Quand un directeur professionnel est requis
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Gestion de patrimoine TD et RBC Dominion valeurs mobilières, par exemple, optent pour le modèle du directeur professionnel qui n’a pas de clientèle, afin de pouvoir se consacrer exclusivement à la gestion de la succursale. Ces directeurs doivent malgré tout faire preuve de souplesse.

En effet, les petites succursales comme celles qui sont situées en région sont encore souvent gérées par des directeurs producteurs ou qui ont une clientèle. Les normes varient toutefois chez ces deux courtiers.

Selon Paul Balthazard, vice-président et directeur régional Québec chez RBC Dominion, les succursales qui comptent moins de 15 conseillers sont habituellement placées sous la gouverne d’un directeur producteur, tandis que celles qui en comptent de 15 à 20 ont plutôt un directeur producteur qui a un nombre de clients ou un actif sous gestion limités, afin de s’assurer qu’il a suffisamment de temps pour s’occuper des tâches administratives.

Ce ne sont donc que les succursales plus importantes, souvent situées dans les grands centres urbains, qui sont administrées par un directeur professionnel. Les petites succursales, particulièrement dans les provinces de l’Atlantique, sont dirigées par des directeurs producteurs.

Chez Gestion de patrimoine TD, selon les renseignements fournis par la direction l’automne dernier, ce sont plutôt les succursales de 10 conseillers et moins qui seraient réservées aux directeurs producteurs. Celles qui comptent de 10 à 25 conseillers seraient gérées par des directeurs producteurs plafonnés, et celles qui en comptent plus de 25, par des directeurs professionnels. Rappelons toutefois que les deux courtiers font preuve de souplesse dans l’application de ces normes internes.

D’autres courtiers n’établissent pas de normes à proprement parler. Ainsi, chez BMO Nesbitt Burns, il n’y a pas de politique officielle. «On recherche le meilleur candidat possible, qu’il ait ou non une clientèle», indiquait récemment Sylvain Brisebois, premier vice-président, directeur général et directeur régional, Est-du-Canada, et gestionnaire de portefeuille chez BMO Nesbitt Burns.

Chez les petits courtiers, c’est-à-dire dans bien des cas les courtiers qui ne sont pas liés à une des banques à charte, on privilégie plutôt le modèle des directeurs producteurs. Dans ces petites firmes, on considère que les directeurs producteurs sont en mesure de mieux motiver les troupes, car ils traversent les mêmes difficultés et les mêmes préoccupations que les représentants.

Quant à la Financière Banque Nationale (FBN), elle fait bande à part. Son modèle repose sur des directeurs régionaux (qui n’ont pas de clientèle, bien évidemment) qui viennent en aide aux directeurs de succursale.

À la FBN, certaines tâches réservées aux directeurs de succursales chez les autres courtiers incombent aux directeurs régionaux. Les directeurs de succursale sont des producteurs qui agissent également à titre de coach ou de directeurs des ventes, selon ce que signalait la direction l’automne dernier. À l’implantation de ce modèle, ils ont dû choisir : ils pouvaient devenir directeurs régionaux ou rester dans leur succursale et tenir le rôle d’un représentant qui agit à titre de coach auprès de ses collègues en plus de s’assurer de la représentation de la firme dans la collectivité.

Changement de cap

Cette nouvelle définition des tâches est un phénomène plutôt récent, selon Paul Balthazard. «Je suis entré chez RBC Dominion « par la porte en arrière », lorsque RBC a racheté McNeil Mantha où je travaillais, se souvient-il. Beaucoup de directeurs avaient encore une clientèle. Moi-même, j’étais alors directeur adjoint avec ma propre clientèle.»

La tendance lourde au profit des directeurs professionnels chez les grands courtiers affiliés aux banques serait relativement récente, d’après lui : «C’est un changement récent, qui remonte à il y a environ sept ou huit ans».

Rappelons d’ailleurs que jusqu’à récemment, la réglementation exigeait qu’un directeur de succursale ait au moins deux ans d’expérience à titre de conseiller. «Ce n’est plus le cas. Ce qui permet d’élargir nos horizons et d’embaucher des gens qui ont des profils différents», constate Paul Balthazard.

Il perçoit d’ailleurs ce changement à la réglementation favorablement : «La tâche de directeur de succursale est devenue tellement complexe, et elle continue d’évoluer». Paul Balthazard voit difficilement comment un directeur de succursale peut jumeler les tâches de directeur et de conseiller. Il explique d’ailleurs que chez RBC Dominion, on tente autant que faire se peut de recourir à des directeurs professionnels.

Toutefois, on ne trouve pas de directeur professionnel dans toutes les succursales de RBC Dominion. Comment arrive-t-on alors à la décision d’opter pour un directeur producteur ou pour un directeur professionnel ? «Les deux principaux critères sont le nombre de conseillers de la succursale et les revenus que celle-ci génère», explique Paul Balthazard.

La règle en vigueur serait qu’une succursale qui compte 15 conseillers ou moins permettrait d’avoir un directeur producteur, tandis que celle qui en compte plus de 20 serait dirigée par un directeur professionnel. Les succursales qui comptent de 16 à 20 conseillers seraient pour leur part dirigées par un directeur avec clientèle, dont la production serait toutefois limitée.

Tâche herculéenne

Paul Balthazard affirme que les tâches d’un directeur producteur dans une succursale d’une certaine ampleur sont herculéennes. Selon lui, elles se résument à huit points essentiels (voir l’encadré).

Chacune d’entre elles est de plus en plus compliquée et exigeante. La gestion du temps du directeur est désormais son plus grand défi.

En fait, Paul Balthazard a cinq attentes supplémentaires envers ses directeurs de succursale.

«Je leur demande d’être des coaches, des leaders, de gérer leur succursale comme s’ils étaient des propriétaires d’entreprises ou de franchise, de faire du recrutement et de gérer le risque. Je peux vous garantir que chacune de ces cinq tâches équivaut à un travail à temps plein. À moins de diriger une très petite succursale ou de servir une très petite clientèle, un directeur producteur ne peut pas y arriver si on est un directeur producteur», estime-t-il.

Écueils du directeur professionnel

Tous voient les choses de la même manière que Paul Balthazard. Un vieux routier de l’industrie faisait remarquer que le directeur professionnel peut se heurter à des écueils. En effet, il pourrait avoir de la difficulté à faire sa marque et à imposer son autorité.

«Un directeur de succursale peut toucher entre 200 000 $ et 500 000 $ par an. Or, dans certaines succursales, des conseillers vedettes gèrent parfois quelques milliards de dollars sous gestion et rapportent énormément à la firme», fait remarquer celui qui a travaillé chez différents courtiers et qui préfère garder l’anonymat afin d’y maintenir de bonnes relations.

Selon lui, ces stars de l’industrie deviennent un peu des prima donna qu’un directeur professionnel aura du mal à diriger : «Advenant une mésentente entre le directeur et le courtier vedette, ce dernier peut faire valoir sa cause auprès de la direction régionale ou nationale, qui devra trancher».

Il est facile d’envisager la difficile tâche de trancher entre un producteur qui rapporte énormément et un directeur de succursale.

Le directeur producteur, contrairement au directeur professionnel, jouirait d’un avantage précieux, soit celui de pouvoir prétendre parler en connaissance de cause, puisqu’il est lui-même producteur.

Cependant, pour d’autres acteurs de l’industrie interrogés par Finance et Investissement, le directeur producteur ne serait pas nécessairement mieux placé pour régler les conflits, et il pourrait être la cible de la critique notamment en matière de neutralité. Il pourrait facilement se faire montrer du doigt et se faire accuser de partialité, par exemple lors de la répartition du volume des nouvelles émissions publiques, ou encore à de la vente des books d’un conseiller qui prendrait sa retraite ou qui quitterait la firme.