«La haute direction avait constaté qu’elle ne pourrait maintenir sa position dominante au Canada que si elle était plus forte au Québec», explique Isabelle Hudon.

De fait, la part de marché de l’assureur constitué en 1865 stagnait au Québec depuis 2005, d’après les rapports annuels sur les assurances et les institutions financières de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Cette part oscillait entre 11,68 et 12,35 % des primes directes souscrites au Québec en assurance de personnes de 2004 à 2010, alors qu’elle était de 14,47 % en 2001.

Isabelle Hudon, qui avait été présidente de l’agence de publicité Marketel ainsi que présidente et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, faisait ses premiers pas dans l’industrie financière lorsqu’elle a rejoint la Sun Life.

«La pente d’apprentissage a été abrupte. Je ne savais pas tout à fait ce dans quoi je m’embarquais», admet celle qui est l’une des 100 femmes les plus influentes du Canada selon WXN, un réseau de femmes exécutives, après avoir figuré à la sélection en 2006, en 2012 et en 2013.

En six mois, elle a rencontré plus de 2 000 employés. «Je savais que j’apprendrais beaucoup sur la culture de l’entreprise, mais également sur les métiers qui composent le secteur», explique-t-elle.

Elle a aussi rencontré des spécialistes nord-américains afin de comprendre le secteur, les produits et la dynamique de la concurrence. Parmi eux, Robert Dumas, un actuaire et expert reconnu du milieu de la retraite, alors chargé de l’Amérique du Nord chez Mercer, où il travaillait depuis près de 28 ans.

«J’avais moins d’un mois d’expérience et je me souviens d’être sortie de son bureau en me promettant de travailler un jour avec lui», dit-elle. Robert Dumas s’est joint à Sun Life 18 mois plus tard.

«Le fait d’avoir pu l’attirer représente une de mes grandes réalisations et une fierté, témoigne Isabelle Hudon. Robert a contribué rapidement et de façon impressionnante à l’élan de croissance donné au Québec.»

Les nominations récentes d’Isabelle Hudon et de Robert Dumas, qui lui succède à titre de président pour le Québec, démontrent à quel point la Financière Sun Life est satisfaite de la mise en oeuvre du plan stratégique destiné à faire croître la compagnie au Québec.

«Nous avons formé un duo assez incroyable, Robert et moi», lance Isabelle Hudon, qui juge «impressionnants» les résultats obtenus depuis la mise en place d’une direction au Québec.

Pour la période allant de 2010 à 2013, les nouvelles ventes de produits d’assurance collective et individuelle ont doublé, et celles des produits de gestion de patrimoine ont triplé dans la province, estime Robert Dumas.

Par ailleurs, les primes directes souscrites au Québec pour les rentes ont crû de 177,8 M$ à 480,3 M$ de 2010 à 2013, selon les rapports de l’AMF. Sur la même période, les primes directes en assurance vie, accidents et maladie sont passées de 1,19 G$ à 1,31 G$.

Quant au pourcentage des ménages clients de Sun Life issus du Québec, il est passé de 19 à 25 %, selon les données fournies par l’assureur.

De 2010 à 2013, la part de marché de la Sun Life est passée de 11,60 à 13,04 %, selon les primes directes souscrites au Québec, ce qui la place derrière Desjardins Sécurité Financière (17,47 %) et Industrielle Alliance (17,51 %), et devant SSQ Groupe financier (9,76 %), qui suit au quatrième rang.

De 2012 à 2013, les revenus-primes souscrits au Québec par la Sun Life ont crû de 22,9 %.

Pour Robert Dumas, à qui revient maintenant la responsabilité de développer la deuxième partie de la stratégie Québec, il s’agit de maintenir une croissance à la fois durable et responsable.

Un tel objectif est difficile à quantifier et ne se traduit pas nécessairement par des parts de marché supplémentaires, précise Robert Dumas.

«Dans un environnement aussi concurrentiel sur le plan des tarifs, les parts de marché ne sont peut-être pas la bonne mesure pour quantifier des objectifs», dit-il.

Pour sa part, Isabelle Hudon entend le seconder dans la mise en oeuvre de ce nouveau chapitre, «qui se poursuivra sur les mêmes bases que le précédent», précise-t-elle.

Miser sur le talent

«Les Québécois avaient besoin de sentir de l’émotion et de l’authenticité à travers la marque Sun Life. Les clients et les futurs clients avaient besoin de savoir que leurs intérêts étaient défendus et représentés par des gens qui les comprennent bien», analyse Isabelle Hudon.

L’ajout de talents a d’ailleurs permis à l’assureur de gagner «beaucoup de crédibilité auprès de ses intermédiaires», avance Robert Dumas.

Selon lui, le nombre de conseillers du réseau de carrière de la Sun Life a crû d’environ 15 % au cours des trois dernières années. Il souhaite maintenir ce rythme.

«Je serai déçu si notre croissance n’atteint pas 15 % dans les trois prochaines années», dit-il. De 850, le nombre de conseillers en sécurité financière du réseau de carrière passerait alors à près de 1 000.

Pour y parvenir, Robert Dumas compte poursuivre la cure de rajeunissement de la force de vente amorcée il y a trois ans en attirant de jeunes candidats dans l’industrie. Il chiffre la moyenne d’âge des conseillers à 47 ans, soit près de dix ans de moins que celle des réseaux de carrière concurrents.

Il compte également faire croître le nombre de femmes, qui représentent actuellement le tiers des conseillers du réseau de carrière de Sun Life au Québec.

Le pourcentage de recrues féminines a doublé au cours des trois dernières années, passant de 20 à 40 %, souligne Robert Dumas. Il estime qu’une croissance du nombre de conseillères permettra de mieux rejoindre le marché des femmes.

«Nous voyons un besoin important d’éveiller l’attention et l’intérêt chez les femmes de s’occuper de leur propre vie financière», ajoute Isabelle Hudon.

Les femmes vivent plus longtemps que les hommes, leur salaire devient régulièrement le plus important de la famille, et on leur reconnaît de grandes capacités dans la gestion des affaires familiales, illustre-t-elle, soulignant qu’elles ont aussi un profil d’investisseur beaucoup plus conservateur que celui des hommes.

L’augmentation du nombre de femmes représentantes vise à rendre le réseau de carrière davantage représentatif de la société, précise Isabelle Hudon. Pour cette même raison, Sun Life vise aussi l’embauche de membres des communautés culturelles.

Au Québec, Sun Life emploie 1 800 personnes, dont plus de 850 conseillers qui sont répartis dans 27 centres financiers. L’assureur compte 8 240 employés au Canada, dont 3 830 représentants.

Au cours des prochaines années, Robert Dumas compte renforcer les relations de la Sun Life avec des intermédiaires comme les agents généraux, «tous les courtiers avec lesquels nous avons des relations d’affaires et tous ceux avec qui nous voulons en avoir».

«Le nerf de la guerre, c’est le talent, et l’établissement de relations encore plus étroites avec les intermédiaires», dit Isabelle Hudon.

Se nourrir du Canada

Isabelle Hudon est dorénavant la responsable des «solutions clients» pour tout le Canada à la Sun Life. Ce secteur a généré près de 20 % de la valeur des nouvelles affaires canadiennes de l’assureur au cours des cinq dernières années. Il est aussi en constante interaction avec les autres secteurs de l’entreprise.

D’après Isabelle Hudon, la stratégie pour le Québec ne doit pas être créée en vase clos et réalisée par les gens du Québec seulement. De même, il ne fallait surtout pas détacher le Québec de la force détenue au Canada par la Sun Life, telle que ses processus, ses infrastructures technologiques et son savoir-faire.

«L’objectif consistait à créer une équipe forte au Québec, mais également d’avoir des Québécois à des postes clés dans toute l’organisation canadienne», précise Isabelle Hudon.

«Ça prend un courage corporatif important pour changer ainsi une structure, nommer un président au Québec et mettre des gens forts en place, constate Robert Dumas. Il s’agit d’un signal envoyé non seulement à l’externe, mais également à l’interne».

Au final, le nombre de postes de direction au Québec a augmenté de 76 %, donnant à l’organisation, qui a déménagé en 1978 son siège social de Montréal à Toronto, «une compréhension beaucoup plus juste du marché québécois. C’est ce qui a vraiment changé les choses», analyse Isabelle Hudon.

De même, la nomination de Robert Dumas porte à quatre le nombre de Québécois qui siègent au comité exécutif canadien, qui compte 15 membres.