Un homme d'affaire sur une route qui continue vers l'horizon et se termine par un point d'interrogation.
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Nous avons signalé à plusieurs reprises au fil de nos billets combien nous estimons restrictive la politique monétaire adoptée par la Réserve Fédérale (Fed) et la Banque du Canada (BdC). D’ailleurs, les membres de la Fed anticipent maintenant une croissance du taux d’escompte aux États-Unis de 0,70% lui faisant atteindre 5,10% en 2023, suivi d’une baisse à 4,10% en 2024 et à 3,10% en 2025, afin qu’il se stabilise à 2,50% à long terme.

Une telle action mettrait encore davantage de pression sur les ménages ayant une hypothèque à taux variable et ceux qui doivent contracter une nouvelle hypothèque. À titre indicatif, le taux préférentiel est passé de 2,45% depuis son creux juste avant la première augmentation, en mars dernier, à 6,45% présentement. Sans même considérer une future augmentation des taux, le coût actuel d’une hypothèque de 300 000 $ est présentement de 1 000 $ de plus par mois, et ce, simplement pour couvrir les intérêts! Cela représente une charge très substantielle au budget des ménages, si l’on considère que le revenu annuel des ménages au Québec était de 52 200 $ en 20201, d’autant plus qu’il s’agit d’un déboursé après impôt.

Une étude récente menée par la BdC2 en novembre dernier soulève que près du tiers des hypothèques au Canada sont présentement à taux variable et environ trois quarts des hypothèques à taux variable le sont avec un versement fixe, c.à.d. que le paiement n’augmente pas malgré une hausse du taux d’intérêt. Toujours selon cette étude, une hausse de taux de 0.50% au cours de la première moitié de 2023, ferait en sorte que 65% des hypothèques à taux variable avec un paiement fixe, soit environ 17% de toutes les hypothèques au Canada, se trouveraient dans une position où leur versement ne couvrirait même pas les intérêts dus!

Évidemment, depuis plusieurs mois, les institutions financières ont déjà adopté un mode solution en rencontrant leurs clients se trouvant dans cette situation. Ceux qui sont incapables d’augmenter leurs paiements doivent par exemple ajouter la différence sur le solde hypothécaire, ce qui fait en sorte que l’amortissement augmente de façon significative. Cette procédure est considérée comme de l’amortissement négatif et plusieurs articles ont été publié récemment afin d’évoquer cette situation qui ajoute plusieurs années de paiements hypothécaires au budget des ménages. Le choix du taux variable coûtera alors très cher.

Il est important de souligner que même lorsque les taux variables représentaient un meilleur choix, nous avons toujours signalé que ce n’était pas pour tout le monde. De plus, les hypothèques à paiements fixes n’étaient pas appropriés et nous ne les avons jamais offert. Au contraire, nous avons toujours conseillé à nos clients de faire des paiements anticipés correspondant au taux fixe en remboursant le solde hypothécaire plus rapidement. D’ailleurs, depuis l’éclatement de la pandémie, il y a bientôt 3 ans, nous avons préconisé le taux fixe plutôt que le taux variable.

Au mois de décembre, nous avons par ailleurs été contactés par plusieurs détenteurs de ce type d’hypothèque en panique, puisque leur institution financière leur a soumis une généreuse offre de convertir leur hypothèque à taux variable pour une entente à taux fixe aux alentours de 6%. Ces institutions évoquaient le fait que leur économiste en chef prévoyait que le taux préférentiel risquait d’augmenter de 2-3% de plus. Une telle conversion aurait été beaucoup plus pertinente si elle avait été proposée au début des augmentations de taux plutôt qu’au stade actuel. Nous conseillons alors de ne pas accepter ces offres et geler un taux élevé sur un terme de plus d’un an.

Tel que nous le mentionnons depuis le printemps dernier, l’inflation était le problème de l’année dernière et le pire est derrière nous. L’activité économique n’arrête pas de ralentir à travers le monde et malgré que nous ne sommes pas encore en récession en Amérique du Nord, si les Banques Centrales continuent de se préoccuper de l’inflation plutôt que du ralentissement économique en continuant d’augmenter les taux, l’économie entrera réellement en récession. Dans un tel scénario, les Banques Centrales seront alors forcées de faire un pivot et de passer d’une politique monétaire très restrictive vers une politique monétaire accommodante en baissant de nouveau les taux et en augmentant leur bilan avec un nouveau programme d’assouplissement quantitatif (QE).

Selon nous, un scénario plus habile de la part des Banques Centrales serait une pause de hausse de taux. Cela nous semble facilement justifié compte tenu du ralentissement économique et de la direction baissière de l’inflation. Comme ils le disent déjà, les prochaines décisions de politique monétaire seront guidées par des statistiques économiques.

Pour cette raison, nous continuons de conseiller aux gens de choisir le taux fixe 1 an. Dans certains cas, lorsque les gens sont capables d’absorber d’autres augmentations des taux et que leur profil est plus agressif, nous conseillons également le taux variable, mais avec des paiements correspondants toujours aux taux fixes les plus élevés.

La gestion du passif fait partie intégrante de la situation financière du client et en représente parfois même « la » plus grande part. Il est donc primordial de confier l’analyse de celle-ci à un professionnel objectif qui saura bien le guider et s’assurer qu’il en saisit bien la valeur. Après tout, la gestion du passif en soi n’est-elle pas tout aussi importante que celle des actifs ?

1Revenu médian et revenu moyen des ménages et des particuliers de 16 ans et plus, Québec¹ (quebec.ca)

2 Prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes : les taux limites sous la loupe – Banque du Canada