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Multiplication de l’exonération cumulative des gains en capital (« ECGC »)

Le gouvernement abandonne ses modifications législatives visant à limiter la multiplication de l’ECGC. En fait, le processus de consultation a permis au gouvernement de réaliser que les mesures initialement proposées pourraient avoir des conséquences non désirées sur des transferts intergénérationnels d’entreprises familiales. Ce qui est surprenant, c’est qu’à présent, le gouvernement n’a pas l’intention de modifier sa proposition législative touchant la multiplication de l’ECGC afin de s’attaquer aux planifications illégitimes multipliant l’ECGC pour plusieurs membres d’une famille qui ne contribuent pas à la société. Ces planifications constituent assurément un abus de l’esprit de la loi.

Il semble donc que les planifications fiscales qui concernent la multiplication de l’ECGC sont pour l’instant encore acceptées par le gouvernement.

L’imposition des revenus passifs

Lors des propositions législatives de juillet dernier, le gouvernement a évoqué son intention de modifier complètement l’imposition de placements passifs détenus par une société privée. De toute évidence, ce nouveau système d’imposition allait augmenter la complexité et le temps de préparation de la déclaration d’impôt de la société privée. De plus, les entrepreneurs ont fait réaliser au gouvernement que la marge de manœuvre découlant de l’épargne accumulée dans la société était importante au moment de financer une expansion ou des situations urgentes d’entreprises. À la suite des consultations, le gouvernement a modifié son approche de façon à laisser une marge de manœuvre aux entrepreneurs, mais tout en n’encourageant pas les particuliers plus fortunés à accumuler une épargne plus élevée que via une détention directe. Sommairement, le gouvernement tolérera un seuil de revenu passif de 50 000 $ par année. De plus, les investissements déjà effectués ainsi que les revenus futurs générés par ces investissements ne seront pas inclus dans ce seuil. Les détails de cette nouvelle mesure devraient être présentés en mars 2018 lors de la présentation du budget fédéral.

Le fractionnement de revenu entre les membres d’une famille

Le gouvernement semble avoir plié devant les représentations des contribuables sur la majorité des modifications proposées en juillet à l’exception du fractionnement de revenu. En fait, de petits ajustements ont été apportés, mais l’essentiel de la mesure reste intact.

Le gouvernement désire toujours aller de l’avant avec les mesures visant à réduire les possibilités de répartition du revenu à l‘aide de sociétés privées, tout en s’assurant que les règles n’auront pas de répercussions sur les entreprises familiales dans la mesure où le conjoint, les enfants et autres membres de la famille sont manifestement et véritablement actifs au sein de celles-ci. Le montant reçu par une personne liée âgée de 18 ans et plus devra toujours satisfaire à l’analyse du caractère raisonnable, mais les facteurs d’analyse du critère seront modifiés. Selon l’annonce du ministre des Finances du 16 octobre, la personne devra démontrer son apport à l’entreprise en fonction d’un ou plusieurs principes de base suivant :

– Les apports en main d’œuvre;

– Les apports en capitaux ou de capitaux propres à l’entreprise;

– Assumer des risques financiers de l’entreprise, comme cosigner un emprunt ou une autre dette;

– Les apports antérieurs relativement à la main d’œuvre, aux capitaux ou aux risques.

Avant l’annonce du 16 octobre dernier, le critère de caractère raisonnable était différent pour les 18 à 24 ans et les 25 ans et plus. Aussi, les experts étaient incertains à savoir si tous les facteurs devaient être rencontrés ou bien si seulement le fait de satisfaire à l’un d’eux était suffisant pour ne pas être assujetti à l’impôt sur le revenu fractionné. Par conséquent, le gouvernement a bien fait d’ajuster cette mesure en simplifiant l’analyse du critère de caractère raisonnable.

À la suite de l’annonce du 16 octobre, le test du critère de caractère raisonnable demeure flou et laisse place à plusieurs interprétations. Celles-ci pourraient amener le contribuable à devoir engager des frais afin de défendre son interprétation devant les tribunaux si elle diffère de celle de l’Agence du revenu du Canada (« ARC »).

Ces nouvelles règles sont applicables à partir du 1er janvier 2018. Certains contribuables pourraient avoir avantage à profiter de l’application des règles actuelles afin de profiter au maximum de la progressivité des taux des autres membres de leurs familles. Par exemple, un propriétaire d’entreprise imposé au plus haut taux marginal d’impôt, qui fractionne habituellement 33 000 $ de dividendes par année à son garçon aux études âgé de 21 ans, aurait avantage à verser 100 000 $ à son fils en 2017 afin de profiter des anciennes règles. Ce dernier pourrait donc toucher environ 80 000 $ net d’impôt. À l’application des nouvelles règles, le montant net d’impôt que son fils recevrait serait de 56 000 $. Dans ce cas particulier, une économie d’impôt d’environ 24 000 $ pourrait donc être réalisée d’ici la fin 2017.

D’autre part, le versement d’un salaire raisonnable selon le travail effectué est un moyen de fractionnement de revenu qui est toujours accepté. Aussi, le prêt à taux prescrit par un particulier en faveur d’une fiducie familiale dans le but de fractionner le revenu de placement découlant de ce prêt est toujours accepté.

Finalement, le plan du gouvernement de s’attaquer aux planifications fiscales au moyen de sociétés privées et de fiducies n’a pas eu le succès escompté. Au contraire, leurs modifications proposées n’étaient pas assez précises et celles-ci affectaient, sans le vouloir, les PME partout au Canada. Espérons que prochainement, le gouvernement évaluera correctement toutes les conséquences directes et indirectes avant d’annoncer d’autres mesures touchant la fiscalité des entrepreneurs canadiens.

Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification financière et fiscale (APFF), et a été écrit par Jean-Philippe Binette.