Deux hommes d'affaire dos à dos devant un chemin qui se divise en deux, l'air pensif.
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Les propos de Michael Burry rapportés dernièrement dans cet article de Bloomberg ont fait grand bruit et peut-être même causé de l’inquiétude chez certains investisseurs à propos des fonds à gestion passive. De mon point de vue, l’article propose trois messages négatifs à propos des fonds indiciels sans offrir la moindre preuve à l’appui. Voyons-y de plus près.

Message erroné #1 : Les fonds indiciels sont semblables aux CDO

Citation à l’appui : « The recent flood of money has parallels with the pre-2008 bubble in collateralized debt obligations… »

Réponse: Tel que discuté dans mon récent blogue, les CDO qui ont contribué à la crise de 2008 se démarquaient par leur complexité, la misérable qualité de leurs actifs sous-jacents, leur manque de transparence et par le rôle des agences de notation de crédit, qui ont lamentablement échoué dans leur évaluation des risques. La plupart des fonds passifs ne revêtent aucune de ces caractéristiques.

Les fonds négociés en Bourse (FNB) courants n’investissent que dans des actions cotées en bourse et des obligations. Ces actifs sous-jacents sont soumis à des normes de divulgation de l’information rigoureuses et sont relativement liquides.

Message erroné #2 : Les investisseurs qui choisissent les fonds passifs sont des écervelés qui n’ont pas fait leurs devoirs et par conséquent, les prix des actions et des obligations sont rendus tout croches.

Citation à l’appui : « …passive investing has removed price discovery from equity markets. »

Réponse: Malgré la croissance phénoménale des fonds à gestion passive dans les dix dernières années, la vaste majorité des marchés financiers sont contrôlés pas des capitaux gérés activement. Selon les derniers chiffres (Morningstar Direct, juillet 2019) la part de marché des fonds communs de placement et des FNB dits « indiciels » à l’échelle mondiale est de 26,5 %. Un autre rapport publié par CREATE Research attribue une part de marché de 34 % aux fonds indiciels parmi les caisses de retraites interrogées. Il reste donc au moins les deux tiers des capitaux qui sont gérés activement. De plus, les prix des actions et des obligations ne sont pas fixés par vous et moi, mais bien par les grands investisseurs institutionnels qui représentent la majorité des volumes de transaction. Par exemple, les huit plus grands gestionnaires de fonds publics canadiens (Caisse de dépôt, Régime de pension du Canada, Ontario Teachers, etc.) ont probablement tous recours à la gestion passive pour une partie des actifs qui leur sont confiés, mais la majorité est gérée activement selon leurs rapports annuels. Et on ne parle même pas des banques d’investissement comme Goldman Sachs, qui sont constamment à l’affut de la bonne affaire. Affirmer que les prix des actions et obligations sont faux, c’est juste… faux.

Messages erroné #3 : Puisque les investisseurs qui choisissent les fonds indiciels n’ont pas fait leurs devoirs, ils vont probablement vendre tous leurs placements en même temps puisqu’ils sont si mal avisés.

Citations à l’appui : « …index funds inflows are now distorting prices of stocks and bonds… » et juste après: “The flows will reverse at some point and it will be ugly »

Réponse: Remarquez que l’auteur ne fourni aucun fait pour appuyer cette affirmation. Moi, je crois plutôt que les investisseurs qui utilisent les fonds passifs ont, dans beaucoup de cas, bien fait leurs devoirs. Ils ont lu les rapports de SPIVA, qui documentent les insuccès des fonds à gestion active non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis, en Europe, au Japon et j’en passe. Ces rapports démontrent également qu’aux États-Unis, seulement 16 % des fonds de premier quartile sur cinq ans sont parvenus à se maintenir au premier quartile lors des cinq années subséquentes, une proportion moindre que ce qu’on obtiendrait par tirage au sort.

Mot de la fin : quelques questions à poser

Dans cet article, j’ai fait de mon mieux pour démontrer – preuves à l’appui- que l’article publié par Bloomberg n’est aucunement appuyé par des faits. Je trouve normal -compte tenu de la notoriété de monsieur Burry- que les investisseurs posent des questions. Il faut comprendre toutefois que la croissance importante des fonds passifs n’est pas une bulle. Les fonds à gestion passive -surtout ceux de haute qualité- connaissent une croissance phénoménale parce que les investisseurs réalisent de plus en plus qu’ils permettent de capturer les rendements des marchés de capitaux plus efficacement que les fonds à gestion active. Il est normal qu’un produit de qualité supérieure augmente ses parts de marché.

Toutefois, avec la multitude de fonds passifs maintenant disponibles, l’investisseur et son conseiller doit tout de même se poser quelques questions avant d’investir. Voici quelques suggestions :

  • Quels sont les actifs sous-jacents du fonds et leur structure?
  • Comment les unités du fonds sont-elles créées et remboursées?
  • Y a-t-il de l’effet de levier?
  • Y a-t-il des produits dérivés? Est-ce que je les comprends bien?
  • Quelle est la méthode de gestion du fonds?
  • Pourquoi cette méthode est-elle susceptible de livrer des rendements satisfaisants?
  • L’information divulguée à propos du fonds et du portefeuille sous-jacent est-elle complète et mise à jour au minimum une fois par mois?
  • Quelle est la réputation de l’émetteur?
  • L’émetteur est-il prompt à répondre à mes questions? Ou au contraire se sauve-t-il si je me montre insistant?

Poser les bonnes questions et garder l’esprit critique vous permettra de maximiser vos chances de choisir les FNB les mieux adaptés à la situation et d’atteindre vos objectifs.