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Tels sont les résultats les plus spectaculaires en assurance de personnes provenant du «Rapport annuel sur les institutions financières 2019» publié par l’Autorité des marchés financiers.

Exprimées en primes directes souscrites au Québec, ces parts de marché regroupent les secteurs individuel et collectif en assurance vie, en assurance accidents et assurance maladie ainsi qu’en rentes.

Trois connaisseurs du secteur de la distribution d’assurance éclairent les performances de ces grands assureurs. Il s’agit de Bruno Michaud (ex-vice-président principal, administration et ventes à l’Industrielle Alliance [iA]), Eli Pichelli (ex-vice-président des ventes, réseaux exclusifs de distribution à La Capitale) et Robert Landry (ex-vice-président exécutif d’AXA Canada).

Les parts de marché de la FSL ont augmenté, passant de 13,7 % en 2017 à 15,9 % en 2019.

«La popularité de l’assurance vie avec participation s’est sûrement fait sentir. Ce produit a le vent dans les voiles depuis quelques années. La Sun Life occupe une part importante de ce marché», signale Bruno Michaud.

Au cours des dernières années, précise Robert Landry, «la Sun Life a bénéficié d’un certain retrait de Manuvie à l’égard de grands dossiers d’assurance jugés plus risqués. Par exemple, les assureurs ne peuvent pas tous assumer le poids des polices vie universelle de 10 ou 20 M$. La Sun Life profite du fait que Manuvie est devenue beaucoup plus prudente dans la gestion de son capital», dit-il.

Depuis quelques années, la Sun Life cible les marchés plus fortunés, souligne Eli Pichelli : «L’assureur en récolte les fruits. Mais cette approche est-elle soutenable à long terme ? On peut se poser la question.»

Eli Pichelli évoque les défis du vieillissement et du renouvellement des conseillers du réseau carrière de l’assureur.

«Les clients fortunés n’achètent pas via des robots-conseillers. Où la Sun Life puisera-t-elle la relève de ses conseillers qui prennent de l’âge ? Investira-t-elle dans les structures d’appui aux nouveaux conseillers, comme les formateurs ? L’avenir nous le dira», dit Eli Pichelli.

Desjardins en baisse

Longtemps numéro un des primes directes au Québec, DSF continue à perdre de l’altitude.

Avec ses 15,01 % de parts de marché, l’institution coopérative est devenue le quatrième acteur en importance au Québec. Elle est coiffée par iA (18,6 %) et la Sun Life (15,9 %). L’entité issue de la fusion de La Capitale avec SSQ capte 15,4 % de parts de marché.

Rappelons que DSF a longtemps dominé les parts de marché des assureurs de personnes au Québec. En 2011, celles-ci atteignaient 18,5 %.

S’agit-il de «déclin» ? Évitons ce mot, préviennent les experts consultés.

«Je ne crois pas que cette décroissance marquée soit involontaire. Cela pourrait être un choix de gestion du capital et de sa réallocation vers des secteurs plus rentables. Si DSF avait vraiment voulu renverser cette situation, on ne parlerait pas, à l’heure actuelle, de baisses de parts de marché», dit Robert Landry.

Selon Eli Pichelli, «la recherche d’une plus grande rentabilité a peut-être eu un impact sur les ventes. On peut augmenter les ventes en baissant les prix ou en maintenant des prix trop bas, en d’autres mots augmenter les parts de marché au prix de la rentabilité. Ce n’est pas le chemin suivi par Desjardins.»

La Canada-Vie et Manuvie

En 2019, les parts de marché respectives de la Canada-Vie (incluant la London Life et la Great-West) et de Manuvie étaient de 11,04 % et de 9,02 %.

Au cours des dernières années, la Canada-Vie ne s’est pas rapprochée du peloton de tête. Au contraire. En 2017, ses parts de marché se situaient à 13,2 %.

Selon Bruno Michaud, le secteur de l’assurance vie individuelle pourrait notamment avoir écopé de l’absence d’un réseau de courtage à la London Life (fusionnée en janvier 2020 à la Canada-Vie). «Beaucoup de courtiers ont carrément abandonné la vie universelle pour la vie participante. La London Life n’a pas bénéficié de cette vague étant donné l’absence d’un réseau de courtage. Chose certaine, cette hypothèse mérite d’être creusée», juge-t-il.

Eli Pichelli attribue une partie des résultats de la Canada-Vie aux efforts d’intégration des trois réseaux et au choix des marques. «La Canada-Vie est au ralenti. On assiste à une grande opération de rebranding. Ses conseillers se sont posé beaucoup de questions en 2019», note-t-il.

Pour sa part, Manuvie maintient ses positions depuis plus de 10 ans. Ses parts de marché étaient de 8,7 % en 2008 et de 9,3 % en 2013. «Manuvie freine. La direction signale constamment vouloir améliorer la rentabilité de son capital. En conséquence, la compagnie prend moins de risques et elle délaisse certains secteurs», résume Robert Landry.

«Nouveau-né» à surveiller

Les parts de marché de La Capitale sont passées de 5,3 % en 2017 à 6,45 % en 2019.

«L’année dernière, La Capitale a procédé à une refonte de son réseau carrière. Les commissions de vente ont augmenté. Les structures d’appui aux conseillers, comme les formations, se sont enrichies. Il y a peut-être un lien de cause à effet», évoque Eli Pichelli.

Les parts de marché combinées de SSQ et La Capitale atteignent 15,4 %, ce qui en fait le quatrième acteur au Québec.

L’entreprise fusionnée pourra-t-elle s’attaquer aux platebandes des grands acteurs pancanadiens ? Par exemple, en visant les grands dossiers d’assurance telles les vies universelles aux couvertures de 10 ou 20 M$ ?

Prudence !

«Cette guerre se jouera dans la capacité technologique et organisationnelle à personnaliser de gros contrats. Cela exigera une machine à souscription à la fois robuste et sophistiquée. Il faudra bâtir une équipe, des procédés, des politiques. Cela prendra du temps. Mais l’entreprise est bien partie», juge Robert Landry.

Par ailleurs, les chiffres du «Rapport annuel sur les institutions financières» de l’AMF constituent certes un bulletin de santé des assureurs, mais ils ne disent pas tout. «Par exemple, en assurance de personnes, le Rapport amalgame les primes de première année avec les primes de renouvellement. Or, seules les ventes de première année permettraient de saisir réellement le dynamisme de chaque acteur en assurance individuelle», dit Bruno Michaud.

Assureur / 2019 / 2018 / Variation 18-19

Industrielle Alliance1 / 18,59 / 19,39 / -0,80

Sun Life (Financière) / 15,92 / 15,48 / 0,44

Desjardins Sécurité financière / 15,01 / 16,20 / -1,19

Canada sur la vie2 / 11,04 / 11,85 / -0,81

Manuvie (Financière) / 9,02 / 9,39 / -0,37

SSQ Groupe financier / 8,95 / 9,02 / -0,07

La Capitale groupe financier / 6,45 / 5,26 / 1,19

RBC Assurances / 2,13 / 2,18 / -0,05

Empire Vie / 1,64 / 1,57 / 0,07

BMO Assurances / 0,99 / 0,92 / 0,07

Ivari / 0,97 / 0,99 / -0,02

Banque Nationale Assurances / 0,85 / 0,72 / 0,13

UV Assurance / 0,79 / 0,75 / 0,04

Humania Assurance3 / 0,69 / 0,68 / 0,01

Assomption Vie / 0,15 / 0,14 / 0,01

Cumulatif / 93,19 / 94,54

1. Comprend L’Excellence 2. Comprend Great-West, Canada-Vie et London Life 3. Comprend Survivance-Voyage

Source : Autorité des marchés financiers, «Rapport annuel sur les institutions financières» 2018 et 2019 Tableau : finance et Investissement