«La plupart des gens n’y pensent tout simplement pas. C’est tout de même curieux, étant donné la quantité de temps qu’on passe devant un ordinateur !», souligne Maud Salomon, conseillère en sécurité financière et représentante en épargne collective rattachée à Mica Capital.

Elle observe que les conseillers eux-mêmes sont peu sensibilisés quant à l’importance d’inclure l’actif numérique dans les plans successoraux. «Pour ma part, c’est en constatant l’emprise de la technologie sur ma propre vie que j’ai commencé à aborder cette question avec mes clients», précise-t-elle.

Comment dresser l’inventaire

Pour recenser leur patrimoine virtuel, Maud Salomon recommande à ses clients de noter leurs allées et venues sur Internet chaque jour pendant un mois.

«Par exemple, s’ils reçoivent une facture en ligne, ils doivent l’indiquer. Même chose s’ils se branchent à un compte de messagerie ou sur un réseau social.»

«L’exercice est fastidieux et demande beaucoup de discipline, mais en fin de compte, ça nous donne un portrait plus juste de la situation», explique Maud Salomon.

Cet inventaire peut être conservé par la suite sur support papier ou numérique. «L’important, c’est qu’il soit mis à jour régulièrement et qu’il se trouve dans un endroit auquel les héritiers auront facilement accès», précise la conseillère.

Soyez bien organisé

Répertorier l’actif numérique ne suffit pas ; le contenu des différents supports numériques doit être également bien organisé.

«Un classement déficient, c’est une des difficultés que l’on rencontre le plus souvent lorsqu’il est question de succession numérique. Les légataires ont alors beaucoup de mal à distinguer les documents importants de ceux qui ne le sont pas», indique Jacynthe Touchette.

Celle-ci a rédigé un document intitulé «Le patrimoine numérique, le Web et la mort» dans le cadre d’un cours de maîtrise en sciences de l’information à l’Université de Montréal (http://tinyurl.com/pnpnh9w). Elle travaille à la bibliothèque de l’Hôpital général juif de Montréal.

Selon Jacynthe Touchette, un bon système de classement doit comporter un dossier différent pour chaque sphère d’activité. On peut ainsi en créer un pour le travail, un pour la musique, un pour les finances, etc.

«Il faut ensuite regrouper les documents par thème, en ajoutant autant de sous-dossiers que nécessaire», explique-t-elle. Le dossier «Finance» pourrait ainsi contenir un sous-dossier pour l’hypothèque, un autre pour les polices d’assurance, et un autre pour les placements.

Zut ! Quel est le mot de passe ?

L’accès à ce patrimoine virtuel est une autre embûche que les héritiers doivent souvent surmonter.

«Tout est protégé par un mot de passe. Or, sans ce sésame, bien des entreprises numériques refusent de fournir quelque information que ce soit, même lorsqu’on leur fournit un certificat de décès», souligne Michel Beauchamp, de Beauchamp & Gilbert, un notaire spécialisé notamment dans la liquidation des successions.

Il raconte le cas d’un comptable qui avait entreposé dans le nuage (cloud), par l’intermédiaire d’un service infonuagique aux États-Unis, les données de ses clients.

«À son décès, nous n’avons jamais pu récupérer ces informations, puisqu’il ne nous avait pas laissé son mot de passe. Cela a causé bien des maux de tête à sa clientèle lorsqu’est venu le moment de préparer les déclarations de revenus de l’année suivante», explique Michel Beauchamp.

Pour éviter ce genre de situation, le notaire conseille à ses clients de joindre à leur testament une enveloppe scellée qui contient tous leurs mots de passe.

«Puisqu’il est recommandé de changer régulièrement de mot de passe, une solution serait de noter trois mots de passe différents pour chaque compte, et de les utiliser en alternance. Au décès, les légataires sauraient qu’il s’agit d’une de ces trois possibilités», dit-il.

Cette façon de faire ne convient toutefois pas à tout le monde, juge Maud Salomon.

«Les professionnels qui traitent des informations sensibles, comme les conseillers, doivent modifier leurs mots de passe tous les trois mois, et ils ne peuvent pas réutiliser les anciens, rappelle-t-elle. À mon avis, il est donc préférable d’utiliser un gestionnaire de mots de passe, comme PasswordBox.»

Ces logiciels, souvent gratuits, font office de coffres-forts virtuels dans lesquels on dépose tous nos mots de passe. «De cette manière, le seul code à retenir est celui qui donne accès au logiciel», explique la conseillère.

De quoi nous faciliter la vie… et la transmission de notre héritage numérique !