue, il va y avoir de moins en moins de gens qui vont avoir travaillé dans le domaine comme indépendants. Il va certainement y avoir beaucoup d’achats de clientèles. Or, quand vous y allez sur le volume, les niveaux services que vous allez donner vont baisser », explique Flavio Vani.

Selon lui, l’abolition des FAR dans la distribution des valeurs mobilières risque de se répercuter dans la distribution des fonds distincts et ceci explique entre autres pourquoi l’AMF obtient une faible note pour sa capacité à tenir compte de l’impact financier de ses politiques et exigences envers l’industrie dans le secteur de l’assurance également.

La note moyenne plus faible de l’AMF pour les répondants du secteur de l’épargne collective s’explique aussi par le fait que ceux-ci doivent se conformer à deux cadres : celui de l’AMF pour leurs activités québécoises et celui de l’ACFM, pour leurs activités à l’extérieur du Québec. Avec les frustrations que cela peut parfois créer.

Cependant, lorsqu’il examine le tableau, Flavio Vani juge que l’AMF répond relativement bien aux attentes qu’on a d’elle pour plusieurs éléments évalués, sans pourtant les dépasser. Il a fait l’exercice de diviser la note obtenue par l’AMF à un critère donné par la note obtenue pour l’importance à ce critère. Pour les répondants en assurance, l’AMF atteint un ratio de 0,85 ou plus pour huit des 17 critères alors que c’est le cas pour cinq critères auprès des répondants du secteur de l’épargne collective. Une note de 1,0 signifie une note égale à l’importance et une note supérieure à 1 signifie que le régulateur dépasse les attentes selon lui.

Flavio Vani a tenu à commenter la relative faible note de l’AMF pour le processus d’audience disciplinaire. Selon lui, celui-ci doit être empreint de prudence : « Les représentants peuvent perdre beaucoup dans tout cela. Je suis en faveur que les autorités et les organismes d’autoréglementation prennent du temps de régler certaines plaintes. »

Actuellement, dès qu’il y a présomption de mauvais comportement, et bien avant un jugement, on fait du tort à certains représentants selon Flavio Vani. Selon le sondage en ligne « La CSF perçue par ses membres », certains assureurs mettent fin à leur contrat avec un représentant qui ne fait que l’objet d’allégation, ce qui prive indirectement ses clients d’avoir accès à certains produits.

D’après Flavio Vani, considérant la complexité de certains dossiers, l’AMF devrait même confier la responsabilité de la conformité des cabinets à la Chambre de la sécurité financière, qui « est bien placée pour le faire ».

En outre, Flavio Vani défend le cadre réglementaire de la distribution d’assurance de personne en ligne. Selon un répondant au Pointage des régulateurs, ce cadre serait trop restrictif rendant ce genre de distribution plus simple dans les autres provinces que le Québec.

Flavio Vani affirme qu’il y a actuellement des « gaffes de distribution d’assurance par Internet. » On profiterait de médias sociaux dont les publications disparaissent en 24 heures afin de diffuser des publicités négatives envers les représentants. « On diffuse ces messages : “Achetez ces produits-là, vous n’allez pas payer de commission au représentant.”ou “… vous n’aurez pas un représentant qui va vous mettre de la pression pour acheter ces produits. On va vous donner un meilleur service.” »

Selon lui, les régulateurs doivent être prudents avec la distribution d’assurance par Internet, car, en ligne, la question du prix est très sensible alors que la qualité du produit devrait être tout aussi importante, sinon davantage. Il souligne que le représentant professionnel doit faire un préavis de remplacement avant de remplacer une police existante et est soumis à un Code de déontologie.

Pas de passe-droits

Par ailleurs, les assureurs de grande taille profiteraient de passe-droits par rapport à leurs homologues de petite taille, selon un répondant au Pointage des régulateurs. Alors que l’AMF soutient que l’encadrement est appliqué équitablement, Stéphane Blanchette souligne que, dans le secteur du courtage des valeurs mobilières, il s’agit seulement d’une perception.

« Avec la fusion cet été d’Investia et Fundex, deux filiales d’iA Groupe financier, nous serons une fois les deux regroupés, à moins de preuve du contraire, le plus gros courtier en épargne collective indépendant au pays (près de 55 milliards de dollars). Je vous garantis que nous n’avons pas de passe-droit. Au contraire, à travailler avec plusieurs régulateurs, nécessairement, les inspections des régulateurs sont plus fréquentes et substantielles. Cependant, notre capacité à réagir promptement à une défaillance soulevée et de la corriger aussi rapidement peut peut-être alimenter cette perception. »

Stéphane Blanchette précise que les régulateurs planifient leur cycle de validation des courtiers membres en fonction de risque. Étant plus gros, généralement le risque est supérieur, donc la fréquence est plus importante et le niveau de détail des audits l’est tout autant.

« Ils viennent plus souvent. On corrige [souvent]. Et s’il y a une défaillance, on corrige vite. On est en constante revue de nos contrôles afin de s’assurer qu’on répond aux exigences, ce qui est probablement plus difficile pour un plus petit courtier », dit-il.