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La Capitale a lancé en 2015 un produit hors du commun : une assurance pension alimentaire. «À notre connaissance, nous étions les premiers à lancer un tel produit et je crois que nous sommes encore les seuls à l’offrir», affirme Jean-Pascal Lavoie, porte-parole de La Capitale, à Québec.

La fonction de ce produit est «d’assurer le versement continu de la pension alimentaire advenant le décès ou l’invalidité du débiteur payeur», indique le dépliant publicitaire. Ce versement n’est pas une somme forfaitaire de 100 000 $ ou de 250 000 $, comme pour une assurance vie courante, mais un versement mensuel non imposable.

La personne recevant une pension alimentaire interrompue par le décès du payeur serait-elle obligée d’entamer des démarches judiciaires pour faire exécuter l’ordonnance de paiement ? Le produit de La Capitale vise à contrer une telle éventualité. D’ailleurs, certains avocats spécialisés en divorce conseillent à leurs clients de prendre une assurance pour garantir la pension, et nombre de juges l’imposent dans leur jugement.

Il s’agit donc à la base d’une assurance vie décroissante, mais déboursée en versements mensuels ne pouvant dépasser 1 500 $ par mois, dont la protection peut s’étaler sur 15, 20 ou 25 ans. Le produit offre aussi une option de protection d’invalidité causée par un accident ou une maladie d’une durée de deux à cinq ans.

Ainsi, pour accorder à un homme de 30 ans, non fumeur, une protection sous forme de versements mensuels de 1 000 $ d’une durée décroissante de 25 ans, la prime mensuelle s’élève à 20,75 $. Si on ajoute une protection d’invalidité de deux ans, elle monte à 38 $.

Assurance vie ou assurance pension alimentaire?

Michel Landry, président de Soumissionassurancevie.ca, rappelle que plusieurs produits d’assurance peuvent combler le besoin de garantir le versement d’une pension alimentaire. Un client, dit-il, pourrait aussi opter une assurance classique offrant une couverture, par exemple de 250 000 $, versée d’un seul coup au décès.

«Toutes les compagnies d’assurance offrent en partant de payer la prestation d’un seul coup ou en versements étalés dans le temps, explique-t-il. Sauf que 100 % des gens préfèrent prendre le plein montant. Et pour cause ! Mais dans ce cas-ci, le client ne peut même pas recevoir ce plein montant.»

Une assurance classique, à laquelle on joint une couverture d’invalidité si désiré, peut permettre de combler les besoins du client. Il faut dire qu’un tel produit (pour le volet d’assurance vie temporaire décroissante seulement, couvrant un capital de 250 000 $) imposerait une prime légèrement plus élevée de 23,96 $ à La Capitale, mais de 19,80 $ à l’Industrielle Alliance, qui offre le plus bas prix sur le marché. Une police temporaire fixe, pour sa part, exigerait des primes de 25,21 $ à La Capitale et de 24,08 $ chez Humania (plus bas prix).

François Cantin, conseiller en sécurité financière au Groupe financier Périclès, à Sainte-Rose, près de Montréal, recommande aussi l’assurance vie dans ce genre de situation. «Il vaut mieux contracter une police vie temporaire pour protéger le paiement de la pension. Et effectivement, bien que je ne l’aie jamais vu en 31 ans de pratique, il est possible de demander à l’assureur de verser le capital assuré sur plusieurs années.» Il propose toutefois de considérer l’idée de prendre une rente viagère avec le capital versé.

François Cantin ajoute toutefois «qu’une assurance pension alimentaire pourrait s’avérer plus facile à vendre qu’une assurance vie, car il y a encore des gens qui ont beaucoup de problèmes à « acheter une assurance vie », pensant que ça va les faire mourir… Un client est mieux d’acheter ça que de ne rien avoir.»

Éviter la dilapidation

Or, ces critiques manquent de tenir compte de deux aspects cruciaux du produit, affirme Denys Clavet, directeur des ventes, réseau de courtage, à La Capitale. Il s’agit, dit-il, d’un «concept marketing, pas d’une gimmick».

«Bien sûr qu’un client pourrait prendre une assurance de 250 000 $, poursuit-il, mais on se faisait souvent dire par les divorcés qu’ils ne voulaient pas laisser 250 000 $ à leur ex-conjoint, de peur que cet argent soit rapidement dilapidé. Ils voulaient s’assurer que ça aille aux enfants, pas pour des voyages à travers le monde avec la nouvelle flamme de madame ou de monsieur. Mais il est certain que si le client veut une couverture classique de 250 000 $, on peut la lui vendre.»

Par ailleurs, le produit de La Capitale offre un autre avantage, qui ne saute pas nécessairement aux yeux. Un homme de 30 ans qui travaille bénéficie probablement auprès de son employeur d’une assurance collective qui couvre une partie de son salaire en cas d’invalidité. Dans une telle situation, indique Denys Clavet, aucune compagnie d’assurance ne voudra lui vendre une assurance invalidité en sus.

Or, ce n’est pas le cas avec le produit de La Capitale, qui a obtenu des régulateurs que la pension alimentaire soit considérée comme une dette (un peu comme une banque peut vendre une assurance hypothécaire en sus de toute assurance invalidité dont bénéficie le client). Même si le client est déjà couvert par une assurance salaire de son employeur, il peut quand même souscrire l’assurance invalidité de La Capitale et recevoir une prestation mensuelle supplémentaire en cas d’incapacité de travailler. À la condition, précise Denys Clavet, qu’il fasse la preuve d’un jugement du tribunal lui imposant de payer une pension alimentaire.