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Il s’agit de la première diminution des bénéfices nets dans ce secteur, après quatre ans de croissance soutenue.

La persistance des faibles taux d’intérêt est évoquée par l’AMF comme l’une des raisons qui expliquent cette diminution.

«Le marché [des assureurs] n’a pas complètement absorbé les baisses des taux d’intérêt», souligne René Hamel, président-directeur général de SSQ Groupe financier durant sept ans, aujourd’hui retraité.

Même son de cloche chez René Rouleau, ancien président du conseil d’administration et chef de la direction de La Capitale Assurance et Services financiers.

«La persistance des taux d’intérêt bas fait en sorte que les assureurs doivent aller dans d’autres secteurs d’investissement, comme l’immobilier», dit-il.

Cette diversification force les assureurs à prendre plus de risques pour honorer leurs engagements envers leurs actionnaires.

«Les compagnies d’assurance sont obligées d’aller jouer à la Bourse pour aller chercher de meilleurs rendements, soutient René Rouleau. Dans l’industrie canadienne, les deux grandes locomotives du placement, ce sont l’énergie et les banques. Les baisses des prix du pétrole ont fait en sorte que le prix des valeurs boursières a chuté […] ne donnant pas les rendements [escomptés].»

L’AMF associe également la baisse des bénéfices totaux aux pertes des placements des assureurs causés par la chute des prix du pétrole.

Les primes directes souscrites au Québec ont également subi une légère contraction, de 0,6 % en 2015, passant de 14,9 à 14,8 G$. Il s’agit de la première baisse en 10 ans. Malgré le recul des primes totales, «les assureurs québécois ont su tirer leur épingle du jeu», écrit l’AMF dans son rapport. Ces derniers ont connu un taux de croissance annualisé de 6 % en 10 ans, soit le double des assureurs ayant une autre charte.

Québec, terre d’opportunité

Des 97 assureurs autorisés à exercer au Québec, ce sont les 17 assureurs à charte québécoise qui continuent de s’emparer de la grosse part du gâteau. En effet, ils détiennent plus de 54 % des parts de marché, par rapport à 44,5 % pour les assureurs à charte canadienne.

La vigueur des assureurs québécois leur a d’ailleurs permis d’acquérir 1,8 % de parts de marché supplémentaire en 2015. De leur côté, les assureurs canadiens ont vu leurs parts se contracter de 1,7 %.

D’ailleurs, l’AMF révèle que, généralement, entre 2005 et 2015, les parts de marché des assureurs québécois dans la Belle Province ont augmenté.

«La réussite des assureurs québécois dans le marché canadien leur a permis d’accroître leurs parts de marché, même au Québec», croit René Hamel.

Cela transparaît particulièrement dans les différentes acquisitions d’assureurs québécois au cours des dernières années, dont l’acquisition des activités d’assurance vie d’AXA Canada par SSQ en 2011.

À l’époque, AXA avait un actif sous administration de 856 M$ au Canada, permettant au passage à SSQ d’acquérir directement des parts dans le marché québécois.

Ce départ de sociétés canadiennes qui ont des sièges sociaux à l’extérieur du Canada a certainement profité aux assureurs du Québec.

«Pour ces sociétés, des rendements de 5 ou 6 % sont insuffisants, considérant leurs coûts unitaires et les attentes de l’actionnariat», explique René Rouleau.

Dans ce contexte, le coût unitaire représente le coût de l’ensemble des groupes divisé par le nombre d’unités.

Concentration à prévoir

«Pour survivre dans [le secteur de l’assurance], il faut être regroupé et un peu plus gros», croit René Rouleau.

Année après année, les 10 assureurs les plus importants du Québec s’emparent de plus en plus de parts de marché en fonction des primes directes souscrites, et représentent maintenant près de 90 % de l’ensemble des secteurs d’activité.

Il est peu probable que cette tendance s’inverse dans les prochaines années. Entre 2013 et 2015, les parts de marché des 10 assureurs les plus importants qui font des affaires au Québec dans le secteur de l’assurance accidents et de l’assurance maladie individuelle sont passées de 86 % à 92 %.

Les défis technologiques et informatiques expliquent en partie ce fait. Citant l’achat d’un système informatique, René Rouleau soutient que les importants investissements dans ce domaine permettent aux plus grandes compagnies d’amortir plus adéquatement les coûts, par rapport aux plus petits acteurs.

«Pour rester dans la partie, il faut avoir une force de frappe, une force de regroupement pour amortir nos coûts unitaires», ajoute-t-il.

Si la concentration des assureurs généralistes est clairement entamée, le marché n’est pas pour autant fortement concentré, selon l’Indice d’Herfindahl-Hirschman qu’utilise l’AMF dans son rapport. Cet indice, défini comme la somme des carrés des parts de marché de toutes les entreprises dans un marché donné, suppose qu’un marché fortement concentré obtiendrait un pointage supérieur à 2 500.

Or, pour l’ensemble du marché de l’assurance de personnes, le pointage est de 1 181, ce qui en fait un marché non concentré.

René Hamel est d’ailleurs d’avis qu’il y aura toujours de la place dans l’industrie, particulièrement pour les acteurs de niche.