Un homme d'affaire entouré de points d'interrogation
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Bien que la date du déconfinement arrive à grands pas, les retombées économiques et financières de la pandémie sont loin d’être finies. Nombre de professionnels du milieu de la finance se demandent quelle stratégie d’investissement adopter.

En entrevue avec Finance et Investissement, Claude Paquin, président, Québec, IG Gestion de patrimoine, a offert quelques pistes de solution.

La gestion d’émotions d’abord et avant tout

Avant même de parler de stratégie d’investissement, Claude Paquin estime qu’il faut surtout gérer les émotions des clients.

« Moi ce que je dis souvent à mes conseillers c’est qu’on va parler de gestion des émotions d’abord et avant tout. C’est un élément très important, parce que dans le placement comme dans plusieurs autres sphères de notre vie personnelle, je dis souvent, les meilleurs coups qu’on fait c’est les erreurs qu’on évite », précise-t-il.

Sans compter que cette crise est unique, elle vient donc avec son lot d’incertitudes, mais s’il y avait un lien à faire avec d’autres crises, c’est la très forte volatilité qui en découle. « D’habitude, on pouvait s’appuyer sur certains points de repère, mais là, on est perdus », estime Claude Paquin.

La gestion des émotions prend donc tout son sens. Les marchés ont été frappés de plein fouet en mars et la pire erreur serait de dévier de son plan, selon le président, Québec, d’IG Gestion de patrimoine. Ce dernier se dit toutefois fier de ses employés, car les clients de la firme sont restés concentrés sur leur plan.

Une belle communication

Claude Paquin est d’avis que plusieurs raisons expliquent pourquoi les clients n’ont pas paniqué. « Depuis une dizaine d’années, il y a comme une certaine maturité qui s’est installée chez les investisseurs du Québec », déclare-t-il. Les investisseurs sont plus aguerris qu’il y a quelques décennies, car ils ont déjà vécu plusieurs baisses de marché et récessions et savent donc à quoi s’attendre, selon lui.

Il estime que la nature de la crise actuelle permet également une certaine remise en question. Selon lui, les gens sont très préoccupés par leur santé et celle de leur famille; la crise sanitaire a pris le dessus sur les questions financières. « Quand on vit certaines choses, tout devient relatif. On s’est aperçu collectivement que la santé était la chose la plus importante », ajoute-t-il.

Mais la raison principale serait surtout la communication. « Les conseillers ont compris l’importance d’avoir une communication fréquente avec du contenu pertinent », avance-t-il. Les outils technologiques ont ainsi permis aux conseillers de garder le contact avec leur client malgré le confinement.

En plus de promouvoir la communication entre conseiller et clients, les firmes ont fait en sorte de ne pas négliger leurs relations avec leurs conseillers. IG Gestion de patrimoine organise ainsi des appels hebdomadaires avec tous leurs conseillers au Québec pour les informer sur la direction des marchés; l’économie; les impacts qu’ils voient à court, moyen et long terme; les secteurs à éviter; la répartition d’actif et la façon dont les gens devraient s’organiser.

« Il y a énormément de contenu qu’on offre à nos conseillers et ça a beaucoup servi à rassurer les clients. Un client bien éduqué va avoir tendance à prendre de meilleures décisions », confie Claude Paquin.

La répartition d’actifs et le profil d’investisseur

En termes de stratégie d’investissement, Claude Paquin croit que l’élément le plus fondamental est la répartition d’actifs.

« Dans le milieu de la finance, on cherche souvent les gagnants, quelles industrie ou compagnie va performer le plus à court terme. Alors que l’histoire a démontré que 90 % du rendement n’est pas issu de la sélection de titres, mais plutôt de la répartition de l’actif », dit-il.

Évidemment la répartition d’actifs va de pair avec le profil d’investisseur, car il est vital que la première soit adéquate avec ce dernier.  Évidemment, comme ce profil est lié à la capacité du client d’absorber une forte volatilité sur les marchés, si le client a les nerfs solides, sa tolérance au risque sera plus dynamique et à l’inverse, s’il est plus conservateur, le profil de risque sera plus prudent.

Claude Paquin estime donc qu’il est important de mettre de l’emphase sur l’évaluation du profil de risque. « Chez nous, nos questionnaires sont très sophistiqués. On met même les gens dans les exemples. Je suis convaincu que la pandémie va même influencer les nouveaux formulaires d’évaluation de profil de risque », témoigne-t-il.

Rééquilibrage et liquidité

Selon Claude Paquin, lorsque la situation des marchés est stable, les conseillers devraient rééquilibrer les portefeuilles de leurs clients annuellement, mais il estime qu’en période de volatilité, il est très important de le faire rapidement.

Un client ayant un profil modéré, soit 50 % d’actions, 50 % d’obligations, a vu le côté obligataire prendre une pondération supérieure dans son portefeuille en raison des récentes baisses, il faut donc réajuster ce dernier.

« C’est un beau moment de faire une répartition pour revenir à la répartition d’origine et tirer avantage de la volatilité. Car ça n’arrive pas souvent qu’on puisse le faire dans des conditions aussi extrêmes que celle-là », rappelle-t-il.

Un autre conseil de Claude Paquin, c’est de toujours garder une partie liquide dans le portefeuille. Cela permet de profiter des opportunités dans le marché, lorsqu’il y a des réactions ou des mouvements plus violents.

Les secteurs à éviter et les opportunités

« Récemment j’écoutais Warren Buffett et ça m’a consolé. Il affirmait n’avoir aucune espèce d’idée de qui seront les prochains gagnants et il disait même que Berkshire Hathaway avait décidé de ne pas réinvestir à court terme, car ses dirigeants ne voyaient pas d’industrie ou de compagnies se trouvant à des niveaux attrayants pour eux », rapporte le président Québec de Groupe Investors.

Claude Paquin a toutefois révélé que s’il était gestionnaire de portefeuille, il garderait un œil sur le secteur technologique. « C’est sûr qu’il y a des entreprises dans ce secteur qui vont très bien se tirer d’affaire. Il y a des modèles d’affaires qui étaient déjà bien préparés à ce type d’événement, car c’était des modèles très agiles, flexibles, capables de se retourner de bord rapidement », note-t-il.

Il a également ajouté que certaines compagnies et industries risquaient de vivre des mois difficiles. Il pense ainsi aux compagnies aériennes. Selon lui, la pandémie lui a permis de réaliser qu’il voyageait de façon excessive et de se rendre compte qu’il y avait d’autres manières de faire des affaires. Comme il est sûr que d’autres arriveront à la même conclusion, il estime qu’il faudra du temps pour que les compagnies aériennes retrouvent la demande d’avant la pandémie.

Un autre domaine qu’il regarde avec méfiance est celui du spectacle et du divertissement. Il pense ainsi au parc d’attractions ou aux compagnies comme le Cirque du Soleil, car il ne pense pas que de grands rassemblements aient lieu cette année.

Toutefois, il précise qu’il ne faut pas prendre ses conseils pour argent comptant. « Je ne suis pas un gestionnaire de portefeuille, eux ce qu’ils recherchent notamment, c’est des entreprises qui ont peu ou très peu de dettes. »

Il ajoute cependant : « Les entreprises qui sont liquides vont passer à travers une période comme celle-ci avec plus de facilité que celles qui ont des dettes assez lourdes sur leur bilan financier. »

Vers de grands changements?

Selon lui, les interactions humaines sont ancrées dans l’ADN des êtres humains et ne vont donc pas disparaître. Il pense toutefois que certains comportements vont changer et que beaucoup de rencontres seront désormais virtuelles.

« Loin de moi l’idée de penser qu’on va tout faire de façon virtuelle, précise-t-il, mais je pense qu’il y a des gains de productivité significatifs qui vont se faire autant pour les conseillers que pour les clients. Car les clients n’auront pas toujours besoin de se déplacer. »

Il estime également que beaucoup de travailleurs repenseront leurs horaires hebdomadaires et considèreront la possibilité de travailler certains jours depuis leur domicile.

« Demain, est-ce que je suis obligé d’aller passer 5 jours semaines au bureau? Ça serait plutôt 4 jours semaine et une autre journée j’organiserai mon horaire différemment. Et je pense que beaucoup de gens vont penser à se réinventer dans un monde différent », appuie-t-il.

En conclusion, il affirme que la crise nous aura enseigné une leçon essentielle : les gens veulent se sentir écoutés, ils veulent se faire demander : « comment allez-vous ». « Si on retient ça, on va avoir appris une très belle leçon », confirme-t-il.

Selon lui, les conseillers qui auront compris cela et l’auront mis en œuvre ces dernières semaines vont renforcer leurs liens avec leurs clients et ainsi renforcer leur crédibilité et la confiance que ceux-ci placent en eux.