Dans l’ensemble, les firmes ont obtenu une note plus faible en matière de rémunération. Par ailleurs, l’importance accordée chaque année à cet élément reste élevée. Tout comme l’éthique et la stabilité de leur firme, la paie demeure une corde sensible.

Cependant, comment expliquer que la satisfaction à l’égard de la rémunération baisse, alors que l’actif sous gestion moyen des conseillers augmente ? C’est là le problème, explique Sylvain Brisebois, premier vice-président, directeur général et directeur régional, Est-du-Canada, et gestionnaire de portefeuille chez BMO Nesbitt Burns.

«Quand j’ai commencé ma carrière il y a 20 ans, un conseiller important gérait de 50 à 60 M$ d’actif. Aujourd’hui, un conseiller d’importance gère de 300 à 500 M$ d’actif. Étant donné que les coûts de la conformité augmentent, s’il n’y avait pas d’ajustement, la rémunération serait trop élevée pour maintenir les ratios de rentabilité», dit-il.

Voilà qui peut expliquer pourquoi de nombreux courtiers ont apporté des changements au contrat de travail qui les lie à leurs conseillers au fil des ans.

Gros comptes, grosse paie

Cette année encore, certaines firmes ont modifié leur grille de rémunération, ce qui a rendu celle-ci moins généreuse pour les représentants. Les courtiers ont notamment réduit les commissions payées, augmenté le pourcentage qui leur revient sur chaque transaction ou les minimums de production brut nécessaires avant qu’un conseiller touche un boni ou un pourcentage de payout donné.

Un grand constat s’impose : les firmes veulent se débarrasser des petits comptes pour se concentrer sur les comptes plus importants et sur la gestion de patrimoine. «Très souvent, ils augmentent les commissions minimales et baissent le pourcentage qui nous revient. Nous ne touchons pas le plus gros pourcentage sur la plus-value. Pour ceux qui ne gèrent pas de portefeuilles importants, la paie baisse», mentionne un conseiller de la Financière Banque Nationale (FBN).

La FBN n’a pas ajusté sa grille cette année, selon Denis Gauthier, premier vice-président et directeur national. Le commentaire reflèterait donc l’ajustement de 2015, qui a fait passer de 300 000 à 400 000 $ le minimum de revenu brut requis pour atteindre l’échelon supérieur de rémunération.

«Les conseillers se parlent et peuvent comparer leur rémunération. Tout en étant concurrentiels, nous sommes convaincus d’avoir encore la grille la plus avantageuse de toutes les filiales bancaires», dit Denis Gauthier.

Les honoraires favorisés

La pire note revient à ScotiaMcLeod, à qui les conseillers attribuent 7,2 sur 10 en matière de rémunération globale. «Avant, si on produisait plus de 1 M$, on avait droit à un boni de 2 %. Maintenant (depuis 2015) on nous a enlevé ce boni et il n’est donné qu’en fonction de certains critères : rentabilité du portefeuille, nouveau client d’une certaine taille pour Scotia. Ce sont maintenant les plus performants qui ont droit à ce boni, les mêmes que ceux qui ont les recommandations», dit un conseiller sondé. Il n’a pas été possible de parler avec la direction de ce courtier avant de mettre sous presse.

Les conseillers de Gestion de patrimoine TD accordent une faible note à leur firme en ce qui a trait à la rémunération. Selon Stephan Bourbonnais, premier vice-président et directeur régional, Est-du-Canada chez TD, une grille de rémunération favorisant les conseillers qui ont la meilleure croissance de leurs revenus et qui facturent des honoraires peut expliquer ce résultat.

«Le plus haut taux de commission (pay-out) possible chez nous est pour les comptes à honoraires», dit-il.

Par ailleurs, il peut y avoir eu réduction de paiement pour les commissions de suivi sur les fonds communs pour tous les niveaux de production, selon le vice-président.

Cette tendance des firmes à valoriser la rémunération par honoraire (fee-based) est commune chez les firmes sondées. D’ailleurs, en moyenne, le pourcentage de commission pour les comptes par honoraires s’élève à 51,9 %, par rapport à 48,2 % pour la rémunération par transaction.

Chez RBC Dominion valeurs mobilières, tout comme chez TD, la grille de rémunération réflète les grandes stratégies de la firme. «En tant qu’organisation, notre objectif, ce sont les clients fortunés», tranche Paul Balthazard, vice-président et directeur régional, Québec et provinces de l’Atlantique.

RBC n’a pas bouleversé sa grille en 2015, mais elle a tout de même apporté un changement en ce qui concerne les comptes minimums. À compter du 1er mai, les conseillers ne seront plus payés pour les comptes de 250 000 $ et moins ni pour les comptes qui ne rapportent pas au moins 2 000 $.

«Ce qu’on dit, c’est : si vous voulez garder vos clients qui ont moins de 250 000 $, gardez-les, mais vous ne serez pas payé. On aimerait que vous les redirigiez ailleurs dans l’organisation, où ils seront mieux servis et que vous preniez ce temps-là pour vous concentrer sur votre objectif», dit Paul Balthazard, précisant que le montant minimum du compte s’applique pour une famille sur trois générations.

Il y a aussi des exclusions. Les FEER et les REER collectifs sont exclus, de même que les organismes sans but lucratif. «Les nouveaux conseillers en placement qui sont avec nous depuis moins de quatre ans ne sont pas touchés par cette mesure-là non plus», précise le vice-président de RBC.

Moins d’argent pour les clients recommandés

Valeurs mobilières Desjardins (VMD) a aussi pris un virage en adoptant une grille de rémunération qui avantage les conseillers productifs. Depuis quelques années, la rémunération des conseillers dont la production brute est de 350 000 $ et moins baisse, confirme Luc Papineau, vice-président et directeur général de VMD.

Toutefois, le changement récent qui fait le plus tiquer les conseillers de VMD est la diminution de la commission qui leur revient pour la clientèle recommandée. Parmi les grands courtiers, VMD est l’une des firmes qui reçoit le plus de recommandations de son réseau des caisses.

«Nous y trouvons notre compte, mais cela fait également en sorte que nous assumons un pourcentage beaucoup plus élevé de dépenses fixes reliées à ces comptes que nos concurrents», explique Luc Papineau.

Plutôt que d’assumer 50 % des dépenses reliées aux comptes recommandés, VMD en assume maintenant le tiers et le conseiller doit en assumer les deux tiers, ce qui fait qu’en fin de compte, sa rémunération diminue. «C’est aussi une question d’équité pour ceux qui choisissent de ne pas travailler avec la clientèle recommandée», dit Luc Papineau.

Le vice-président ne cache pas qu’il s’agit là d’un appel aux conseillers à développer leur clientèle non recommandée. «Nous commençons à voir des résultats, note Luc Papineau. Nos prochains états financiers montrent que l’actif provenant de la clientèle recommandée est resté stable, tandis que celui provenant de nouveaux clients a augmenté.»

Le modèle IAVM

Selon notre sondage, les représentants d’Industrielle Alliance Valeurs mobilières (IAVM) sont les plus satisfaits de leur rémunération globale, avec une note de 8,9 sur 10. Mais avant de se ruer chez ce courtier, les conseillers doivent savoir que le modèle de rémunération y est fort différent.

Les conseillers d’IAVM reçoivent une rémunération brute variant en moyenne de 74 à 78 % de leurs ventes brutes, selon leur catégorie. Dans le reste de l’industrie, cette part varie plutôt de 39 à 48 %, en moyenne. Toutefois, les conseillers doivent assumer la plupart de leurs dépenses.

«Nos conseillers sont considérés comme des travailleurs autonomes, expose Richard Legault, président d’IAVM. Notre modèle est resté le même, et il n’est pas question de le changer.» Il explique la légère baisse de la satisfaction par rapport à l’an dernier (IAVM avait obtenu une note de 9,5) par les acquisitions récentes de la firme, qui ont fait passer certains conseillers d’un modèle d’entreprise à un modèle indépendant.