Un homme d'affaire serrant la main à un robot.
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En voici quelques-uns :

  • L’arrivée des fonds négociés en Bourse (FNB) et des robots-conseillers transforme graduellement la fonction « gestion de portefeuille » en commodité (produit de consommation courante dont la différenciation se fait principalement au niveau du prix) en raison de l’énorme pression exercée sur les frais et les honoraires
  • La transparence (des honoraires chargés et des rendements réalisés) impose la nécessité de démontrer la valeur ajoutée des représentants, et incite ceux-ci à augmenter le nombre de clients à desservir (conséquence de la pression sur les honoraires)
  • La plupart des conseillers limitent leur offre d’un service « platine » (connaissance approfondie du client, offre de produits et services sur mesure, pertinence et « timing » des interventions) à seulement 10 à 15% de leurs clients. En outre, l’augmentation du fardeau réglementaire réduit le temps que les conseillers peuvent consacrer à bien comprendre, et mieux servir leurs clients
  • Ce sont les clients qui décident de quelle façon ils souhaitent consommer les services. Et la nouvelle génération de consommateurs exige l’accès simple et mobile aux produits et services

Selon mes discussions avec plusieurs acteurs du domaine du conseil financier, il est clair que se dessinent quelques tendances lourdes :

  • Les firmes détiennent une petite mine d’or de données qui gagneraient à être davantage exploitées afin de bien comprendre et mieux servir les clients
  • Les firmes ont généralement porté (et portent encore, pour la plupart) leur attention sur le processus d’investissement, la gestion de portefeuille, le transactionnel, l’administration, la conformité. Même les applications de gestion de la relation clients (CRM – « Client Relationship Management ») ne sont qu’un répertoire de renseignements
  • Certains des renseignements provenant notamment des documents d’ouverture de comptes comportent des biais qui contaminent le profil du client, et conséquemment le choix des produits et services offerts – par exemple, un niveau de tolérance au risque surévalué, résultat d’une auto-évaluation comportant un biais optimiste, ou influencée par d’autres facteurs comportementaux
  • Les firmes savent qu’elles doivent se transformer, réinventer la relation conseiller-client, alors que la transparence au niveau des honoraires et des performances d’investissement pousse les clients à se demander quelle est la valeur ajoutée de leur conseiller en services financiers – Pourquoi je paie autant d’honoraires ? Est-ce que j’en ai pour mon argent ?

Mais la plupart se demandent secrètement : Comment s’y prendre ? Où commencer ?

Par ailleurs, dans une récente étude, le CFA Institute conclut ceci :

  • La révolution numérique va s’accélérer dans le secteur de l’investissement. La technologie permettra d’améliorer l’engagement des clients et de fournir de meilleures informations quant à leurs préférences et leurs besoins, grâce à l’exploitation des données. Les professionnels de la finance devront s’y adapter et en faire l’apprentissage. Pour leur part, les sociétés devront faire évoluer leur contexte organisationnel en misant davantage sur l’intelligence collective pour se différencier grâce aux nouvelles possibilités technologiques.

Où en sommes-nous ?

Bien qu’il y ait eu énormément d’avancées technologiques au cours des dernières années, on ne sent que peu d’améliorations significatives au niveau des applications d’affaires permettant aux conseillers en services financiers de mieux répondre aux besoins de leurs clients. Par exemple, très peu de firmes réussissent à implanter un processus d’ouverture de comptes entièrement numérique qui fonctionne réellement, d’un bout à l’autre du continuum. Et il s’agit d’un processus qui semble relativement simple ! Alors imaginez qu’on cherche à comprendre quels sont les réels besoins des clients (pas dans l’ensemble, mais bien individuellement), afin de proposer à chacun la bonne intervention, au bon moment, et seulement si c’est pertinent à leurs circonstances spécifiques. Quel défi !!!

Pourquoi est-ce le cas ? Ne sommes-nous pas allés sur la lune dans les années 60 ? Les institutions financières et les firmes de conseils financiers n’investissent-elles pas dans les technologies ? La réalité est que ces institutions investissent massivement dans les technologies, mais avec, avouons-le, peu de succès. Plusieurs raisons peuvent expliquer, au moins partiellement, ce constat : investissements saupoudrés à travers plusieurs projets, manque de focus, biais en termes de technologies ou de processus, propension à éviter de perturber l’ordre établi et les façons de faire.

Pistes de solutions

Et si on revenait à l’essentiel en posant la question fondamentale : de quoi le client a-t-il besoin ? Comment peut-on bien le comprendre et s’assurer de bien répondre à ses besoins ? À quoi servent toutes ces données compilées par les firmes, si on n’arrive pas à les digérer, les analyser, les répertorier, les segmenter, les organiser, les réfléchir, les utiliser à bon escient. (On présume ici que toutes ces données sont bien protégées – ce qui fait l’objet d’un autre débat…)

Il est temps de se demander : Quel doit être le rôle de la machine, et celui de l’humain. À l’ère de l’intelligence artificielle, comment doit-on utiliser cette puissance ? Tout porte à croire qu’il faut utiliser la machine pour faire ce qu’elle peut faire mieux que l’humain, et laisser à l’humain faire ce qu’il peut accomplir mieux que la machine.

L’humain doit demeurer le champion de l’intelligence émotionnelle et de la portion du conseil financier qui relève de la gestion comportementale. Et cela tombe bien parce que selon une étude de Meir Statman, 93,6% de l’exercice de planification financière relève de la gestion comportementale. Cela inclut la compréhension des intérêts et des objectifs des membres de la famille, prévenir la vente de panique et la course absolue aux rendements, la mise en action d’un plan (testament, assurances, stratégies fiscales), la gestion des réactions émotives engendrées par la volatilité des véhicules financiers, etc.

Il n’existe que très peu de solutions à cet égard, mais il est désormais possible de faire appel à l’intelligence artificielle comportementale afin de doter le conseiller d’outils lui permettant de se concentrer sur son rôle – gérer le facteur humain.

Il faut utiliser ce que la machine fait de mieux afin de raffiner la compréhension du profil des clients, et d’intervenir, lorsqu’il est requis de le faire. Il est temps de réinventer la relation conseiller-client, en permettant au conseiller de jouer pleinement un rôle de catalyseur, aidant les clients à prendre action au moment opportun, afin de générer valeur et bien-être.

S’ils ne l’ont pas déjà fait, les leaders de ces organisations doivent poser un diagnostic et entreprendre une démarche visant l’implantation de solutions utilisant l’intelligence artificielle comportementale et l’exploitation des données, dans le but d’approfondir la connaissance du client, et d’optimiser l’approche de service.

Comme Charles Darwin nous l’a enseigné : les espèces qui ont survécu à différents cycles de l’évolution ne sont pas celles qui sont les plus fortes physiquement, ni les plus intelligentes, mais celles qui ont su le mieux s’adapter.

La bonne nouvelle : ces solutions existent déjà…


Richard Legault,
CPA CA, CFA, président de Phoenix Stratégies Conseils, et conseiller stratégique auprès de Telos Touch