Crédit: Louis-Charles Dumais

En 2022, Wealthica dépassera les frontières canadiennes et s’attaquera au marché international de l’agrégation des comptes d’investissement en cryptomonnaies. « Nous croyons en notre potentiel et en notre capacité d’utiliser à grande échelle nos technologies existantes », affirme Simon Boulet, qui était président et chef de la direction de l’entreprise jusqu’au début de février.

Fondée à la fin de 2015, Wealthica s’est imposée comme la destination canadienne des épargnants et investisseurs individuels désireux d’avoir une vue d’ensemble de leurs différents comptes de placement.

Les données proviennent de plus de 200 institutions financières, de sites d’investissement et, depuis juin dernier, d’une trentaine de plateformes d’échange de cryptomonnaies.

Les utilisateurs de Wealthica peuvent suivre sur un tableau de bord unifié la performance des investissements d’une institution à l’autre, y compris le versement des dividendes. Pendant la période des déclarations de revenus, ils peuvent effectuer d’une traite leurs calculs de gains en capital et de variations de taux de change.

Une version payante a été mise en marché en janvier 2021. Elle inclut les cotes boursières et certaines options avancées de personnalisation.

Depuis 2020, la plateforme de Wealthica est également utilisée par des cabinets de planification financière, de gestion de patrimoine et de courtage de plein exercice. « La demande des conseillers est en hausse. Jusqu’ici, nous avons eu davantage de succès auprès des petits bureaux. La moitié de nos revenus proviennent maintenant des conseillers », dit Simon Boulet.

Afin de poursuivre la croissance de son entreprise, le dirigeant de 37 ans souhaite l’assouplissement de la réglementation encadrant le système bancaire ouvert (open banking).

« Cette réglementation est un peu floue et cela complique notre travail d’agrégateur de données, explique-t-il. Il nous faut normaliser les données en y mettant beaucoup de temps et d’énergie. Or, les investisseurs sont prêts pour l’innovation. Une réglementation plus souple facilitera la production de nouvelles applications. »

Le choix de Simon Boulet comme lauréat de la catégorie Entreprises de technologie financière de 2021 s’imposait, selon le jury:» Simon Boulet dirige une entreprise en forte croissance qui offre une réelle solution à l’industrie financière et à ses clients. »

Les statistiques sont à l’avenant. « En 2021, nous avons plus que doublé le nombre d’utilisateurs, qui est maintenant supérieur à 40 000. Nos revenus ont progressé de plus de 340 % », illustre Simon Boulet. L’entreprise vise à « tripler » ses revenus d’année en année.

À l’heure actuelle, Wealthica affirme agréger les données de près de 17 G$ d’actifs. Il s’agit d’une hausse de 55% par rapport aux 11 G$ enregistrés en février 2021 et de 240 % par rapport aux 5 G$ affichés à la fin de 2019. L’objectif est d’atteindre le cap des 100 G$ d’actifs.

Wealthica compte « une quinzaine » d’employés. La moitié d’entre eux travaillent à Montréal, les autres étant principalement en Asie. « Le fait d’être réparti sur des fuseaux horaires différents a des impacts positifs. C’est un peu comme si l’entreprise fonctionnait 24 heures sur 24. Par exemple, si un client nous appelait vers 16 h 00 pour nous signaler un bogue informatique, la situation pourrait être réglée le lendemain matin », dit-il.

En revanche, les échanges électroniques d’informations confidentielles comportent leur lot de défis en cybersécurité.

« À la suite d’un audit en profondeur effectué par un auditeur indépendant, nous avons récemment obtenu une accréditation Soc2 Type II. Cela confirme l’efficacité de nos mesures de protection des données en ce qui concerne, par exemple, d’éventuelles cyberattaques. Cette accréditation constitue un accomplissement majeur », indique Simon Boulet.

Depuis ses débuts en 2015, Wealthica a assuré sa croissance sans appel de fonds externes. Celle-ci s’est produite grâce aux capitaux propres de Simon Boulet, Martin Leclair et Éric Lemieux, les seuls propriétaires de la firme.

« Nous avons eu la chance de financer nous-mêmes notre propre expansion. La croissance a peut-être été un peu moins rapide, mais nous avons maintenu le rythme qui nous convenait. Avec le capital-risque, c’est souvent le coup de circuit ou rien ! Cette situation nous a forcés à exploiter au maximum les opportunités qui se sont présentées à nous », relate Simon Boulet.

Martin Leclair, cofondateur, vice-président et chef de produit de Wealthica, avait fait ses premières armes chez iWeb, une firme qu’il avait fondée et vendue en 2013. Simon Boulet, lui, avait mis sur pied CloudNorth, rachetée par iWeb. Quant au responsable des finances, Éric Lemieux, il a déjà été directeur général de Finance Montréal et vice-président chez Desjardins; il est le président-fondateur de M2S Capital, une firme de capital-risque.

En 2022, les trois actionnaires ouvriront le capital de leur entreprise. « Nous entrons dans le marché international de l’agrégation des données d’investissement en cryptomonnaies. Ce marché est immense. Il requiert de nouvelles ressources », remarque Simon Boulet.

Il prévoit mettre sur pied une équipe spécialement affectée à la vente et embaucher des développeurs informatiques. Depuis les débuts de Wealthica, les efforts de vente et de marketing étaient ceux d’une fintech particulièrement agile. « Les gens nous ont découverts sur Google, par le bouche à oreille, par des communautés d’utilisateurs, par des influenceurs et par des clients ambassadeurs. Nous avons pu faire du marketing intelligent tout en maîtrisant les coûts », explique Simon Boulet.

Toutefois, ajoute-t-il, « la concurrence va s’accélérer. Il nous faut innover rapidement et plus vite que les grands acteurs. Il nous faut rester le meilleur agrégateur au Canada et devenir le meilleur au monde. Pour cela, nous devons occuper rapidement le marché international. »

L’enjeu de la croissance mondiale est colossal. La fintech montréalaise aura besoin d’argent afin de solidifier sa place dominante au Canada et prendre une position prépondérante à l’échelle mondiale. Quitte à ce que ses actionnaires perdent une part de contrôle sur leur destinée.