Une photo portrait de Jacques Deforges.
Gracieuseté

La pandémie et le confinement ont été un véritable défi pour Jacques Deforges et Finance Montréal, qu’il dirige depuis décembre 2019. Il n’était en fonction que depuis quelques mois quand la COVID-19 a frappé.

«Par sa nature, Finance Montréal est un réseau de réseaux, résume-t-il en entrevue avec Finance et Investissement. C’est un point de rencontre de toute l’industrie, que ce soit le secteur bancaire, l’investissement, les sociétés d’assurance, les régulateurs et même les universités.»

«Par définition, mon travail et celui de mes collègues consiste à faire du réseautage, à réunir des gens, à provoquer des rencontres, animer des ateliers, travailler sur des initiatives, etc. Il faut du contact humain pour faire ça», souligne-t-il.

Homme de défis

Pourtant, le nouveau directeur général de l’organisme ne s’est pas laissé démonter. En effet, Jacques Deforges n’a pas peur des défis, comme le prouve son parcours.

Originaire de France, il est arrivé au Canada en 1984, et déjà à l’époque, il a dû surmonter des obstacles. En effet, son diplôme de l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC Paris) n’était pas reconnu. Il a donc décidé de s’inscrire au programme de MBA à l’Université Concordia, ce qui lui a donné la possibilité d’apprendre l’anglais. «Ça m’a permis de joindre l’utile à l’agréable», dit-il.

Jacques Deforges a ensuite travaillé à la Banque Nationale pendant 10 ans, notamment à titre de directeur principal, services aux grandes entreprises. «Je faisais essentiellement du financement aux très grandes entreprises. Donc, toutes les grandes sociétés qu’on connaît aujourd’hui, les Bombardier, Vidéotron, Québecor, étaient mes clients», se souvient-il.

Puis, il est passé de l’autre côté du miroir pour travailler avec un de ses clients, Téléglobe, comme vice-président et trésorier. «Là, j’ai fondamentalement fait le contraire de ce que je faisais à la banque. Je faisais du financement pour l’entreprise», dit-il en s’amusant.

Il a ensuite eu sa période PME, puis ses années pharma-biotech. Après presque 13 ans au sein de diverses entreprises, il est retourné à la Banque Nationale pour diriger le secteur «entreprises et international». Puis, au début de 2015, il s’est joint à la Chambre des notaires en tant que directeur général, où il avait le défi d’aider l’organisation à réussir sa transformation numérique.

«Si je voulais résumer, j’ai passé environ autant de temps du côté industrie financière et marché financier que du côté entreprise, petite, moyenne et grande. J’ai un peu fait la navette de l’un à l’autre tout au long de ma carrière», indique Jacques Deforges.

Soutien appuyé aux fintechs

Fort de ses multiples expériences, Jacques Deforges a relevé le défi de la COVID-19 avec optimisme.

Il note ainsi qu’il a eu la chance de rencontrer ses collègues avant que la pandémie ne frappe, ce que les employés embauchés quelques mois plus tard n’ont pas pu faire. Et surtout, il souligne qu’il a eu le soutien de son prédécesseur, Louis Lévesque, pendant les huit premières semaines de son mandat. Une aide appréciée à sa juste valeur.

«Somme toute, je m’estime chanceux dans le contexte», résume-t-il.

Voir le positif dans le négatif semble être une des grandes forces du nouveau DG de Finance Montréal. Bien que l’organisme ait dû annuler le Forum FinTech 2020, Jacques Deforges note que cette décision a été prise au bon moment, n’engendrant que peu de frais, et retient que les Rencontres OFF mensuelles sont maintenues de façon virtuelle.

«Cette annulation est malheureuse, mais on n’a pas disparu de la planète, on va s’adapter. De plus, on voit que les événements virtuels attirent plus de participants que les événements physiques», commente-t-il.

Côté bonne nouvelle, il souligne aussi que Finance Montréal a pu lancer son concours de pitch (présentation de projets), qui fait normalement partie du Forum. Un concours à l’issue duquel la fintech ayant réussi la meilleure présentation bénéficie d’un investissement de 1 M$ de la part de Portag3.

Par ailleurs, la Station FinTech, qui avait fermé ses portes en mars, est rouverte au public depuis le 1er septembre. Elle a même pu accueillir un nouveau locataire à la mi-septembre. «On a encore une très forte attractivité», se réjouit Jacques Deforges.

Il rappelle que tout ce qui touche la technologie et les fintechs est encore une priorité pour Finance Montréal.

«De façon fondamentale, le portrait est très prometteur pour l’innovation en technologie, puisqu’on a vu une accélération de la dématérialisation des échanges. Le thème techno et finance est là pour de bon. On est déjà très présent avec la Station mais on va continuer à travailler dans ce domaine.»

Deux autres grandes priorités

Finance Montréal travaille également de façon prioritaire sur deux autres thèmes principaux : la finance durable et les ressources humaines.

Jacques Deforges estime que la finance durable est un domaine en essor. Il souligne la volonté des gouvernements de relancer l’économie d’une façon responsable et l’intérêt des consommateurs pour ce sujet.

«Les marchés qui sont des intermédiaires, des relayeurs, s’adaptent. Ils vont prendre très clairement le lead dans les prochains mois et les prochaines années en ce qui a trait à la finance durable», déclare-t-il.

Finance Montréal compte réunir plusieurs membres déjà impliqués dans ce domaine. Jacques Deforges cite ainsi le Fonds de solidarité FTQ, Fondaction, le Mouvement Desjardins, la Banque Nationale et la Caisse de dépôt et placement.

«Notre rôle sera, comme on le fait toujours, de réunir les membres de la table afin de trouver des initiatives porteuses pour le secteur. Grâce à ces initiatives, on va tenter de positionner Montréal comme une place dominante», assure-t-il.

Déjà, Finance Montréal a organisé fin septembre un événement sur les taxonomies des activités économiques durables en Europe et au Canada, auquel ont participé des organisations de chaque continent.

De plus, Finance Montréal a lancé récemment une étude en collaboration avec la Caisse de dépôt et placement, Desjardins et la Banque Nationale sur la profondeur de la main-d’oeuvre en investissement responsable, qui devrait être publiée fin novembre, début décembre.

«On n’a jamais fait d’étude là-dessus, Finance Montréal est le premier à le faire. On a déjà fait des études de ce genre par le passé, par exemple sur la profondeur de la main-d’oeuvre dans les services financiers et dans les métiers d’assurance. Là, on va vraiment cibler l’investissement responsable», indique Julie Perrone, directrice, communications et marketing à Finance Montréal.

«Ça va nous aider à prendre le pouls du marché du travail dans ce domaine, et aussi à motiver les gens à y participer», précise-t-elle.

Le troisième pilier d’intérêt de Finance Montréal porte sur tout ce qui touche les ressources humaines, la recherche de talent et la relève.

«Le métier change très rapidement. On ne peut pas parler de techno en finance sans parler des emplois qui y sont reliés», constate Jacques Deforges.

Finance Montréal s’intéresse aussi de près à la relève. L’organisme a mis sur pied l’année dernière le Comité Jeune, composé d’une quinzaine de membres et parrainé par le président et chef de la direction de Desjardins, Guy Cormier. Ce comité a pour but de promouvoir l’industrie financière et d’attirer de nouveaux talents.

En juillet dernier, le comité a créé le site Compte sur toi pour inciter les jeunes à se lancer dans une carrière en finance. La page d’accueil du site dit leur offrir «une liste d’outils pour te guider financièrement dans toutes tes décisions importantes afin que tu puisses réaliser tous tes projets à court et à long terme».

Finance Montréal veut également réunir les responsables des technos et les responsables des ressources humaines de ses organisations membres afin de déterminer des initiatives porteuses pour faire avancer les choses.

«On va également faire bénéficier la communauté d’études, d’événements, de mise en contact et de réseautage pour augmenter les interactions entre les membres. À partir de là, je pense que des initiatives concrètes vont émerger cet automne et en 2021, qu’on pourra ensuite démarrer avec l’appui des membres», explique Jacques Deforges.

Rayonnement international

En plus de ces trois piliers d’action, Jacques Deforges tient à souligner le travail de l’équipe du Centre financier international (CFI), dont le rôle est d’amener les grandes sociétés financières internationales à s’établir à Montréal.

«L’équipe du CFI a un rôle très important pour la relance», appuie-t-il.

Depuis le début de l’année, l’équipe a réalisé plus d’une centaine de rencontres virtuelles avec toutes sortes de gens partout dans le monde afin de «vendre» Montréal, relate Jacques Deforges.

Il souligne que la COVID n’a nullement nui à l’attractivité de la métropole québécoise. «Je reste optimiste à moyen terme pour ce potentiel-là», conclut-il.