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Avis au lecteur : l’objectif dans cette chronique est d’identifier des éléments du testament pouvant restreindre les stratégies de liquidation mises en place par les spécialistes en fiscalité au moment du décès du propriétaire d’une société de portefeuille. Si vous n’êtes pas familier avec celles-ci, soit le choix du paragraphe 164(6) et le pipeline, je vous invite avant de débuter votre lecture à consulter ma chronique du 7 avril 2017 qui résume chaque stratégie à l’aide d’un exemple chiffré.

Comme vous le savez, sans planification fiscale post mortem adéquate, il peut y avoir un potentiel de double voire même de triple imposition sur les sommes accumulées dans une société de portefeuille, au moment du retrait en faveur des héritiers. En effet, la première imposition pouvant être rencontrée est pour le défunt en raison de la disposition réputée de ses actions à leur juste valeur marchande. Cette disposition amène un impôt à payer dans la déclaration finale de ce dernier, calculé sur la plus-value accumulée sur les actions.

La seconde imposition potentielle est pour la succession ou les héritiers, selon le cas, lors de la déclaration du dividende de liquidation (ce qui ne comprend pas l’impôt payable par la société lors de la disposition des placements qui constitue la troisième imposition!). Heureusement, la loi permet au liquidateur de se prévaloir des dispositions du paragraphe 164(6) et ainsi, limiter l’imposition pour la succession sur le dividende de liquidation reçu (2ième imposition décrite ci-dessus). Pour ce faire, le liquidateur doit vider la société de portefeuille à l’aide d’un dividende avant la fin de la première année d’imposition de la succession. Ce dividende de liquidation, entraîne certes un impôt à payer pour la succession, mais il créer également une perte en capital au sein de la succession, perte qui peut alors être reportée dans la déclaration finale du défunt et ainsi annuler le gain en capital déclaré en raison de la disposition réputée de ses actions.

Maintenant que nous avons repassé l’objectif de cette stratégie ainsi que son mécanisme, voyons un scénario où le testament pourrait  empêcher la mise en place de celle-ci dans le cadre du règlement d’une succession :

L’actionnaire d’une société de portefeuille a prévu dans son testament un legs à titre particulier des actions de la société en faveur de son fils alors que le résidu des biens de sa succession est légué à sa fille. De façon générale, rappelons qu’aux termes du Code civil du Québec, le liquidateur peut aliéner les biens légués à titre particulier uniquement si les autres biens de la succession sont insuffisants pour payer toutes les dettes.  Ainsi, dans le cadre d’une succession solvable, les biens faisant l’objet d’un legs à titre particulier doivent normalement être transmis au légataire particulier. De ce fait, dans notre exemple, en supposant que les actions soient effectivement transmises au fils du défunt, il serait donc impossible pour le liquidateur de liquider la société à l’aide d’un dividende pour se prévaloir des dispositions du paragraphe 164(6).  Le fils pourrait toutefois recourir à la technique du pipeline, puisque contrairement aux dispositions du paragraphe 164(6) qui ne peuvent être utilisées que par la succession dans sa première année d’imposition, la technique du pipeline pourrait être utilisée par le légataire après que les actions lui aient été transmises par le liquidateur. Il faut cependant noter que cette technique nécessite un processus d’implantation complexe et coûteux et qu’il y a des risques fiscaux si les étapes et les conditions exigées par les autorités fiscales ne sont pas suivies et rencontrées.

Il est donc essentiel que le testament soit rédigé de façon adéquate lorsqu’on souhaite mettre en place des techniques de planification post-mortem, et ce tant à l’égard des types de legs qu’à l’égard des pouvoirs du liquidateur. Dans le cas soumis, si les actions avaient fait l’objet d’un legs résiduaire par exemple, le liquidateur étant par ailleurs chargé de la pleine administration, aurait pu utiliser les dispositions du paragraphe 164(6) ou encore la technique du pipeline.

Finalement, il est important de réviser son testament chaque fois qu’un évènement important survient, comme la naissance d’un enfant, la création d’une société par actions ou une nouvelle union afin qu’il soit le reflet de votre nouvelle réalité.

Ce document contient des renseignements de nature générale seulement. Son but n’est pas de fournir des conseils juridiques, fiscaux ou financiers.