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La gestion de portefeuille discrétionnaire continue de gagner du terrain dans le secteur des courtiers de plein exercice. Selon le ­Pointage des courtiers québécois 2023, 69 % des conseillers en placement (CP) sondés ont accordé une note à leur courtier pour son soutien à la gestion discrétionnaire. Il s’agit d’une augmentation notable par rapport à 2020, où ils étaient environ 55 %.

Pour les conseillers qui ont obtenu le permis nécessaire et les approbations de leur courtier, la gestion discrétionnaire présente plusieurs avantages, notamment en termes de temps et d’efficacité. Elle permet aux ­CP de ne pas avoir à contacter chaque client pour chaque transaction, libérant ainsi du temps pour d’autres activités, comme la planification financière et successorale ainsi que le développement des affaires.

Finance et ­Investissement, qui recueille des données sur ces ­CP depuis 2020, constate une adoption de plus en plus répandue chez les courtiers.

Selon les données recueillies, la part moyenne des revenus de production bruts de l’ensemble des conseillers sondés constituée d’honoraires pour la gestion discrétionnaire s’est établie à 56,7 % en 2023, en hausse appréciable par rapport à 37 % il y a trois ans. Cette part surpasse celle des revenus bruts en provenance des honoraires pour la gestion non discrétionnaire, qui ne représente plus que 25,5 % en 2023, contre 36 % en 2020. La proportion des revenus découlant des commissions de suivi sur les fonds d’investissement a également diminué à 9,5 % cette année (17 % en 2020), tout comme la rémunération par transaction, qui est maintenant à 6,4 % (8 % en 2020).

En 2023, la part moyenne des revenus de production bruts des conseillers constituée d’honoraires pour la gestion discrétionnaire varie de manière importante d’une firme à l’autre. Elle va de 29,4 % à 76,5 % selon la firme en question, d’après notre échantillon de sondés.

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Une analyse plus poussée des résultats montre que les conseillers dont au moins une partie de la rémunération provient de la gestion discrétionnaire gèrent davantage d’actifs et ont en moyenne des clients dont les actifs sont plus importants.

Par exemple, s’élevait à 1,8 M$ l’actif moyen par ménage géré personnellement par les répondants dont la part de revenu découlant de la gestion discrétionnaire était de 90 % ou plus. Pour ceux dont les revenus ne provenaient pas de ce type de gestion, l’actif moyen par ménage était de 1 M$.

Par conséquent, les premiers génèrent davantage de revenus bruts et leur revenu annuel personnel est plus élevé. En outre, ces conseillers sont plus enclins à donner une note élevée à leur firme pour son soutien en matière de gestion discrétionnaire et sont plus susceptibles d’avoir un pourcentage plus élevé de clients qui ont un plan financier élaboré (68 %) par rapport aux seconds (55 %).

En moyenne, les répondants au ­Pointage des courtiers québécois ont accordé une note de 8,4 sur 10 à leur firme pour son soutien en matière de gestion discrétionnaire ainsi qu’une importance moyenne de 9,2.

Les avis des conseillers ayant accordé une note à leur firme sur ce critère sont mitigés. Un répondant apprécie l’excellent service de recherche de sa firme, alors qu’un autre souligne le manque de soutien concret ­au-delà du cadre réglementaire. Certains se plaignent d’outils dépassés. Un conseiller relève la complexité du processus de transition des comptes transactionnels vers les comptes à honoraires, une démarche qu’il juge ardue.

On remarque que quelques sondés affirment être en voie d’obtention d’un permis pour offrir la gestion discrétionnaire ou en transfert de clientèle vers ce mode de rémunération, tandis qu’un segment ne s’y intéresse pas du tout.

Perspectives des dirigeants

À ­CIBC ­Wood ­Gundy (CIBC ­WG), la gestion discrétionnaire est un segment d’affaires en croissance. «A u ­Québec, 61 % de nos conseillers en placement sont des gestionnaires de portefeuilles accrédités qui font de la gestion discrétionnaire. Il y a cinq ans, il y en avait moins de 40 % », précise ­Charles ­Martel, directeur général et chef régional, région du ­Québec, ­Gestion privée ­CIBC et Wood ­Gundy.

Cependant, la proportion d’actifs en gestion discrétionnaire de la firme n’a pas progressé au même rythme, passant de moins de 10 % il y a 10 ans à 15 % aujourd’hui, selon le dirigeant. Comment expliquer cet écart entre cette proportion et la part de conseillers ayant un permis pour offrir la gestion discrétionnaire ? « ­Ce chiffre ne concerne que les comptes en gestion discrétionnaire qui sont gérés par le conseil en placement. Or, on a beaucoup de comptes qui sont gérés par des gestionnaires externes, explique ­Charles ­Martel. La situation devrait changer en 2024 lorsqu’on aura notre plateforme de comptes unifiés Wealth 360. Un client pourra avoir sur le même relevé des comptes discrétionnaires gérés par son conseiller et ceux gérés par un tiers. »

Actuellement, 38 % des conseillers producteurs et 46 % des équipes à ­Valeurs mobilières Desjardins (VMD) exercent la gestion discrétionnaire, pour un actif total de 13 milliards de dollars. Même si ces chiffres sont plutôt stables depuis trois ou quatre ans, la firme priorisera cette gestion dans les années à venir. Elle prévoit mettre l’accent sur le programme conseiller gestionnaire de même que sur le service de gestion discrétionnaire pour le rendre plus accessible, selon David ­Lemieux, ­vice-président et directeur général de ­VMD.

Il ne s’étonne pas que certains conseillers disent que la firme pourrait faire mieux. « ­Notre programme fonctionne bien, et le niveau de satisfaction est habituellement élevé. Cependant, nous souhaitons améliorer l’accès au programme. Certains gestionnaires trouvent effectivement le processus complexe et long », ­explique-t-il.

BMO ­Nesbitt ­Burns suit les tendances de l’industrie avec une croissance du nombre de conseillers offrant la gestion discrétionnaire et de la part des actifs à honoraires pour la gestion discrétionnaire. Il n’a toutefois pas été possible de connaître dans quelle proportion elle est exercée.

En somme, il apparaît que la gestion discrétionnaire est un outil de plus en plus adopté par les conseillers et les firmes afin d’accroître leur productivité et que cette tendance est là pour durer.

En collaboration avec Richard Cloutier, Carole Le Hirez et Guillaume Poulin-Goyer.