Un homme sur une scène s'adressant à une assemblée de professionnels assis sur des chaises en face de lui.
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Devant un parterre de conseillers en services financiers lors du ­ProLab 2023, présenté à ­Montréal en juin par la ­Chambre de la sécurité financière, ­Robert ­Dutton, le quincaillier devenu professeur associé à ­HEC ­Montréal, a confié sa vision du leadership. Sa compréhension de ce que signifie être un leader a été nourrie par son expérience personnelle comme dirigeant d’une grande entreprise, mais aussi par l’exemple de ses parents, qui ont exploité une quincaillerie à ­Laval.

Robert ­Dutton a passé une bonne partie de son enfance dans le commerce familial. La philosophie de service de ses parents, centrée sur l’assistance plutôt que sur la simple vente, a été un élément déterminant pour lui. Dans leur magasin, chaque individu était considéré comme une personne avant d’être un client. Ils croyaient fermement que pour transformer un individu en client, il fallait avant tout l’aider à devenir un client.

Le même principe s’applique aux services financiers, selon ­Robert ­Dutton. « ­Vos clients ne cherchent pas simplement à souscrire une assurance ou à investir dans un ­REER. Ce qu’ils veulent, c’est un minimum de tranquillité d’esprit et les moyens financiers de réaliser leurs rêves », a-t-il expliqué.

Toutefois, vendre le meilleur produit financier ne suffit pas pour répondre aux aspirations de ses clients, ­a-t-il ajouté. Ces derniers veulent être guidés dans la détermination de leurs besoins, et c’est là que le conseiller entre en jeu. Il a pour mission de les aider à prendre des décisions qui serviront au mieux leurs intérêts.

Or, selon lui, la capacité à guider quelqu’un dans la prise de décisions éclairées est l’essence même du leadership, que l’on gère une grande organisation, une petite équipe ou que l’on soit un planificateur financier qui travaille de façon autonome. Un bon conseiller, ­dit-il, a quelque chose d’un bon leader, même s’il ne dirige personne.

Des qualités essentielles

Robert ­Dutton définit le leadership non pas par le pouvoir ou l’autorité, mais par le service aux autres. Il fait la distinction entre les patrons qui se concentrent sur les objectifs et les résultats, et les leaders qui placent l’intérêt des personnes avant le leur.

Selon l’ancien dirigeant, la première qualité d’un leader est de voir le monde et les autres avec les yeux du cœur, comme l’a si bien chanté ­Gerry ­Boulet. Cette vision poétique met en lumière l’importance d’une compréhension profonde et empathique des besoins des clients. En effet, les clients ne se présentent pas seulement avec des besoins objectifs, mais également avec des émotions et des préoccupations pour l’avenir. Ainsi, pour mieux servir les clients, il est nécessaire de faire preuve d’humilité et d’écoute active. Cela signifie poser des questions pour clarifier leurs besoins, tout en étant attentif à leurs émotions et à ce qu’ils expriment réellement.

L’écoute demande du temps et donc de la patience, une autre composante essentielle du leadership. Si vous êtes bien informé sur vos produits, il est tentant de présenter rapidement un plan financier à un client en lui disant que c’est ce qu’il y a de mieux pour lui. Cependant, persuader demande plus d’efforts que de simplement donner des ordres. Les clients seront davantage satisfaits s’ils ont le sentiment d’avoir participé activement à l’élaboration de leur propre plan avec votre soutien. Cette approche favorise la cocréation du plan financier, renforçant ainsi l’engagement du client envers ­celui-ci.

Un bon leader consacre également du temps à l’entretien de ses relations avec les personnes qu’il mobilise. Contrairement aux patrons qui ne s’intéressent aux subordonnés que lorsqu’ils ont besoin d’eux, les leaders véritables portent un intérêt sincère aux individus, même lorsqu’ils n’ont rien à leur demander. Aujourd’hui, les employés sont davantage motivés par le cœur que par la tête, ce qui souligne l’importance de donner du sens à leurs actions. Dans le domaine des services financiers, un conseiller qui exerce un bon leadership prendra régulièrement des nouvelles de ses clients, même lorsqu’il n’y a pas de vente en jeu. Un simple appel pour s’enquérir de leur ­bien-être permet de créer une relation ­au-delà du simple statut de client.

Il est également crucial de cerner et de connaître ses propres valeurs en tant que leader. ­Celles-ci servent de boussole morale et éthique, donnant ainsi cohérence et direction à nos actions. Malheureusement, il arrive que nos paroles ne soient pas en accord avec nos actions, ce qui crée des contradictions. Il est donc essentiel d’être humble et lucide dans la définition de nos valeurs non négociables, celles qui doivent être respectées en toutes circonstances, même si cela implique un coût. Les valeurs jouent un rôle primordial lors des crises et des choix difficiles, car elles deviennent les seuls repères fiables. Il est donc nécessaire de réfléchir en toute sérénité à nos valeurs, car les crises et les décisions délicates ont tendance à nous pousser à négocier nos principes en fonction des circonstances, conseille ­Robert ­Dutton.

Ces qualités ne sont pas une recette pour le succès, mais un « chantier permanent » qui aide à naviguer dans un monde en constante évolution, ­a-t-il rappelé.