Enjeux fiscaux de la détention de placements passifs par l'entremise d'une société
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Voir l’article de Jean-Philippe Binette

Imposition des placements passifs dans une société

Tous les placements ne sont pas égaux en termes de fiscalité. Il est donc crucial de ne pas négliger l’aspect fiscal lors de la composition d’un portefeuille détenu dans une corporation. Ainsi, le rendement net sera augmenté sans prendre de risque supplémentaire.

Contrairement au REER ou au CELI dans lesquels la croissance du portefeuille est à l’abri de l’impôt, les revenus générés dans un portefeuille détenu dans une corporation sont imposés annuellement. Le taux d’imposition des revenus de placements passifs d’une corporation québécoise est de 50,47%.

On distingue ainsi trois types de revenus ou gains provenant de placements passifs :

– Les revenus d’intérêts : 100% imposables. Ils proviennent généralement de placements tels que les dépôts, certificats de placements, fonds de marchés monétaires, obligations ou de bons du Trésor.

– Les revenus de dividendes : les dividendes sont des paiements effectués par les sociétés aux actionnaires pour partager les bénéfices. Lorsque l’actionnaire est un fonds commun de placement plutôt que l’investisseur directement, alors le fonds attribue les dividendes à ses détenteurs d’unités.

On différenciera alors :

o Les dividendes étrangers : 100% imposables, avec une retenue à la source dans le pays de provenance.

o Les dividendes canadiens, qui bénéficient d’un traitement favorable : dans une corporation, ils déclencheront un impôt remboursable de 38,33%.

o Les gains en capital, provenant de la vente de titres à profit, sont les plus avantageux avec seulement 50 % du gain imposable. La portion non imposable est incluse le compte de dividende en capital (CDC) et peut être distribué libre d’impôt à l’actionnaire.

Proposition du Ministère des Finances du Canada (MFC) sur l’imposition des revenus passifs

Actuellement, les actionnaires de sociétés privées peuvent bénéficier d’un report d’impôts du fait que leurs revenus actifs soient imposés à des taux d’imposition inférieurs à celui des particuliers non incorporés. Ainsi, le revenu net d’impôts pouvant être investi dans des placements passifs peut être supérieur pour un actionnaire d’une société privée.

Dans l’énoncé original, le MFC avait annoncé considérer plusieurs avenues pour contrer cette situation, notamment :

– L’élimination de l’impôt en main au titre de dividende (« IMRTD »), permettant un remboursement d’impôt de 30,67%.

– L’élimination de l’inclusion de la portion non imposable du gain en capital dans le CDC lorsque le capital ayant servi au financement des placements passifs a été imposé à un taux inférieur applicable au revenu actif.

Selon le régime proposé, les calculs du MFC ont démontré que l’avantage actuel des actionnaires de sociétés privées serait annulé. Ces calculs ont été faits en prenant comme exemple un contribuable résident de l’Ontario, dont le revenu avant impôt et le capital de départ est de 100 000 $, avec un rendement annuel de 3 % sur une période de dix ans. On peut douter que le résultat soit identique avec l’exemple d’un contribuable résident du Québec avec un taux de rendement sur investissement différent. Étant donné que le nouveau régime sur l’imposition des revenus passifs proposé est encore à l’étude, et que les propositions législatives seront incluses dans le budget de mars 2018, nous pouvons espérer que la nouvelle approche respectera le principe d’intégration et d’équité entre les résidents des différentes provinces.

D’autre part, il a été clairement statué que ce nouveau régime fiscal ne s’appliquerait pas aux investissements actuels et aux revenus générés par ceux-ci. De plus, le nouveau régime protégera la capacité des entreprises à économiser en prévision des urgences ou à des fins d’investissements futurs, comme l’achat d’équipement, l’embauche et la formation du personnel, ou le développement des activités. En effet, le revenu généré par les investissements futurs jusqu’à concurrence de 50 000 $ sera exempté de ces nouvelles règles fiscales.

Solutions d’optimisation

En fonction des objectifs de placement, il est possible d’évaluer le traitement fiscal de chacun des revenus des placements sélectionnés dans la société afin de pouvoir optimiser le rendement net.

Par exemple, détenir des actions canadiennes dans une corporation permettra de bénéficier du traitement favorable des dividendes qu’elles pourraient générer et éventuellement d’un gain en capital.

Détenir des actions étrangères dans une corporation impliquera un impôt maximum sur les dividendes, incluant une retenue à la source. Le type d’actions choisi aura alors son importance : des actions de croissance versant peu de dividendes permettraient d’éviter cet impôt défavorable.

Des stratégies alternatives, comme l’utilisation de certains fonds communs de placement constitués en société peuvent permettre d’investir dans du revenu fixe ou des actions internationales, tout en minimisant, selon les faits propres à chaque fonds, les revenus d’intérêts ou de dividendes étrangers imposables. La structure permet de reporter ses revenus et parfois même de les convertir en gain en capital ou en dividendes canadiens. De plus, dans une corporation, cette stratégie peut permettre dans certains cas d’augmenter significativement le CDC.

D’autres outils, tels que des actions privilégiées, peuvent permettre d’aller chercher un revenu sous forme de dividendes, dont le traitement fiscal est plus intéressant que celui des intérêts. Il reste important de bien prendre en compte le niveau de risques de ce type de placement pour les utiliser de façon appropriée.

Enfin, posséder des actions accréditives peut venir compléter le portefeuille d’un investisseur ayant une aversion au risque plus élevé en lui permettant d’aller chercher des crédits d’impôt supplémentaires.

Considérations importantes

Outre les enjeux fiscaux, il faut tenir compte d’autres critères pour décider de la détention de placements passifs dans une société privée :

– Le patrimoine distinct de la société permet de protéger les actifs, alors que les placements détenus personnellement ne sont pas à l’abri des créanciers de l’investisseur ;

– Une société a une durée de vie illimitée jusqu’à sa dissolution ;

– La capacité et les outils de financement sont généralement plus favorables pour une société ;

– Une stratégie de fractionnement du revenu peut être élaborée avec une société sous réserve des nouvelles règles ;

– La création d’une société implique des coûts d’incorporation et de conformité ainsi qu’un minimum de structure organisée incluant du personnel administratif.

Conclusion

Choisir de détenir des placements passifs via une société ou personnellement n’est pas une décision simple. Les mesures fiscales envisagées par le MFC ne faciliteront pas la tâche, et avant de prendre cette décision, il faut pouvoir réfléchir à différents facteurs. Pour cette raison, il est toujours préférable de consulter un professionnel afin de s’assurer que la stratégie d’investissement réponde aux besoins financiers et fiscaux.

Merci à Christophe Guendaz pour son étroite collaboration sur cet article.

Ce texte a été écrit par Hans Laliberté, CPA, CGA, LL.M. Fisc. Directeur – Fiscalité canadienne chez Demers Beaulne S.E.N.C.R.L.