Un homme en costume d'affaires avec un casque de chevalier, un bouclier et une épée sur un fonds urbain.
lassedesignen / 123rf

C’est la demande qui ressort des 29 mémoires soumis en réponse à la consultation des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) sur la protection des clients âgés et vulnérables.

La consultation des ACVM, qui a pris fin en juillet 2020, était articulée autour de deux thèmes:1) la désignation d’une personne de confiance; 2) les blocages temporaires de transactions.

Sur le premier thème, les ACVM demandent que les personnes inscrites prennent des mesures raisonnables pour obtenir le nom et les coordonnées d’une personne de confiance, de même que le consentement écrit du client à la communication avec cette dernière dans les situations d’exploitation financière apparente.

Le recours à la personne de confiance ne s’appliquerait qu’aux personnes physiques, mais dans leur consultation, les ACVM demandaient s’il devrait également s’appliquer aux personnes morales.

Quant au deuxième thème, les ACVM entendent permettre aux sociétés inscrites d’imposer un blocage temporaire, à durée illimitée, sur de multiples formes de transactions: achat et vente de titres, retraits et transferts de fonds et de titres. Dans de telles situations, les sociétés seraient obligées de tenir des dossiers pour justifier leur décision dans le respect des dispositions de la loi.

Omission importante

Trois groupes distincts ont répondu à la demande de commentaires des ACVM: des firmes de conseil financier et leurs associations de représentation; des organismes de défense des investisseurs; des observateurs neutres.

Comme on peut s’y attendre, certaines positions défendues par les différents groupes s’entrechoquent, mais ces divergences sont relativement mineures. Tous approuvent l’initiative des ACVM et en soutiennent l’esprit.

Cependant, les trois groupes s’entendent pour corriger une omission jugée importante du projet de modification: inclure une zone d’immunité légale pour les conseillers.

FAIR Canada, un important organisme de défense des investisseurs, en fait une de ses premières requêtes: «Les régulateurs devraient mettre en place une immunité légale qui protégerait les firmes et leurs représentants de la responsabilité réglementaire en cas de divulgation, en toute bonne foi, à une personne contact ou de recours à un blocage temporaire.»

La raison en est très simple, explique l’Association of Canadian Compliance Professionals (ACCP):cette immunité va favoriser les investisseurs au premier chef. «L’immunité va accroître la protection des investisseurs en permettant aux personnes inscrites d’agir rapidement, décisivement et en toute confiance lorsque nécessaire.»À défaut d’immunité, les conseillers «risquent de s’abstenir d’intervenir dans les situations d’exploitation financière ou de diminution des facultés mentales de leurs clients par crainte de poursuites judiciaires ou disciplinaires», souligne le mémoire de la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés de l’Université Laval.

Exception faite de cette omission, les deux thèmes soumis par les ACVM font l’unanimité. Par contre, cette unanimité est rompue quand on en vient à certains principes et modalités.

Divergences d’opinions

Sur le plan des principes, certains remettent en question la définition de personne vulnérable. Des organisations, dont l’Independent Financial Brokers of Canada, veulent la restreindre en insistant pour qu’elle vise «les habiletés à comprendre toute information pertinente». D’autres, dont la Chaire en gouvernance et droit des affaires de l’Université de Montréal, déplorent que la définition des ACVM n’intègre que deux des quatre critères permettant de considérer une personne comme vulnérable (âge, santé, statut de minorité visible, degré de connaissances). Kenmar Associates et MBC Law proposent d’adopter la définition élargie qui a cours au Royaume-Uni, où le terme de «client vulnérable» inclut des personnes à revenu faible ou irrégulier, ayant des connaissances et des habiletés numériques déficientes, en situation de divorce, d’immigration récente, etc.

Les mémoires affichent un net désaccord à propos du document dans lequel devraient être consignés le nom et les coordonnées de la personne de confiance, détail que ne précise pas le projet des ACVM.

Par exemple, l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) et l’ACCP jugent que ces informations devraient être séparées du profil du client (Know your client).

L’ACCP affirme que certains de ses membres, au cours d’audits, n’ont pas été autorisés à ouvrir des comptes clients lorsqu’on n’indiquait pas de personne contact, «malgré tous les efforts raisonnables déployés pour obtenir une telle information», lit-on dans le mémoire.

Kenmar Associates suggère que la désignation d’une personne de confiance fasse l’objet d’une section très clairement séparée dans le profil du client, dans laquelle celui-ci accepterait ou refuserait de nommer une telle personne. À la rigueur, reconnaît l’ACCP, une telle procédure garantirait qu’un compte peut être ouvert malgré un refus de la part du client de fournir la référence d’une personne de confiance.

Par ailleurs, la question à savoir si le recours à une personne de confiance doit s’appliquer aux personnes tant physiques que morales est loin de faire l’unanimité. MICA Cabinets de services financiers n’y voit aucun problème, tandis que la Canada Vie et l’ACCP voudraient exclure les personnes morales. Advocis juge que cette question devrait faire l’objet d’une consultation séparée de la part des ACVM. Les ACVM demandent si les blocages devraient être de durée illimitée et si les sociétés devraient transmettre au client, tous les 30 jours, un avis quant à la décision de poursuivre un blocage. Une majorité d’organisations se rallient aux deux propositions, mais certaines y voient un fardeau superflu.

«Nous croyons qu’exiger la transmission d’un avis tous les 30 jours pourrait s’avérer trop lourd dans certains cas et décourager certaines sociétés d’imposer des blocages», affirme la Canada Vie.

Formations à offrir

De nombreux mémoires exhortent les ACVM à compléter leur projet par des mesures de formation et des guides d’orientation à l’intention des sociétés.

Ainsi, l’IFIC recommande que les ACVM mettent au point, en partenariat avec des experts en droit des personnes âgées, un cours de formation à l’intention de tous les participants de l’industrie.

Advocis recommande que, à tout le moins, les ACVM le complètent avec des «orientations exhaustives» pour aider les conseillers à repérer tout signe de changement dans la capacité mentale d’un client et à comprendre les démarches qui s’ensuivent.

La Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés fait deux recommandations fort pratiques: que la décision de divulguer une situation problématique relève de la société inscrite, plutôt que du conseiller, et que les sociétés soient encouragées à désigner deux personnes de confiance plutôt qu’une seule.