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Dans l’affaire autorité des marchés financiers c. Lefebvre1, une des questions en litige que le Tribunal administratif des marchés financiers (TAMF) se devait de trancher était la suivante :

«Est-ce que les règles de justice naturelle de droit administratif ont été respectées par l’Autorité dans l’administration de cette affaire eu égard à l’intimé, notamment celles relatives à l’équité procédurale ?»

Dans un premier temps, le TAMF rappelle que les principes de l’équité procédurale sont applicables en matière administrative. En effet, dès qu’une décision administrative touche les privilèges, biens ou droits d’une personne, il y a lieu d’appliquer l’obligation d’équité.

L’étendue de l’obligation d’équité procédurale devra tenir compte, entre autres, des circonstances de chaque cas et des attentes légitimes de la personne qui conteste la décision administrative.

Cette équité procédurale est décrite comme étant l’application de la pratique du franc-jeu.

Le TAMF, s’appuyant sur la loi constitutive de l’Autorité des marchés financiers, reconnaît que cette dernière doit voir à la mise en application de la loi. Par contre, l’Autorité a également le mandat de renseigner les intervenants de l’industrie, et ce, par l’intermédiaire de son centre d’information. Elle doit aussi coordonner l’ensemble de ses interventions, compte tenu de sa mission et de son mandat. L’Autorité a un devoir d’équité et de transparence à l’égard des personnes qui interviennent avec elle.

Au regard des circonstances particulières qui s’appliquent en l’espèce, le Tribunal conclut que la règle de l’équité procédurale n’a pas été respectée. Cette règle requiert que la décision administrative fasse preuve de transparence, de motivation adéquate, de cohérence et soit intelligible.

Certes, l’Autorité a une responsabilité de protéger le public. Cependant, elle doit également traiter équitablement ses administrés. Or, en l’espèce, le Tribunal constate un manque de transparence et de cohérence.

[192]Dans le traitement du dossier, l’Autorité a suivi des processus internes de traitement qui rendent claires pour elle les démarches et la suite des procédures au dossier de l’intimé, mais pour ce dernier, qui est de l’autre côté de la clôture, rien de tout cela n’est clair, ni cohérent, ni compréhensible vu l’absence de clarté de ce qu’on lui a transmis et communiqué.

[…]

[199]Les circonstances entourant cette affaire amènent le Tribunal à conclure que l’Autorité a manqué à son obligation d’équité procédurale à l’égard de l’intimé tant par sa décision de juillet 2017 que par les suites données à cette affaire et qu’elle n’a pas respecté les obligations que lui impose la Loi sur la justice administrative en ce sens. Le Tribunal se rend ainsi aux arguments du procureur de l’intimé à l’effet que la présente procédure serait «dans les présentes circonstances» un abus de procédures.

Dans le cadre des éléments contextuels applicables, le Tribunal note, entre autres, que l’intimé à trois reprises est entré en communication avec le centre d’information de l’Autorité compte tenu de son stress et de son inquiétude face au risque de perdre son droit de pratique en raison de son insolvabilité.

En conclusion, compte tenu des circonstances particulières de cette affaire, le TAMF a rejeté la demande de l’Autorité en concluant qu’une sanction administrative quelconque imposée à l’intimé ne servirait pas l’intérêt public.

1. 2018 QCTMF 96.

*Julie-Martine Loranger, associée chez McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l. Le présent article ne constitue pas un avis juridique.