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Les conseillers en placement ne travaillent généralement plus seuls. Si la plupart ont désormais une adjointe pour les assister dans leurs tâches quotidiennes, un grand nombre d’entre eux sont aujourd’hui entourés d’une équipe élargie qui comprend aussi des conseillers associés, un planificateur financier ou encore un gestionnaire de portefeuille. Ces équipes ressemblent ainsi à de petites PME et le conseiller en placement doit donc ajouter une corde à son arc : la gestion des ressources humaines. Est-il bien outillé pour porter ce nouveau chapeau ?

La gestion du personnel est sans doute le plus grand défi auquel sont aujourd’hui confrontés les conseillers en placement, note Sara Gilbert, fondatrice de la firme Développement des affaires Stratégiste. À titre de stratège et coach auprès de conseillers en placement, elle est bien au fait de la situation.

«Les conseillers savent très bien comment fonctionnent la Bourse, les marchés financiers, les placements. Mais ils n’ont pas été formés pour gérer des équipes, et plusieurs me disent qu’ils ne savent pas comment le faire. Ils n’ont pas de point de repère dans ce domaine», constate Sara Gilbert.

Le défi est de taille. Un conseiller qui travaille seul, ou avec une adjointe, n’a pas à recruter ou garder du personnel, à partager ses valeurs ou sa culture d’affaires, à susciter ou renforcer l’engagement de collègues. Il est nettement plus habitué à améliorer l’expérience client, plutôt que l’expérience employé. Or, au fur et à mesure que des personnes s’ajoutent à son équipe, la situation change et peut devenir plus problématique.

«Les conseillers ne sont plus seulement des travailleurs autonomes, souligne Sara Gilbert, ils ont maintenant le rôle de chef d’entreprise. Tous n’ont pas la capacité de comprendre la dynamique d’une équipe, les comportements humains, et d’assumer un leadership qui les amène à tirer le meilleur des gens qui les entourent.»

Le problème est tel que certains conseillers vont même jusqu’à limiter la croissance de leurs activités, «parce que la seule idée d’avoir à gérer une équipe leur apparaît comme une tâche trop lourde pour laquelle ils n’ont pas les connaissances ou la compétence», indique Sara Gilbert.

Soutien bienvenu

Denis Gauthier, premier vice-président et directeur national à la Financière Banque Nationale (FBN), Gestion de patrimoine, est bien conscient des nouveaux défis de gestion des ressources humaines que génère l’accroissement des équipes de conseillers en placement.

«Avant, le modèle d’affaires était différent. Il y avait un conseiller, avec une adjointe ou non, et la gestion des ressources humaines était bien plus simple. Aujourd’hui, avec la formation d’équipes qui peuvent varier de quatre personnes à une dizaine, il y a une nouvelle dynamique et le conseiller en placement a aussi un nouveau rôle», constate Denis Gauthier en précisant que les deux tiers des conseillers de la FBN font désormais partie de telles équipes.

Il n’y voit toutefois pas un problème, mais plutôt un enjeu lié à la croissance de l’industrie auquel la firme de courtage a tenu à apporter des solutions au cours des dernières années.

«Nous avons répondu aux demandes de nos conseillers qui, compte tenu de la croissance des affaires et des équipes, nous disaient avoir besoin d’aide dans la gestion des ressources humaines», souligne Denis Gauthier.

Mario Rigante, président régional, Gestion privée, Québec, chez BMO Banque de Montréal, note aussi que les conseillers sont appelés de plus en plus à gérer des équipes, ce qui entraîne des défis inhérents à ce nouveau rôle.

«Nous apportons notre soutien, notamment par l’entremise du directeur des opérations en succursale, pour nous assurer notamment qu’il y a une bonne synergie dans les équipes et que le partage des responsabilités est clair», précise Mario Rigante.

La FBN a pour sa part mis en place un programme nommé CP-Leader visant à aider les conseillers en placement à mieux travailler en équipe. Elle offre ainsi à ses conseillers des formations données par des coachs, qui travaillent au sein même de la firme ou à l’externe, pour les amener à développer des qualités de gestionnaires et de leadership.

Les conseillers sont entre autres appelés à passer des tests psychométriques afin notamment d’améliorer la connaissance de soi, de découvrir leur potentiel ou encore d’optimiser la gestion et le développement de leur équipe de travail.

Ils ont aussi droit à des formations plus pratico-pratiques sur la façon de définir clairement les tâches et les attentes au sein d’une équipe, de tenir efficacement des rencontres d’équipe, par exemple, ou d’assurer une bonne communication et rétroaction parmi tous les membres.

Les résultats semblent probants. «De plus en plus de conseillers adhèrent au programme. Ils en ont entendu parler par d’autres conseillers et nous appellent pour pouvoir aussi en profiter», affirme Denis Gauthier.

Par ailleurs, les firmes de courtage disent assumer aussi différents autres aspects liés à la gestion des ressources humaines, comme le recrutement ou encore l’évaluation des membres d’une équipe.

«Les dirigeants de succursale, de même que les équipes spécialisées en ressources humaines, ont un rôle important à jouer pour appuyer les conseillers dans la recherche et l’embauche d’employés», indique Paul Balthazard, vice-président et directeur régional, Québec, de RBC Dominion valeurs mobilières.

Par contre, le temps maintenant dévolu par les conseillers en placement à la gestion de ressources humaines ou à des rencontres d’équipe ne risque-t-il pas de réduire celui qui est consacré aux clients et à leurs placements ? Ce qui, au bout du compte, est leur rôle principal.

«Le temps consacré à la gestion doit être vu comme un investissement. Si une rencontre d’équipe a permis de trouver des solutions pour être plus efficace et mieux servir des clients, par exemple, tout le monde y gagne», répond Denis Gauthier. Il croit au contraire que les équipes qui négligent ces différents aspects risquent d’en subir les contrecoups.

Mario Rigante fait écho à ces propos. «Le bon conseiller n’y verra pas une perte de temps et de croissance de ses activités. Il va plutôt y constater la valeur de la force d’une équipe au service des clients», dit-il.