Avec dix années à la barre de l’autorité des marchés financiers (AMF), et sept à celle des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), Louis Morisset a fait une marque profonde dans le monde de la règlementation financière tant au Québec qu’au Canada. Il laisse maintenant la place à d’autres, tandis que se poursuit l’important virage de l’AMF vers les services et produits financiers numériques.

La présence de Louis Morisset à la tête des ACVM, explique-t-il lui-même dans le récent Rapport annuel 2022-2023 de l’AMF, « aura permis à l’Autorité d’exercer une influence significative à l’égard des grands enjeux de politique publique et réglementaire qui touchent le secteur financier ».

Sous l’impulsion du président sortant, l’AMF s’est engagée dans son Plan stratégique 2021-2025 et l’exercice 2022-23 « a été une année marquante à plusieurs égards pour l’Autorité, en raison notamment du nombre de nouvelles initiatives mises de l’avant alors que l’organisation franchissait la mi-parcours de son Plan stratégique. »

Un régulateur proactif

Ce Plan stratégique épousait quatre orientations de base, dont la première visait à garantir que l’AMF soit « un régulateur proactif et pertinent pour le consommateur dans un environnement en constante évolution ».

À ce chapitre, l’AMF a porté une attention particulière à la littératie financière, un document de réflexion récent ayant révélé que la littératie financière traditionnelle ne suffit plus à prémunir les consommateurs contre les fraudes en ligne ou la désinformation issue notamment des médias sociaux. « Les consommateurs doivent apprendre à utiliser les applications mobiles de façon sécuritaire, protéger leurs renseignements personnels et consentir à leur partage de façon éclairée », précise Louis Morisset.

Ainsi, l’AMF a consenti, par exemple, 1 190 730$ à divers partenariats visant la sensibilisation et l’éducation financière, notamment un rapport de recherche réalisé en collaboration avec l’Université de Montréal sur la littératie financière appliquée. Elle a également signé deux nouveaux partenariats stratégiques en recherche, notamment la création du Laboratoire de recherche en droit des services financiers de l’Université Laval.

Plusieurs autres initiatives s’inscrivent dans cette première orientation du Plan stratégique : protection des clients en situation de vulnérabilité, campagne de sensibilisation à la protection des dépôts dans la foulée des problèmes survenus dans le secteur bancaire aux États-Unis, un système de rappel automatisé pour les consommateurs qui désirent prendre un rendez-vous téléphonique.

L’exercice 2022-23 se termine avec des sanctions exercées à l’endroit de 80 personnes et sociétés, 5,1 M$ d’amendes et de pénalités administratives imposées, et 351 834$ restitués à des consommateurs victimes de manquements divers.

Un régulateur influent

La deuxième orientation du Plan stratégique propose « un régulateur influent en appui au secteur financier québécois », disposition dont l’AMF s’est acquittée par de multiples initiatives. Par exemple, elle a tenu des ateliers visant à mieux définir la fonction d’expert en sinistre et elle mène des consultations pour éventuellement revoir les règles concernant l’entrée en carrière. En même temps, elle poursuit de concert avec l’industrie des travaux pour optimiser la charge de conformité pour les institutions financières.

Dans son rôle d’encadrement, l’AMF a mis au point une ligne directrice précisant les attentes relatives à la gestion des risques de conflit d’intérêt pouvant découler des incitatifs offerts par les assureurs et les intermédiaires lors de la vente de produits et services. Elle a aussi participé à la production d’un nouveau guide en matière de cybersécurité. Un pan plus large d’activités a porté sur les normes requises pour les questions climatiques, sur les questions de diversité, d’équité et d’inclusion, et sur l’intégration des facteurs ESG dans les décisions financières.

Un autre pan important a veillé à la mise en place du nouvel organisme pancanadien d’autorèglementation, l’Organisme canadien de règlementation des investissements (OCRI) et de la transition du secteur du courtage en épargne collective vers l’OCRI. S’est ajouté à ce chantier celui de l’encadrement accru des fonds distincts visant l’harmonisation des informations aux investisseurs sur les coûts totaux et les rendements entre fonds communs d’investissement et fonds distincts. Cela a notamment mené à l’interdiction de certains types de frais lors de retraits ou de transferts de fonds distincts.

Enfin, plusieurs activités se sont concentrées sur les cryptoactifs, notamment en exigeant des plateformes de négociation de cryptoactifs qu’elles signent un engagement préalable à l’inscription (EPI) dans lequel d’importantes dispositions de protection des investisseurs ont été ajoutées. En même temps, l’AMF poursuit sa réflexion sur l’encadrement des risques liés aux cryptoactifs.

Performance et capital humain

Aux troisième et quatrième orientations de son Plan stratégique, l’AMF vise à être « un régulateur performant dans la réalisation de sa mission » et « soucieux de son capital humain ». Par exemple, pour la 3e orientation, « des travaux importants ont été réalisés pour assurer une cohérence et un arrimage adéquats entre les différents outils informationnels de l’organisation et pour mettre à jour l’inventaire des données en milieu utilisateur. » L’Autorité a également déployé un nouvel outil de déclaration des plaintes.

Au chapitre de la gestion de son capital humain, 10% des employés de l’AMF « ont eu l’opportunité d’accroître leurs responsabilités ». La parité sur les comités consultatifs a continué d’être à l’honneur, de telle sorte qu’à présent, « 49 postes sont pourvus par des femmes et 45 par des hommes. Une personne s’est déclarée non binaire. »

Dans un tableau qui chiffre l’atteinte de chacune de ses quatre orientations, l’AMF se découvre un score qui dépasse dans la majorité des cas les objectifs fixés au départ dans le Plan stratégique. Par exemple, dans son orientation de proactivité, elle visait un taux d’appréciation de 80% des consommateurs à l’égard des services d’assistance offerts. Le taux atteint en 2022-23 a été de 86%, un léger déclin comparé à 90% en 2021-22. Le Plan anticipait la mise en place de 83 activités annuelles de sensibilisation auprès des consommateurs : 2022-23 en a vu défiler 323, une hausse de plus de 67% par rapport aux 193 activités de 2021-22.

Tout n’est pas parfait toujours. Pour l’orientation deux, le Plan visait un taux d’appréciation de 70% des clientèles relativement aux initiatives d’optimisation de la charge de conformité. Le taux atteint pour le dernier exercice a été de 67%…