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En janvier, les marchés boursiers, partout dans le monde, ont connu l’un des pires débuts d’année depuis longtemps. C’était aussi le commencement des primaires américaines… Simple hasard ou est-ce que les élections influencent réellement les marchés ?

«Les élections sont un bon moment pour étudier l’incertitude politique et son impact sur les marchés», explique Brandon Julio, professeur de finance à l’Université de l’Oregon.

Avec une collègue, il a étudié les élections dans 48 pays, de 1980 à 2005, et a conclu que les entreprises ont tendance à diminuer leurs investissements durant l’année précédant une élection, en moyenne de 4,8 %.

D’autres chercheurs, qui se sont penchés sur 11 élections présidentielles américaines depuis 1971, ont aussi remarqué une hausse du «conservatisme comptable» pendant une année électorale, soit une tendance à donner plus d’importance aux pertes potentielles qu’aux gains.

«Quand il y a de l’incertitude, les entreprises hésitent à investir, et ça se propage dans toute l’économie, pense Brandon Julio. Sur les marchés, la prime de risque est plus élevée et les coûts de financement augmentent.»

Selon le professeur, les industries de la défense, de la santé et des télécommunications sont généralement plus perméables à cette incertitude, parce qu’elles sont plus exposées à des changements possibles de réglementation.

Un site Internet américain calcule l’apparition dans les journaux de certains termes liés à une incertitude concernant l’économie en général, la réglementation gouvernementale et la politique monétaire. En février dernier, l’indice se situait à 150 (moyenne mensuelle), un niveau qui n’avait pas été atteint depuis janvier 2013, incidemment, juste avant la deuxième assermentation de Barack Obama.

En novembre 2000, alors que George W. Bush et Al Gore se retrouvaient devant la Cour suprême pour décider de l’issue de l’élection, l’indice se situait à seulement 125.

L’incertitude rime évidemment avec la volatilité. «Le simple fait d’être en campagne électorale génère de l’anxiété sur les marchés», résume John Goodell, professeur de finance à l’Université d’Akron, en Ohio.

À l’approche de l’élection, alors qu’un candidat semble de plus en plus assuré de la victoire, il se peut que la volatilité augmente tout de même. C’est ce qu’il conclut d’une étude qui s’intéresse aux cinq dernières élections américaines (1992-2008). Les recherches sur le sujet tendent cependant à conclure que la volatilité diminue quand l’identité du gagnant devient plus certaine.

Risques liés à la polarisation

Cela dit, une élection peut être très serrée et le gagnant peut créer une surprise. La polarisation des candidats peut aussi avoir un effet non négligeable, selon John Goodell. Si deux candidats ont des positions diamétralement opposées, l’incertitude devient naturellement plus grande.

Avec Donald Trump, un politicien inclassable, les marchés s’interrogent naturellement sur les politiques gouvernementales à venir.

Selon Ray Sturm, professeur de finance à l’Université de la Floride centrale, ce qui se passe actuellement est «sans précédent». «Jusqu’ici, Donald Trump a brisé toutes les conventions. Cela va inévitablement augmenter la volatilité», croit-il.

Autrement dit, la politique aussi est devenue plus volatile. «Ce n’est pas une élection ordinaire. Nous sommes dans un environnement politique où il y a beaucoup de débats, beaucoup de polarisation. Les partis sont de plus en plus éloignés, et l’incertitude est donc plus élevée», affirme Brandon Julio. «Je suis convaincu que la polarisation et l’incertitude dans cette élection font tourner l’économie au ralenti», ajoute-t-il.

Avantage Clinton

Tous s’entendent pour dire qu’une élection générale favorisant Hillary Clinton serait plus rassurante pour les marchés. «Je pense qu’Hillary Clinton plairait aux marchés. Elle est probablement la seule candidate centriste en ce moment. Le marché, de plus, tend à préférer les démocrates», rappelle John Goodell.

Au sujet d’Hillary Clinton, il juge aussi que les marchés tendent en effet à préférer les candidats qui sont «plus près de l’électeur médian».

Tendance post électorale

Ray Sturm s’est par ailleurs intéressé à la façon dont les marchés réagissent après l’élection. Il a découvert que la réaction immédiate du marché, au lendemain du scrutin, a tendance à se poursuivre durant toute l’année qui suit, qu’elle soit négative ou positive.

Si les marchés baissent dans les trois jours qui suivent immédiatement l’élection, l’année qui suit a de fortes chances d’être négative. Et l’inverse est aussi vrai.

Le professeur a également noté un revirement presque systématique durant la deuxième année d’un mandat présidentiel. Autrement dit, dans la deuxième année d’un mandat, il y a de grandes probabilités qu’un mouvement à la baisse ou à la hausse (de l’année précédente) s’inverse. Les données utilisées par Ray Sturm couvrent les années 1896 à 2011.

Pour Ray Sturm, c’est là que se trouve l’occasion pour les investisseurs. «Prédire la réaction des marchés est difficile. Interpréter cette réaction, voilà ce qui est important pour les investisseurs.»